Depuis le 11 mars 2024, Haïti n‘a plus d’autorité légale[1]. Cette situation est alarmante tandis les gangs prennent le contrôle de la capitale et des principaux axes routiers et aéroportuaires. L’État est moribond. Il n’en reste que des symboles. Et pour cause ! Aucune élection n’a pu se tenir depuis 2016, année durant laquelle Jovenel MOÏSE, assassiné le 7 juillet 2021, avait été élu à la tête de l’État[2]. Depuis 2020, le parlement ne compte plus de députés, les 2/3 des sénateurs n’ont pas été renouvelés[3]. Autant dire que le vide institutionnel, résultat d’une dérive politique, a accéléré le renforcement de groupes armés illégaux.
« La loi de la jungle » est devenue la règle : maîtres de trafics, notamment d’armes, de drogue, sur l’énergie, les combustibles ou les pièces détachées notamment pour les voitures, les gangs ont pris le contrôle de pans entiers d’une économie à l’abandon. Plus de 60% de la population est sans emploi, ouvrant la voie à une activité informelle et repliée sur l’environnement familial et le principe d’une stricte suffisance. La dégradation de l’environnement a renforcé la crise agricole et aujourd’hui alimentaire.
Outre la crise de gouvernance et la diffusion d’une violence incontrôlée, utilisée par les gangs pour gagner le rapport de force avec un État fantôme, l’économie doit absorber chaque année, les conséquences des catastrophes naturelles dévastatrices.
Aux ouragans annuels, s’ajoutent des tremblements de terre chroniques. Le séisme du 12 janvier 2010, a provoqué, essentiellement à Port-au-Prince, la mort de près de 300 000 personnes, autant de blessés ; le 14 août 2021, un séisme de 7,2 sur l’échelle de Richter a dévasté la région de Nippes faisant près de 2500 victimes[4]. Ces chocs ne parviennent pas à être absorbés par une population qui se replie sur le noyau familial pour survivre. Haïti est le seul pays des Amériques, à être classé parmi « les moins développés », 163ème sur 191 selon l’indice de développement humain de l’Organisation des nations unies[5]. Les vagues migratoires sont révélatrices des crises successives d’Haïti et ont des causes tant politiques (les présidences DUVALIER, entre 1957 et 1986) qu’économiques[6]. Ce sont près de 85% de cadres de l’État et de diplômés qui ont quitté leur pays. Le programme de séjour conditionnel mis en place par l’administration Biden a bénéficié à près de 150 000 Haïtiens[7]. La décomposition de l’État et l’ancrage des gangs, qui en est la contrepartie, a engagé une course contre la montre.
Palais présidentiel à Port-au-Prince au lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010 (© Pascal DROUHAUD).
Avec la départ contraint de l’ancien Premier ministre, Ariel HENRY, le 11 mars 2024, l’initiative sur la scène internationale a été reprise par la Communauté des États Caraïbes (CARICOM). Une « conférence d’urgence sur la transition en Haïti » s’est tenue à Kingston afin de fixer le cadre d’une sortie de crise institutionnelle et sécuritaire. L’engagement des États-Unis, dont le rôle est essentiel pour Haïti, se vérifie dans le soutien financier pour la mise en place d’une mission internationale de soutien à la police. Son coût, dans le cadre d’un déploiement initialement conduit par le Kenya[8], est évalué entre 515 et 600 millions de dollars, Washington apportant hors appui humanitaire, 133 millions. Ce dispositif serait doublé de la mise en place d’un Conseil présidentiel de transition composé de 7 membres devant ouvrir la voie à un échéancier électoral visant à rétablir les institutions.
C’est oublier l’implantation territoriale des gangs qui se rêvent désormais en recours institutionnel. Ils utilisent une rhétorique faisant appel aux concepts de libération et d’indépendance, qui renvoient aux origines d’une identité nationale haïtienne, largement dévoyée depuis l’indépendance du 1er janvier 1804.
C’est dans ce contexte qu’Haïti est en passe de se transformer en un foyer de déstabilisation dans la région des Caraïbes, menaçant l’équilibre de l’Amérique latine[9].
L’illusion d’une solution politique
La vague de violence, qui a explosé en 2024 et a provoqué le départ du Premier ministre Ariel HENRY, est alimentée par l’enracinement de gangs qui ont prospéré en profitant du vide institutionnel. Ces derniers sont issus de milices utilisées pendant des années, par les gouvernements successifs ou des intérêts privés. À partir du 29 février, de nombreux gangs concurrents se sont alliés pour la circonstance et ont lancé des attaques massives et coordonnées contre les institutions et infrastructures de Port-au-Prince : commissariats, palais présidentiel, hôpital universitaire d’État, université d’État, centres pénitentiaires (avec la libération de plus de 4 000 prisonniers, dont ceux soupçonnés de l’assassinat du président Jovenel MOÏSE)…[10].
Depuis, atteints d’une frénésie destructrice, les gangs attaquent, pillent et incendies tous les jours toutes les représentations d’une société civilisée et structurée : écoles, commissariats, pharmacies, centres de soins, Petit Séminaire Collège St-Martial, École nationale des arts, École normale supérieure et même la bibliothèque nationale qui conserve des documents rares d’une valeur historique inestimable. Ils tentent quotidiennement de prendre possession du palais présidentiel ou encore de l’hôpital universitaire d’État, qui reste fermé par sécurité[11]. Plus de 200 000 écoliers haïtiens sont privés d’instruction selon l’UNICEF, mais aussi de jeux et de toute activité sociale depuis plusieurs semaines, avec le risque qu’ils finissent par être exploités par les bandes armées ; au moins 1 500 personnes ont été tuées sur les trois premiers mois de l’année selon l’ONU : « Cette situation est plus qu’intenable pour le peuple haïtien », a regretté le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker TÜRK, avant d’ajouter que « au moins 313 000 personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur du pays »[12].
Affrontements dans les rues de Port-au-Prince en mars 2024 (© LATFRAN).
Pour mémoire, en application de la Constitution de 1987, amendée en 2011-2012[13], Haïti est un État organisé sous la forme d’une république indivisible, souveraine, indépendante, démocratique et solidaire (article 1). Il dispose d’un régime semi-présidentiel et s’organise territorialement en 10 départements, en communes et en sections communales (article 61). La Constitution consacre le principe de séparation des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (article 59).
Le pouvoir étatique est structuré autour d’institutions précises :
- un parlement bicaméral, dénommé Assemblée nationale, constitué d’une chambre de 119 députés élus pour 4 ans au suffrage universel direct et d’un sénat de 30 membres élus pour 6 ans au suffrage universel et renouvelés par tiers tous les deux ans, soit 3 sénateurs par département (articles 88 et s.) ;
- un exécutif bicéphale dont un président de la République élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans et un gouvernement dirigé par un Premier ministre issu de la majorité parlementaire (articles 133 et s.) ;
- enfin, avec un pouvoir judiciaire assuré par la Cour de cassation, les tribunaux d’appel, les tribunaux de première instance et les juges de paix (articles 173 et s.).
Mais, face à un État failli, la conférence de Kingston du 11 mars 2024, rassemblant les pays membres de la CARICOM et conduite par Mohamed IRFAAN ALI, président de la République coopérative du Guyana, lui-même confronté à des tensions avec le Venezuela[14], a annoncé la constitution d’un conseil présidentiel de transition. Sa mission ? Rétablir le bon fonctionnement des institutions et leur représentativité dans le cadre d’élections libres. Or, celles-ci ne peuvent se tenir alors que la sécurité n’est plus assurée dans le pays. Près de 90% de la capitale sont contrôlées par les gangs. Il en va de même avec l’ouest du pays. Les départements d’Artibonite, du Nord-ouest tout comme ceux de Grande Anse (dévasté en septembre 2016 par le passage de l’ouragan Matthew) et de Nippes. À la pression de la violence s’ajoute celle de la crise économique et de la pauvreté, autant de facteurs qui ne jouent pas en faveur d’une mobilisation électorale, rendant sujette à caution, toute idée de représentativité du vote.
Techniquement, Haïti n’a plus connu d’élection depuis celle de Jovenel MOÏSE, le 20 novembre 2016. Le taux de participation était de 20%. Cette dernière concluait une énième période d’instabilité. En effet, le 7 février, au sortir du mandat de Michel Martelly (2011-2016), un président à titre provisoire avait été élu par le parlement, réuni en congrès, le 14 février : Jocelerme PRIVERT. Sa mission de 120 jours visait à organiser de nouvelles élections présidentielles, supposées rétablir le cours des institutions politiques.
Jovenel MOÏSE, candidat du « parti haïtien Tet ka » (PHTP) était élu, prenant ses fonctions le 7 février 2017. Il assurait mener à bien la réalisation de son programme « Karavan Changman », « la caravane du changement » : assurer la remise en état les infrastructures visant à désenclaver les départements et villes, assurer le fonctionnement des services publics.
La détérioration des conditions de vie, la violence contre les opposants, l’inflation et la dévaluation de la monnaie nationale (la gourde) ont ponctué une gestion qui s’est achevée dans le sang. A partir du 13 janvier 2020, le mandat de l’ensemble des députés et des 2/3 du Sénat, s’achevait sans que de nouvelles élections soient organisées : en janvier 2023, « les dix derniers sénateurs encore en poste ont achevé symboliquement leur mandat, mais le pouvoir législatif a en fait cessé de fonctionner en janvier 2020 »[15].
En décidant de gouverner par décrets, Jovenel MOÏSE renforçait les tensions politiques : contestation de la date de fin du mandat présidentiel, paralysie des institutions, corruption, mouvements sociaux. L’incapacité des institutions à dépasser la crise s’annonçait, tandis que la succession présidentielle devenait l’objet d’une bataille politique entre le premier ministre de facto, nommé deux jours avant son assassinat, par le président défunt, Ariel HENRY, et celui toujours en fonction Claude JOSEPH. Un accord permettait à Ariel HENRY de diriger l’exécutif tout en promettant des élections impossibles à réaliser et régulièrement reportées en 2021, 2022 et en 2023. Ariel HENRY s’est maintenu à son poste au-delà de la date limite de son mandat, le 24 février 2024, puis a été poussé à la démission le 11 mars 2014.
Pour mémoire, en 1995, Jean Bertrand ARISTIDE décidait de dissoudre les forces armées. Son intention était de rendre impossible tout coup d’état militaire dont lui-même avait été victime en 1991[16]. L’usage légitime de la force était officiellement, transféré à la police. Cependant, l’exercice clanique et autoritaire du pouvoir favorisait la permanence de l’usage de groupes « d’autodéfense », devenant à l’instar des sinistres « tontons macoutes » de l’ère DUVALIER, les supplétifs des régimes en place.
Il en a été ainsi pour d’anciens policiers tels Jimmy CHERIZIER, alias « Barbecue » à la tête du gang « G9 »[17]. Le sens de l’organisation et la connaissance des rouages de l’État par plusieurs chefs de gangs leur a permis de se développer sur les lambeaux d’un État en faillite.
Vue aérienne de Port-au-Prince en 2019 (© Pascal DROUHAUD).
Johnson ANDRÉ, alias « Izo », dirige « Vilaj de Dye – 5 Segonn ». Par ailleurs, « 400 Mawozo », « GPEP » et autres sont autant de noms de groupes illégaux qui prospèrent sur les enlèvements et rançons, le racket et les trafics de tous ordres.
Leur nombre varie autour de 150. Rivalité, conflits et alliances de circonstances contribuent à l’instauration de la loi du plus fort. Ils ont un ennemi commun, largement affaibli : l’État. Celui-ci est à la fois attaqué frontalement et de l’intérieur, les gangs bénéficiant de complicités. Le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) fait un lien entre les structures étatiques et les gangs. Dans un rapport sur les violations des droits humains en 2022, cette ONG affirmait déjà : « aucun mécanisme n’a été mis en place pour empêcher l’expansion des gangs armés ou pour contrôler l’entrée des armes à feu et des munitions dans le pays. Au contraire, ces gangs armés, continuant de jouir de la protection indéfectible des autorités étatiques qui veulent se maintenir au pouvoir par leur entremise, deviennent de plus en plus puissants »[18].
En étant, après les États-Unis, le second pays des Amériques à acquérir sa liberté, et le premier à s’affranchir de l’esclavage, avec ses héros que sont Toussaint LOUVERTURE et Jean-Jacques DESSALINES, Haïti a chevillé à son identité une fierté d’indépendantiste. Jimmy CHERIZIER veut inscrire ses pas dans cette mythologie, pour engager le défi de la conquête des institutions.
En reprenant une rhétorique politique qui laisse entrevoir une volonté de prendre le contrôle des institutions, Jimmy CHERIZIER fait appel à un narratif ouvrant la voie à un idéal de libération, de lutte contre le déterminisme social. Il s’agirait de gagner une nouvelle indépendance, contre les oligarchies afin de rompre avec les inégalités. Discours pseudo-révolutionnaire, qui n’a pour but que d’habiller, à peu de frais, la violence quotidienne pour la rendre respectable dans la conquête des institutions.
Comment y parvenir ? Par la paralysie ou impossibilité de mise en pratique de toute action publique, afin de rendre inévitable l’intégration des gangs dans tout processus politique de sortie de crise.
« Barbecue » met en œuvre son objectif en appuyant aujourd’hui Guy PHILIPPE. Ce dernier a fait partie des putschistes en 2004 contre le président ARISTIDE : il est également un ancien policier qui a été brièvement sénateur en 2016, avant d’être extradé et condamné aux États-Unis pour blanchiment d’argent issu du trafic de drogue ? Il est rentré en Haïti en novembre 2023, après avoir purgé une peine de cinq ans. Depuis, il appelle à la « rébellion », officialisant la présence des gangs dans le but d’investir les rouages d’un État moribond.
L’usurpation de l’espace politique par les bandes armées annoncent de nombreuses dérives qui ne peuvent que rendre précaires les engagements d’une communauté internationale confrontée à de multiples tensions globales. En s’impliquant dans la recherche d’une sortie de crise, la CARICOM a-t-elle bien mesuré la complexité de la réalité politique et sécuritaire d’Haïti ?
Le rôle contesté mais incontournable de la communauté internationale
Haïti est un État sous assistance internationale depuis une trentaine d’années[19]. Ce n’est d’ailleurs qu’à la fin du XXème siècle que le pays accède à la démocratie, après une période d’occupation américaine jusqu’en 1934, une période d’instabilité jusqu’en 1957 et la dictature de la dynastie DUVALIER jusqu’en 1986. Mais, avec la Constitution de 1987 et finalement l’élection libre du père Jean-Bertrand ARISTIDE en décembre 1990 sous le contrôle d’observateurs internationaux, Haïti goûte enfin la saveur d’une ère démocratique qui s’interrompt brutalement en septembre 1991 lorsque le chef de l’État est renversé par un coup d’Etat militaire. Sur décision de Bill CLINTON, 20 000 soldats de l’armée américaine chassent la junte militaire et rétablissent le Président ARISTIDE à la tête du pays en octobre 1994 : ce dernier termine son mandat en 1996, puis se représente et est élu en 2000.
De 1995 à 2000, une première Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti est déployée (MINUSTAH). En février 2004, face à la colère populaire des Haïtiens, la France et les États-Unis convainquent le Président ARISTIDE de démissionner. Après l’envoi de nouvelles troupes américaines, canadiennes, françaises et chiliennes, consécutif au renversement du président ARISTIDE, une seconde MINUSTAH opère en Haïti de 2004 à 2017, sous commandement brésilien, avant d’être remplacée par une mission de suivi plus légère qui prendra fin en 2019[20].
Cette force internationale laisse de douloureux souvenirs aux Haïtiens : d’une part, elle est synonyme de gabegie de l’aide internationale car une partie des fonds est détournée à cause de la corruption et les efforts d’investissement dans les infrastructures ne sont pas suffisants ; d’autre part, des casques bleus rapportent le choléra et se rendent coupables d’abus sexuels. Depuis 2017, Haïti vit sous perfusion de l’aide internationale et n’arrive pas à endiguer les trafics d’armes et de drogue.
Zone de Jérémy après le passage de l’ouragan Matthew en octobre 2016, avec la sécurité civile et l’ambassadrice de France, Mme Elisabeth Beton-Delègue (© Pascal DROUHAUD)
L’ancien ambassadeur des États-Unis, James Foley explique les réticences des Haïtiens face à la perspective d’une nouvelle intervention de la communauté internationale : « Profondément patriotiques, les Haïtiens méprisent la perspective d’une énième occupation étrangère à la suite d’une série d’échecs de la communauté internationale dans leur pays »[21].
Depuis deux décennies, la communauté internationale tente de résoudre la crise et l’instabilité en Haïti au travers de trois instances : le Conseil de sécurité de l’ONU, le Core Group et la CARICOM.
En 2004, le Conseil de sécurité de l’ONU crée le Groupe Restreint (Core Group) pour suivre au plus près la situation en Haïti[22]. Présidé par le représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies, ce groupe de travail est constitué aujourd’hui des ambassadeurs de l’Allemagne, du Brésil, du Canada, de l’Espagne, des États-Unis, de la France et de l’Union européenne, ainsi que des représentants de l’Organisation des États américains (OEA) et de la CARICOM. Le « Core Group » a pour vocation de promouvoir le dialogue avec les autorités haïtiennes, en tant que partenaires, et de donner plus d’efficacité à l’intervention de la communauté internationale en Haïti. Toutefois, ses détracteurs l’accusent d’ingérence dans les affaires intérieures d’Haïti en donnant la priorité à la stabilité du pays plutôt qu’à la volonté du peuple : en particulier ces dernières années, de nombreux Haïtiens lui reprochent de soutenir le Président Jovenel MOÏSE bien que ce dernier refuse d’organiser les élections du parlement et de soutenir Ariel HENRY comme Premier ministre alors que ce dernier n’a pas de légitimité démocratique[23]. L’ONU dispose d’une représentation permanente sur place, dénommée le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), qui relaie régulièrement les communiqués de presse du Core Group[24].
Une solution haïtienne a bien été tentée avec l’Accord de Montana, sans succès, à la suite du meurtre du Président Jovenel MOÏSE[25]. Alors que le Core Group paraît s’être mis un peu en retrait[26], la CARICOM joue un rôle central de médiation depuis plusieurs mois[27].
Sa réunion extraordinaire sur Haïti s’est tenue à Kingston en Jamaïque, les 11 et 12 mars 2024. Son objectif était de valider un processus permettant un retour à un cadre institutionnel durable. Par ailleurs, elle fait office d’intermédiaire ou de médiatrice entre les différents acteurs haïtiens appelés à prendre part la gouvernance provisoire, via un conseil présidentiel de transition. En effet, la communauté internationale envisage deux mesures pour restaurer la stabilité et la gouvernance du pays :
- il est, dans un premier temps, prévu l’envoi d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) pour aider la Police Nationale d’Haïti (PNH) à reprendre les territoires perdus ; cette mission a été créée par le Conseil de Sécurité de l’ONU le lundi 2 octobre 2023 dans sa résolution n° 2699 (2023) ; elle doit être déployée une pour durée initiale de 12 mois sous la direction du Kenya qui s’est engagé à fournir 1 000 des 2 500 policiers devant la constituer[28]; à la suite de la démission du gouvernement HENRY début mars 2024, le Kenya a fait savoir qu’il engagerait ses hommes seulement une fois qu’une autorité politique haïtienne aura été officiellement désignée[29] ; ce nouvel effort, visant à briser l’emprise des gangs de type paramilitaire dans Port-au-Prince, ne sera pas une mission officielle de maintien de la paix de l’ONU et sera financée via un fonds de dotation alimenté principalement par les États-Unis, mais aussi le Canada, la France et d’autres pays ;
- il a été négocié entre les organisations civiles et politiques haïtiennes et la CARICOM l’installation d’un conseil présidentiel de transition inclusif chargé de gouverner provisoirement et de préparer des élections libres et transparentes[30]. Il devrait être composé de 9 membres : 7 titulaires avec droit de vote, assurant une présidence tournante et représentant les principaux mouvements politiques du pays, la société civile et le secteur privé ; et 2 observateurs sans droit de vote, représentant les secteurs religieux et de la société civile. Dès sa mise en place, il aura pour tâche de nommer un nouveau Premier ministre de transition.
Face à une situation qui paraît inextricable, les observateurs avertis ne sont pas très optimistes sur les chances de succès de la nouvelle gouvernance qui se met en place difficilement[31]. Le journaliste américain Jonathan Katz fait preuve de pessimisme en prédisant que « l’intervention finira donc probablement par consolider le pouvoir d’un gang. Les gangs d’Haïti sont largement connus pour avoir des liens opérationnels avec des dirigeants politiques et des membres de l’élite économique haïtienne »[32].
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Conclusion
Finalement, après 220 ans, Haïti n’a toujours pas réussi à se doter d’« un gouvernement stable » malgré l’ambition de son Acte d’indépendance signé par Jean-Jacques Dessalines le 1er janvier 1804[33]. Pour l’ancien ambassadeur américain James Foley, « alors que l’État s’effondre, la question fondamentale est de savoir si les dirigeants haïtiens peuvent surmonter leurs ambitions personnelles, leurs rivalités amères et leur suspicion mutuelle pour trouver un terrain d’entente sur la voie à suivre pour leur pays. S’ils le font, la communauté internationale peut jouer un rôle constructif pour soutenir leurs efforts »[34].
Si la Mission multinationale de sécurité menée par le Kenya et le Conseil présidentiel de transition n’arrivaient pas à être mis en place ou à fonctionner, il serait peu probable que les États-Unis engagent une intervention militaire comme par le passé.
La situation politique, tandis que la campagne des élections présidentielle de novembre 2024 mène son plein, est un frein à une telle action. Par ailleurs, les USA pourraient-ils supporter de voir des militaires mourir en Haïti alors qu’ils se sont désengagés de l’Afghanistan ?
Le débat est d’une rare complexité. La dégradation sur le terrain, de la situation rend de plus en plus hasardeuse, une présence armée dans le pays. Pour autant, les États-Unis et les pays de la région, peuvent-ils laisser se cristalliser une situation de crise alimentée par une activité née de trafics et de la délinquance qui en résulte ?
Se pourrait-il alors que la solution de gouvernement intérimaire oblige à envisager une place à des représentants des gangs ? Certains plaident pour cette solution. Intégrer des responsables de bandes armées dans la future solution politique aurait pour objectif de faire cesser les violences par la promesse d’une amnistie générale. Mais, la contrepartie serait de leur permettre d’accéder au cœur d’un état désormais affaibli sinon moribond mais reconnu sur la scène internationale. La population, lasse de tant de souffrances et abandon social, serait-elle d’accord avec un tel accord d’immunité pour les membres des gangs ?
Le coût à payer est trop explosif dans la durée, tandis que l’environnement international est suffisamment tendu pour que n’émerge pas un nouveau front dans la région des Caraïbes.
Haïti est actuellement à l’abandon. La violence s’ancre dans le pays alors que les gangs étendent leurs présences. La campagne électorale aux Etats-Unis d’une part, les tensions internationales par ailleurs, expliquent la paralysie actuelle. Mais le risque de voir un pays des Caraïbes devenir un espace de non droit, aux mains de trafiquants de tous ordres à commencer par les armes et la drogue, notamment la cocaïne ne peut être acceptable. Cette situation menace la région des Caraïbes, mais également l’Amérique latine où la sécurité devient le sujet prioritaire des Etats.
L’Afrique est également concernée, les routes de la drogue passant par le Golfe de Guinée avant de traverser une partie de l’Afrique de l’Ouest, du Sahara en vue d’atteindre le marché européen. La dangerosité de la situation oblige à terme, la communauté internationale à intervenir. Mais cette action ne peut se faire qu’avec les Haïtiens qui doivent être les acteurs d’une reconstruction aujourd’hui totalement hypothétique et lointaine.
Pascal DROUHAUD
Spécialiste de l’Amérique latine, chercheur associé à l’institut Choiseul, Président de LATFRAN (latfran.org)
David BIROSTE
Docteur en droit, Vice-président de LATFRAN (latfran.org)
[1] Haïti a une superficie de 27 760 km² et 11,6 millions d’habitants, ainsi qu’un PIB est de 20,25 mds de dollars US. À titre de comparaison, le pays voisin sur la même île, la République dominicaine, s’étend sur 48 500 km, compte 11,3 millions d’habitants (données de la BM/ 2010) et dispose d’un PIB de 113 Mds de dollars US (Source : Banque mondiale, 2022).
[2] Elu le 20 novembre 2016, Jovenel Moïse prend ses fonctions à la tête d’Haïti le 7 février 2017. Il est assassiné à son domicile, le 7 juillet 2021.
[3] Amélie BARON, « Haïti: le président Jovenel Moïse entérine la caducité du Parlement », RFI, 14 janvier 2020.
[4] Le 12 janvier 2010, un séisme de 7,3 sur l’échelle de Richter dévaste la région capitale et une partie de Port-au-Prince. Le bilan fait état de plus de 250.000 morts, 300.000 blessés. L’ouragan Sandy en octobre 2012, 18ème de la saison cyclonique, dévaste l’ouest et le sud d’Haïti. En octobre 2016, l’ouragan « Matthew », de catégorie 4, dévaste le Sud, la région de Grande Anse avec la ville de Jérémie et celle de Nippes. En août 2021, un séisme frappe à nouveau la région de Nippes, faisant plus de 2000 morts.
[5] Source : Banque mondiale, 2022 (consulté le 06/04/2024).
[6] Francois Duvalier, surnommé « Papa Doc », est élu Président de la République haïtienne le 22 octobre 1957. Il instaure en 1964, la présidence à vie. Il meurt en fonctions des suites d’une longue maladie, le 21 avril 1971. Son fils, Jean-Claude, surnommé « Bébé Doc », lui succède à l’âge de 19 ans. Président à vie, il est contraint de quitter le pouvoir le 7 février 1986, emporté par un soulèvement populaire. Il meurt le 4 octobre 2014. La dynastie des Duvalier a mis en place par un régime autoritaire et corrompu et s’est maintenue aussi longtemps au pouvoir grâce à la milice privée tristement célèbre des Tontons Macoutes.
[7] L’administration Biden a mis en place, le 5 janvier 2023, le nouveau programme de séjour conditionnel, devant bénéficier aux Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens. À ce jour, 150 000 Haïtiens, 92 000 Vénézuéliens, 75 000 Cubains et 64 000 Nicaraguayens ont été acceptés sur leur sol par les États-Unis.
[8] Le 4 mars 2024, l’Organisation des Nations unies a renouvelé son appel à la mise en place d’une mission internationale de sécurité en Haïti. Un accord bilatéral avec le Kenya avait été signé entre Ariel Henry el le chef de l’État kenyan, William Ruto, le 1er mars 2024. Il devait accélérer le déploiement d’une force de 2500 hommes envoyés en soutien à la police haïtienne. Il succédait à l’accord du Président Ruto, en juillet 2023, d’un engagement kenyan en réponse aux fortes demandes de l’ONU (accord confirmé en octobre 2023). L’imbroglio juridique qui a suivi au Kenya a conduit ce pays à convenir d’un accord bilatéral supposé accélérer la mise en place du dispositif : Noé HOCHET-BODIN, « Crise en Haïti : les tergiversations du Kenya, chargé de mener la force onusienne de maintien de la paix », Le Monde, 14 mars 2024 (consulté le 06/04/2024).
[9] Pascal DROUHAUD, « Haïti : les dangers d’un foyer de violences dans les Caraïbes », Revue Défense Nationale, n° 869, Avril 2024, pp. 118-124 (consulté le 06/04/2024).
[10] Claude GUIBAL, « Haïti : pourquoi le pays est-il plongé dans le chaos ? », France Inter, 4 mars 2024 (consulté le 06/04/2024) ; François BALLARIN, « Haïti : ʺDevant l’effondrement de l’État, les gangs se sont fédérés et font la loiʺ », RFI, Entretien avec le cinéaste haïtien Arnold Antonin, 13 mars 2024 (consulté le 06/04/2024).
[11] Marie-André BELANGE, « Haïti : plusieurs institutions de Port-au-Prince saccagées », RFI, 3 avril 2024 (consulté le 06/04/2024).
[12] ONU, « La situation en Haïti est ʺintenableʺ, selon le chef des droits de l’homme de l’ONU », Communiqué du 6 mars 2024 (consulté le 06/04/2024). Depuis, les chiffres ont évolué et 360 000 personnes déplacées ont été recensées ; ce sont plus de 50 000 Haïtiens qui ont dû fuir la Capitale au cours des trois dernières semaines : ONU, « Haïti : des hôpitaux toujours ciblés par les gangs armés à Port-au-Prince », Communiqué du 3 avril 2024 (consulté le 06/04/2024).
[13] Texte de la Constitution de 1987, amendé en 2011-2012, sur le site constituteproject.org (consulté le 06/04/2024) : https://constituteproject.org/constitution/Haiti_2012?lang=es.
[14] Mohamed IRFAAN ALI est Président de la République coopérative du Guyana depuis le 2 août 2020, à la suite de son élection le 2 mars. Avec son pays, il fait face à la revendication du Venezuela et de son président Nicolás MADURO sur le riche territoire de l’Essequibo : Pascal DROUHAUD et David BIROSTE, « Tensions entre le Vénézuéla et le Guyana : une ʺdrôle de guerreʺ », Revue Défense Nationale, n° 868, Mars 2024, pp. 116-122 (consulté le 06/04/2024).
[15] Wahoub FAYOUMI, « Il n’y a plus de parlementaires en Haïti : « C’est toute l’architecture de l’État qui se trouve illégitime » », RTBF, 11 janvier 2023 (consulté le 06/04/2024) ; Amélie BARON, « Haïti : le président Jovenel Moïse entérine la caducité du Parlement », RFI, 14 janvier 2020 (consulté le 06/04/2024) ; Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), Mandats constitutionnels des élus. Le tiers du Sénat, Rapport thématique III, 3 janvier 2022 (consulté le 06/04/2024).
[16] En 1993, alors qu’Haïti traversait une grave crise politique, notamment marquée par le renversement du président Jean-Bertrand ARISTIDE en 1991, la Mission civile internationale conjointe de l’ONU et de l’Organisation des États américains s’était déployée en Haïti jusqu’en juin 1996. Pendant cette période, un gouvernement constitutionnel avait été rétabli en octobre 1994 à la suite de l’opération américaine « Restaurer la démocratie ». Le président ARISTIDE, rétabli en octobre 1994, avait pu finalement terminer son mandat, le 7 février 1996. Il sera élu pour un second mandat, en décembre 2000, à la tête du mouvement « Fanmi Lavalas », mais quittera Haïti le 29 février 2004, sous protection américaine, à la suite d’une rébellion ; il sera démis de ses fonctions dans la foulée de son départ.
[17] Jimmy CHERIZIER est un ancien policier. Son groupe armé, le G9, servait de force de protection et de défense au régime du président MOÏSE (2017-2021). Il est impliqué dans la mort de 9 civils, dans une opération dans le quartier de « Grand Ravine », en novembre 2017, et dans le massacre de « La Saline » le 13 novembre 2018. Après l’assassinat du Président MOÏSE, le 7 juillet 2021, il réussit l’alliance de plusieurs gangs et prend le contrôle d’une partie de la capitale. Son surnom est « Barbecue ». Il renvoie à la pratique violente et ancienne dite du « père Lebrun » consistant à incendier un pneu placé autour du cou d’un opposant ou d’un adversaire politique, donc à ses origines sociales modestes.
[18] RNDDH, « Violation systématique des droits humains en Haïti : le RNDDH presse l’État à reconnaitre la gravité de la situation », Rapport du 3 février 2022 (consulté le 06/04/2024).
[19] L’aide internationale est protéiforme en Haïti. Il peut s’agir, par exemple, de l’annulation partielle de la dette, comme en 2009 pour les Etats-Unis à hauteur de 1,2 milliard de dollars, en 2010 pour le Canada avec 100 millions de dollars ou encore en 2015 pour la France avec 57 millions d’euros.
[20] Adam Taylor, « The history of foreign intervention in Haiti is ugly », The Washington Post, 7 mars 2024 (consulté le 06/04/2024).
[21] James B. Foley, « I’ve Seen Military Intervention in Haiti Up Close. We Can’t Repeat the Same Mistakes », Politico Magazine, 12 janvier 2022 (consulté le 06/04/2024).
[22] Résolution 1542 (2004) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 30 avril 2004 (consulté le 06/04/2024).
[23] Le représentant spécial pour Haïti du Président BIDEN a déclaré que « ce que nos amis haïtiens veulent et dont ils ont vraiment besoin, […] c’est la possibilité de tracer leur propre voie, sans marionnettes internationales et sans candidats privilégiés » : Daniel Foote, « Resignation letter from U.S. special envoy for Haiti », The Washington Post, 23 septembre 2021 (consulté le 06/04/2024) ; Monique CLESCA, « My Group Can Save Haiti. Biden Is Standing in Our Way », The New York Times, 1er décembre 2021 (consulté le 06/04/2024) ; Evan DYER, « Haitian commission sends message to Canada, U.S. — stop meddling in our government », CBC News, 8 décembre 2021 (consulté le 06/04/2024).
[24] https://binuh.unmissions.org/fr.
[25] L’Accord de Montana, du nom de l’hôtel de Port-au-Prince où il a été signé le 30 août 2021, est une initiative prise par plusieurs partis politiques et organisations civiles d’Haïti pour résoudre la crise de gouvernance déclenchée par l’assassinat du président Jovenel MOÏSE en juillet 2021 : le texte est disponible sur le site du média haïtien HaïtiLibre (consulté le 06/04/2024). Ce pacte a été soutenu par 418 organisations de la société civile, 105 organisations populaires, 85 partis et regroupements politiques et 313 personnalités, toutes opposées au maintien au gouvernement d’Ariel HENRY jugé illégitime. Cet accord prévoyait le retour à la normalité constitutionnelle et la restauration de l’ordre démocratique, en passant par une phase de transition gérée par un président de la République et un chef de gouvernement provisoires élus par un Conseil National de Transition (CNT) de 52 membres représentant les signataires. Mais, l’élection de Fritz JEAN comme président provisoire fin janvier 2022 n’a pas été reconnue par le gouvernement d’Ariel Henry, qui a conservé le pouvoir : Amélie BARON, « Haïti : Ariel Henry reste au pouvoir malgré la fin de son mandat, la classe politique conteste », RFI, 8 février 2022 (consulté le 06/04/2024).
[26] Robenson GEFFRARD, « Où est passé le Core Group ? », Le Nouvelliste, 25 août 2023 (consulté le 06/04/2024).
[27] La CARICOM a pour objectifs de renforcer les liens interétatiques et de construire un espace de libre-échange entre les 15 pays qui la composent : Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Bélize, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, Montserrat (territoire du Royaume-Uni), Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Suriname et Trinité-et-Tobago.
[28] Haïti: le Conseil de sécurité autorise le déploiement pour douze mois de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, une force de police non onusienne | Couverture des réunions & communiqués de presse
[29] International Crisis Group, Les gangs en Haïti : une mission étrangère peut-elle briser leur emprise ?, Briefing Amérique latine et Caraïbes de Crisis Group N°49, 5 janvier 2024 (consulté le 06/04/2024).
[30] Anne CANTENER, « Difficiles négociations politiques en Haïti », RFI, 14 mars 2024 (consulté le 06/04/2024) ; Maurice AMOS, « Conseil de transition en Haïti: un bon modèle », IDDEC, 21 mars 2024 (consulté le 06/04/2024) : « Un Conseil présidentiel de transition en Haïti risque d’entraîner de nouvelles crises s’il n’est pas correctement structuré, soumis à des lois et à une juridiction certaine, indépendante et impartiale, et si ses membres ne sont pas véritablement sujets à un contrôle, à des poursuites et à des sanctions. »
[31] Mélanie CHALANDON,, « Haïti : une transition politique à haut risque », France Culture, 15 mars 2024 (consulté le 06/04/2024) ; Marine de LA MOISSONNIERE, « Haïti au bord de l’effondrement », RFI, Journal d’Haïti et des Amériques, 4 avril 2024 (consulté le 06/04/2024).
[32] Jonathan M. Katz, « The U.S. Is Preparing an Outsourced Invasion of Haiti », Foreign Policy, 7 novembre 2023 (consulté le 06/04/2024).
[33] « Acte d’indépendance », Digithèque de matériaux juridiques et politiques, Université de Perpignan
https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht1804.htm (consulté le 06/04/2024).
[34] James B. Foley, « I’ve Seen Military Intervention in Haiti Up Close. We Can’t Repeat the Same Mistakes », préc.