Si la guerre entre l’Ukraine et la Russie attire l’attention sous bien des aspects – conquêtes de territoires, problématiques de financement de l’armement, conséquences économiques nationales et internationales… – , d’autres sujets pendant ce temps passent «sous les radars», dont celui de la question éducative des enfants ukrainiens.
Depuis l’intensification de la guerre en février 2022, le système éducatif ukrainien subit en effet une pression extrême. Les attaques contre les infrastructures, les déplacements massifs et les difficultés psychosociales ont profondément affecté l’accès à une éducation sûre et continue pour plusieurs millions d’enfants.
C’est ainsi qu’à ce jour environ 4,6 millions d’enfants n’ont pas ou peu accès à l’éducation. Plus de 340 établissements scolaires suivis par les organisations internationales ont été endommagés ou détruits dans les derniers mois. Les sirènes d’alerte entraînent la perte d’environ 1 cours sur 5 dans certaines régions, provoquant des interruptions. Dans le même temps, plus de 1 million d’élèves utilisent désormais la plateforme All-Ukrainian School Online, outil central pour l’enseignement hybride et à distance. En 2024, plus de 123 000 enfants ont tout de même bénéficié des 410 centres de soutien à l’apprentissage soutenus par l’UNICEF.
Les défis qui se dressent chaque jour devant la mise en place d’une politique éducative garante du droit à l’éducation pour tous les enfants ukrainiens sont nombreux et complexes dans leur traitement.
-Défi de la sécurité tout d’abord: les attaques régulières sur les écoles et les infrastructures, le manque d’abris scolaires conformes et sécurisés impactent lourdement la mise en place d’un suivi scolaire régulier et efficace, générant le déploiement d’un enseignement hybride (présentiel-distanciel) qui est devenu la norme dans plusieurs régions.
-Défi des apprentissages ensuite: les interruptions répétées des cours, les difficultés gigantesques des enseignants à maintenir une continuité pédagogique , les inégalités accrues entre régions sécurisées et zones proches de la ligne de front rendent les processus d’apprentissages particulièrement difficiles à mettre en place.
-Défi de la santé mentale, du soutien psychosocial et de l’inclusion scolaire enfin: les conflits militaires permanents génèrent chez les enfants une augmentation de l’anxiété, du stress post-traumatique , des troubles de concentration avec simultanément un besoin massif d’enseignants formés au soutien psychosocial. La problématique de l’inclusion scolaire s’avère particulièrement compliquée avec un accès aux structures scolaires difficile pour les enfants déplacés, hospitalisés ou en situation de handicap.
Dans cet océan de difficultés , la volonté de permettre malgré tout aux enfants ukrainiens d’accéder à l’éducation reste très forte, à l’image de programmes spécifiques mis en place sur le terrain même du conflit militaire.
Le programme « École sûre » / Safe School propose ainsi un ensemble d’actions menées par l’État ukrainien et ses partenaires (UNICEF, UNESCO, Union européenne, Organisations non gouvernementales locales) avec comme objectifs d’assurer la sécurité physique des enfants et du personnel, de permettre la continuité pédagogique malgré les attaques et de créer un environnement scolaire protecteur.
Réhabilitation d’écoles et installation d’abris anti-bombardements, amélioration du chauffage, de l’éclairage d’urgence, des issues de sécurité, formations du personnel aux protocoles de sécurité et aux procédures d’évacuation, développement de modules éducatifs sur les risques liés à la guerre, déploiement de solutions numériques pour maintenir la scolarité en cas de fermeture temporaire…
Autant d’actions qui malgré les dangers ont permis de rendre fonctionnelles plusieurs centaines d’écoles et de mettre en place des environnements d’apprentissage atténuant les risques pour plusieurs centaines de milliers d’élèves.
Par ailleurs, un programme « École des Super-héros » est orienté sur des actions éducatives destinées aux enfants blessés, hospitalisés ou très vulnérables afin de garantir une continuité éducative et de prévenir le décrochage scolaire. Ce programme offre également un soutien psychosocial adapté avec la création d’espaces de classe dans les hôpitaux (hôpitaux pédiatriques et centres de rééducation), un enseignement individualisé ou en petits groupes , des activités éducatives, culturelles, artistiques et ludiques (lecture, art-thérapie, ateliers créatifs) et un accompagnement psychosocial des familles.
Il permet ainsi le maintien du lien scolaire pour des enfants qui, sans ces dispositifs, seraient totalement exclus du système éducatif pendant leur hospitalisation.
Malgré un contexte de guerre prolongée, l’Ukraine et ses partenaires ont su et pu éviter un effondrement total du système éducatif. Protéger, accompagner, maintenir le lien scolaire: les enjeux sont immenses. De nombreux chantiers restent toutefois à consolider: accélération de la sécurisation des écoles, renforcement de la formation des enseignants aux gestes de sécurité et au soutien psychosocial, déploiement d’espaces d’apprentissage alternatifs (centres de soutien, classes mobiles notamment), élargissement de l’accès aux solutions numériques pour combler les pertes scolaires, pérennisation et extension des programmes «École sûre» et «École des Super-héros»…
La résilience du système éducatif ukrainien repose aujourd’hui d’une part sur la capacité des autorités et partenaires à rendre les écoles physiquement sûres et opérationnelles, et d’autre part sur l’intensification des réponses psychosociales et pédagogiques pour rattraper les pertes d’apprentissage inhérentes à un conflit militaire ouvert qui dure maintenant depuis trois années.
L’enjeu éducatif et donc politique est majeur: dans un contexte de guerre, il y va du droit à l’éducation pour chaque enfant , de la construction de sa citoyenneté qui passe par un parcours scolaire stabilisé, apaisé, propice aux apprentissages et émancipateur.
Oui, l’avenir de l’Ukraine se joue aussi dans le champ de l’éducation.
Yannick TRIGANCE
Secrétaire national PS éducation-Conseiller régional Ile-de-France


















