Depuis de longues semaines, le suspense est toujours le même. Est-ce que la droite et la gauche peuvent approuver le même Budget ? Plus le temps passe, plus les désaccords se creusent. Et pourtant, tout le monde veut faire semblant d’y croire, à commencer par le Premier ministre qui prétend qu’il n’a pas de plan B.
Le rejet du volet recettes du projet de loi de finances à la quasi-unanimité à l’Assemblée (404 contre, 1 pour, 84 abstentions) constitue un avertissement significatif. La seule chose sur laquelle droite et gauche sont d’accord, c’est sur leur désaccord principal. La gauche veut augmenter les recettes en faisant payer davantage les riches. La droite prétend à l’inverse baisser les dépenses et favoriser le travail source d’enrichissement.
Un esprit de conciliation aurait pu mener à conjuguer une baisse contenue des dépenses et un effort temporaire des plus avantagés. Le Premier ministre LR Michel Barnier avait bien envisagé une contribution exceptionnelle des ménages les plus fortunés et des grandes entreprises.
Mais cette manière d’aborder le sujet n’a pas prévalu lors de la nomination, démission puis re-nomination de Sébastien Lecornu à Matignon. Irrités par l’expérience Bayrou, les socialistes ont mis la barre très haut avec la taxe Zucman. Pris de court par le coup de colère valant démission de Bruno Retailleau, les Républicains n’ont plus de goût pour la magnanimité. Les enchères sont donc montées très haut, vers un point de non-retour, alors que dans le même temps, le Premier ministre avait accepté de renoncer à l’arme du 49.3.
Depuis, l’Assemblée fait du surplace, en espérant que quelqu’un craque. Sébastien Lecornu fait comme s’il ne faisait pas partie de la course, et s’évertue à répéter son mantra : « il existe une majorité qui souhaite avoir un Budget », à elle de se trouver. Le chef du gouvernement revendique sa méthode, mais ne veut pas en endosser le résultat, à savoir un budget bancal. Que Sébastien Lecornu refuse d’en passer par une loi spéciale qui reconduit le budget de l’année précédente, c’est compréhensible. Ce type de processus, provisoire, ne permet pas l’augmentation nécessaire de certains budgets, comme ceux de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice. Cela affaiblirait notamment nos armées, notre sécurité et la lutte contre les narcotrafiquants.
A ce niveau de blocage, il ne resterait donc plus que deux options, les ordonnances ou le retour du 49.3 à la demande des socialistes. Mais la volte-face socialiste serait cocasse et aurait un coût politique certain juste avant les municipales. En revanche, le recours aux ordonnances marquerait une innovation institutionnelle, certes risquée car inédite sous la Cinquième. Cette voie de sortie est prévue par la Constitution. Le Premier ministre refuse cette solution car il préfère laisser la responsabilité du budget aux parlementaires. Pourtant, face à un tel blocage, l’inédit n’est pas interdit.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste









