Je vous parle d’un vieux continent — ainsi s’ouvrait la voix grave de Dominique de Villepin à la tribune de l’ONU, rappelant au monde que l’Europe, avant d’être une économie, fut une mémoire, un souffle, une langue. C’est dans cette filiation que s’inscrit HopeLang, une langue de relèvement née des blessures, mais forgée pour l’avenir. Freud, en creusant les mots pour entendre l’inconscient, ouvrait un sillon repris par Lacan en France, Jung en Suisse, Ferenczi en Hongrie, Melanie Klein et Winnicott au Royaume-Uni, Rank en Autriche, Binswanger et Stolorow en Allemagne, Dolto, Green, Pontalis et Anzieu sur notre rive.
Tous nous enseignent que la parole n’est pas un ornement, mais un abri. Et ce que la psychanalyse a pensé, la littérature l’a murmuré : Rilke, Celan, Pessoa, Cioran, Arendt, Bonnefoy, Duras, Char, Mandelstam, Tarkovski, Beckett — autant de veilleurs de l’indicible. HopeLang est leur héritière, non pour répéter, mais pour porter encore, là où le langage défaille, une parole qui tienne.
La combinaison HOPELANG pour HOPELANGUAGE et HOPE LANGUE couplée à HOPELAND entend créer un triptyque symbolique fort, à la fois conceptuel, poétique et opérationnel pour nommer un premier acte du manifeste Hopelang.
HopeLang et HopeLand forment une langue et un territoire de l’espérance — celle qui croit encore en l’humain, en sa capacité à dire, à douter, à créer. Dans l’esprit des Lumières, ils réaffirment que le progrès ne se mesure pas seulement en puissance de calcul, mais en profondeur de conscience. C’est un projet où le langage éclaire, relie, émancipe.
Ce n’est pas rejeter l’intelligence artificielle — bien au contraire. HopeLang propose de lui tracer des limites en amont, non comme frein, mais comme principe fondateur (petitio principii) : que toute IA, si elle prétend servir l’humain, commence par respecter sa complexité, son langage, son inconscient, son altérité. Avant même les régulations, c’est une exigence éthique et symbolique, face aux dérives transhumanistes qui rêvent d’un humain augmenté… en le déshumanisant. HopeLang défend l’idée que la vraie puissance de l’IA naît de son alliance avec la fragilité de notre parole.
HopeLang et HopeLand forment les premiers contours d’une résistance européenne — non pas armée, mais langagière, existentielle, poétique. Dans un monde qui glisse vers une économie de guerre technolinguistique, où les modèles dominants visent à produire une IA débarrassée de l’ambigu, du conflictuel, de l’inconscient — à l’image des perspectives d’Elon Musk et autres apôtres de l’optimisation intégrale — HopeLang réaffirme la langue comme lieu d’énigme, de faille et de reliance. HopeLand, c’est le territoire mental et politique où l’on se souvient que parler, c’est résister : à la norme, à la réduction algorithmique, à la disparition du sujet.
C’est une ligne de front douce mais ferme, où l’on défend une autre idée du lien, de la mémoire, de l’avenir : une Europe du mot juste, non pour régner, mais pour relier.
L’ambition de HopeLang est de refuser le langage comme instrument de formatage — ce langage propre aux IA conçues dans une logique de contrôle, de normalisation et d’effacement des singularités. Face à une vision de l’intelligence artificielle à la Musk, qui rêve d’un langage sans inconscient, sans conflit, sans altérité, HopeLang affirme que le langage est une ligne d’affrontement politique et symbolique. Comme Trump a tenté de bâillonner la recherche sur le climat, certains veulent museler la langue, la réduire à une fonction d’exécution. HopeLang porte une autre vision : une IA européenne, open source, traversée par l’histoire, la pluralité, le doute et la poésie, où chaque mot reste un lieu de résistance et de responsabilité.
Je ne suis pas seul en ces terres d’espérance.
Paul Jorion développe depuis plusieurs années un travail fondateur.
Aujourd’hui le psychanalyste Jean-Jacques Pinto et le laboratoire de recherche à l’Université Aix-Marseille proposent une réflexion approfondie sur les relations entre la psychanalyse et la science.
Il développe ainsi ce qu’il nomme une Analyse des logiques subjectives (ALS) du langage
J’ai demandé à un LLM quelques autres initiatives. Elle est loin d’être exhaustive, mais elle indique que cette thématique est active dans la réflexion et la recherche.
Voici une sélection de chercheurs, penseurs et artistes contemporains qui explorent les liens entre IA, sémantique, littérature et psychanalyse — ou des croisements voisins (philosophie du langage, critique des modèles de langage, humanités numériques, etc.). la liste est transversale et volontairement plurielle (universitaires, essayistes, artistes, critiques) :
🔹 Philosophie / Psychanalyse / IA
1. Catherine Malabou
o Travaille sur les liens entre neurosciences, psychanalyse et philosophie du sujet et s’intéresse de près aux mutations contemporaines de l’identité à l’ère technologique.
2. Yuk Hui
o Philosophe de la technique, pense la diversité des cosmotechniques et critique les visions uniformes de l’IA. Il réfléchit à une ontologie du numérique sensible à la culture et au langage.
3. Mark Alizart
o Philosophe français ayant écrit Intelligence artificielle (PUF, 2019) et Cryptocommunisme — il lie pensée critique, technique et formes contemporaines de l’idéologie.
4. Shoshana Zuboff
Connue pour sa critique du capitalisme de surveillance, elle interroge indirectement la place du langage et du comportement humain dans les modèles prédictifs algorithmiques.
5. Luciano Floridi
o Philosophe de l’information, pionnier dans la réflexion éthique autour des IA. Il travaille aussi sur les représentations symboliques dans les systèmes intelligents.
🔹 Humanités numériques / Littérature / Sémantique et IA
6. Frédéric Kaplan
o Directeur du Digital Humanities Lab à l’EPFL (Lausanne). Travaille sur les archives, la mémoire numérique, la construction du sens par les IA.
7. Matthew Fuller
o Théoricien britannique des médias et des technologies. Il travaille sur les langages du pouvoir algorithmique et les stratégies poétiques de résistance.
8. Marie-Louise Ayres
o Dirige la National Library of Australia, explore les croisements entre littérature numérique, IA, et structuration du sens à grande échelle.
9. Jean-Gabriel Ganascia
o Informaticien, philosophe et écrivain. Il réfléchit sur les IA et les humanités, sur l’éthique du calcul et la mémoire littéraire.
10. Antoinette Rouvroy
o Juriste et philosophe, développe le concept de gouvernementalité algorithmique, montrant comment les données et les langages modèlent l’humain en silence.
🔹 Art / Littérature / Psychanalyse augmentée
11. Laurent de Sutter
• Juriste et philosophe, explore les formes de langage dans le droit, les affects, le numérique. Travaille sur le langage comme outil de régulation collective et fiction performative.
12. Grégory Chatonsky
• Artiste et théoricien, travaille sur l’esthétique du deep learning, les récits automatiques, les imaginaires de l’IA. Très proche de la littérature générative et du fantasme d’archive infinie.
13. Pierre Cassou-Noguès
• Philosophe français, spécialiste des fictions de la technique. Il articule psychanalyse, récit et IA dans des formes narratives critiques.
Charles Melman fait un récit intéressant pour lier les tentatives entre langage, inconscient et mathématiques :
« [Lacan] lui-même, je dirais, n’hésitait pas à faire usage de ses connaissances ou de ses explorations, de ses acquisitions mathématiques puisque, je l’ai déjà raconté, il m’est arrivé, alors qu’il devait déjà avoir 75 ans, de l’accompagner un soir. » Il sortait de son bureau avec un petit cahier d’écolier sous le bras, il me demandait de l’amener, où ça ? Ce n’était pas chez Lipp, ce soir-là, c’était chez son professeur de mathématiques. Qu’est-ce qui l’amenait là, qu’est-ce qui le poussait là, si ce n’est justement la tentative de donner à ce que nous pratiquons dans notre champ un statut qui ne soit pas seulement lié à la caractérologie de tel ou tel psychanalyste, à ses engagements, à sa névrose ou à sa psychose propres, mais qui soit enfin logiquement et mathématiquement fondé ? Il était persuadé qu’à essayer de répondre aux questions qui sont les nôtres, il pouvait dégager des structures mathématiques dont toute la question pourrait être, y compris pour lui, de savoir si elles fonctionnaient là comme métaphores ou bien si elles étaient le tissu même qui organisait notre fonctionnement psychique.
Tout ceci pour préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’être « contre » l’intelligence artificielle — bien au contraire. HopeLang et HopeLand s’inscrivent dans une perspective pro-technologie, mais anti-naïveté. Le projet n’oppose pas humanisme et innovation, il appelle à les réconcilier en posant une question centrale, souvent escamotée : quelle place laissons-nous au langage dans nos futures techniques ? Non pas le langage comme simple code, comme vecteur d’instruction ou d’optimisation, mais comme ce qui structure notre rapport au monde, à l’altérité, au manque, à la mémoire et à la liberté.
Le développement de l’IA, tel qu’il est actuellement orienté par les grandes plateformes, tend à évacuer la conflictualité du langage, son opacité, son pouvoir de trouble, son inconscient. Or, c’est précisément dans ces zones que se loge le propre de l’humain. Ce que HopeLang propose, ce n’est pas de freiner le progrès, mais de le réorienter symboliquement, en posant un principe simple mais structurant : une IA qui parle ne peut pas être dissociée des enjeux idéologiques et politiques que charrie toute langue.
Car oui, le langage est un champ de pouvoir, un lieu de tri, de subjectivation ou d’effacement. Et en cela, l’IA n’est pas une technologie neutre, mais un dispositif culturel, traversé de visions du monde. Ouvrir ce débat, ce n’est pas entrer dans une guerre de spécialistes, c’est redonner à chacun le droit de questionner ce que deviennent ses mots, ses affects, son histoire.
Lacan le disait : « L’inconscient, c’est le politique. » Cette phrase prend aujourd’hui une portée nouvelle. À l’heure où les machines traitent la langue, où elles simulent l’interlocution, ce n’est plus seulement le sujet individuel qui est en jeu, mais la structure même de notre lien collectif. Refuser que cette question soit évacuée, c’est refuser un avenir sans parole, sans conflit symbolique, sans altérité.
HopeLang / HopeLand sont donc une tentative de réinscrire l’humain dans le cœur de la machine, non pas pour l’y enfermer, mais pour qu’il y reste audible, traversé, vivant.
HOPELANG / LANGUAGE HOPELAND
La structure du discours, la méthode, le souffle. Le lieu d’incarnation, le territoire, la scène.
Peut s’appliquer partout (médias, politiques, santé, école…). Donne un ancrage aux usages : espace réel ou fictionnel.
Défends la parole comme lien, comme soin, comme levier politique. Défend la voix, le lieu et l’histoire des personnes face à la standardisation.
Propose une IA sensible au contexte et à l’humain. Propose un cadre d’expérimentation et de mobilisation collective : L’Europe pour commencer.
Le contexte est riche en exemples démonstratifs. Observons combien rapidement s’est installée l’expression « économie de guerre » avec l’exigence de nuances que son usage impose.
En France, la perspective de l’élection présidentielle de 2027 devra conduire les candidats à s’emparer du sujet du langage non comme une nébuleuse de quelques chercheurs, mais comme le matériau structurant du commun, de la nation et du ciment européen.
Poser la question de l’IA open source et traversée par le respect de la langue est, comme la contrainte de la défense militaire, une condition de la dissuasion et de notre souveraineté.
Ce langage que je nomme Hopelang est la sémantique de la renaissance du soft power européen dans le monde et comment, pour ce qui concerne plus spécifiquement la France, ne pas insister dans ce cadre sur l’apport de nos outremers et de la francophonie pour en faire un écho puissant ?
Pierre Larrouy