La pandémie a révélé une dépendance accrue des Français à l’État, avec des conséquences sur les valeurs sociétales et les finances publiques. La doctrine du « quoi qu’il en coûte » a certes permis de répondre aux urgences immédiates, mais elle a aussi entraîné l’installation d’une dépendance systémique à l’intervention publique, entravant la capacité de l’économie à se réformer et à s’adapter durablement. Cette approche a souvent été financée par l’endettement, creusant un déficit public considérable et renforçant la perception que le social est un droit fondamental.
La rupture avec la valeur travail
La crise Covid-19 a accéléré la perte de valeur accordée au travail. Les mesures de soutien économique ont créé une perception que le travail n’est plus essentiel pour la survie. En France, les dépenses publiques pour le chômage et les allocations sociales ont augmenté, renforçant cette tendance. Par exemple, en 2022, les dépenses pour les prestations sociales représentaient une part importante du budget public : selon le ministère du Travail, les dépenses pour les allocations chômage ont atteint 34,5 milliards d’euros en 2022, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2021. Cette situation a créé une culture où le travail n’est plus vu comme la principale source de revenus, mais plutôt comme une option parmi d’autres.
Le projet de société actuel semble ne plus mettre le travail au cœur de ses priorités. Cela se reflète dans les politiques sociales qui privilégient les dépenses en faveur des inactifs plutôt que les actifs. En France, les dépenses pour les retraites représentaient environ 14,7 % du PIB en 2022, ce qui est parmi les plus élevés en Europe (12,3 % en moyenne au sein de l’UE). Cette situation a créé une culture où le travail n’est pas vu comme essentiel pour la survie. Selon Eurostat, la France a l’un des taux de chômage les plus élevés parmi les pays développés, avec un taux de 7,3 % en 2023 contre 5,9 % en moyenne au sein de l’Union Européenne. Cela souligne la nécessité de réformer le système social pour inciter à l’emploi et à l’entrepreneuriat.
L’addiction à la dépense publique et sociale
La France est devenue de plus en plus dépendante de la dépense publique, avec des dépenses sociales représentant une part importante du budget. Pour chaque 100 euros dépensés par l’État, environ 56 euros sont alloués à la protection sociale. En 2021, les dépenses publiques pour la santé ont atteint 11,4 % du PIB, soit l’une des plus élevées en Europe. Cependant, cette addiction a des conséquences financières lourdes, avec un déficit public croissant et une dette publique qui pèse sur les générations futures. En 2024, le déficit public a atteint 5,8 % du PIB, soit 170 milliards d’euros. Les charges d’intérêt sur cette dette pourraient devenir le plus gros poste des dépenses de l’État avec 60 milliards d’euros. Selon le ministère des Finances, les dépenses publiques totales atteignent 1 608 milliards d’euros soit 57 % du PIB en 2023, soit écart de plus de 10 points de PIB par rapport à ses pairs européens.
Le modèle social français, bien que généreux et protecteur, montre des signes de fatigue et d’inefficacité, ce qui le rend à bout de souffle. Cette situation pèse sur la compétitivité économique et nécessite des réformes structurelles pour optimiser l’efficacité des dépenses publiques et réduire leur impact sur la croissance économique à long terme. Selon une étude de l’Institut des Politiques Publiques, chaque augmentation de la part des dépenses publiques dans le PIB se traduit par une réduction de la croissance économique future, mettant ainsi en lumière l’urgence de repenser le modèle social pour assurer sa durabilité. Pour sortir de cette situation, il est crucial de promouvoir des réformes qui visent à réduire la dépendance à l’égard de l’État, à renforcer l’industrie nationale, et à moderniser la sphère publique en favorisant l’efficacité des politiques publiques.
L’illusion de l’argent magique
La perception que l’argent public est « magique » et sans limite a été renforcée par la crise Covid-19, car les gouvernements ont pu mobiliser des ressources financières massives pour faire face à l’urgence sanitaire et économique. Cette capacité à dépenser sans réellement prendre en compte les conséquences à long terme a créé une illusion selon laquelle l’argent public est inépuisable. Les mesures de soutien économique, telles que les PGE (Prêts Garantis par l’État) qui ont permis d’allouer plus de 160 milliards d’euros aux entreprises, et le plan France Relance, doté de 100 milliards d’euros, ont été mis en place rapidement sans réellement évaluer leur impact financier à long terme.
Cependant, cette illusion cache une réalité financière préoccupante. En France, la dette publique devrait atteindre 111,2% du PIB en 2023, soit presque 14 points de plus qu’avant la crise. Les charges d’intérêt sur cette dette devraient prochainement devenir le plus gros poste des dépenses de l’État. Selon une analyse de la Banque de France, chaque point de pourcentage d’augmentation des taux d’intérêt pourrait ajouter 10 milliards d’euros aux charges d’intérêt annuelles.
Il est donc essentiel de sortir de cette illusion pour mettre en place des réformes structurelles ambitieuses en favorisant la maîtrise des dépenses publiques, la simplification du système fiscal et le soutien à l’entrepreneuriat. Cela implique également une révision des sources de financement de la protection sociale, en impliquant davantage le secteur privé et la société civile, ainsi qu’une simplification des politiques sociales pour améliorer la compétitivité économique tout en maintenant un niveau élevé de protection sociale.
Clément Perrin
Secrétaire général du Millénaire, think-tank indépendant et gaulliste, spécialisé en politiques publiques
Auteur de la note « 5 ans après la Covid, quelles conséquences économiques »