Raphael Piastra, Maitre de conférences, réagit au report du second tour des élections municipales décidé par le président de la République.
Le président Macron a décidé de reporter le second tour des municipales. Après avoir consulté les présidents des assemblées et, étonnamment, ses prédécesseurs il a estimé avoir bénéficié, d’un accord unanime pour faire son choix. Il n’a rien dit sur la date dudit report.
Deux questions peuvent être posées. D’abord sur quelle base juridique s’est-il placé et est-ce que ce report à une date si éloignée n’écorne pas la réalité du suffrage ?
La base juridique, ou plus exactement constitutionnelle, est absente. En fallait-il une ? A notre sens non, eu égard aux circonstances. Le chef de l’Etat s’est posé en « père de la Nation ». Peut-être même en chef de guerre. N’a- t-il-pas prononcé à six reprises l’expression « nous sommes en guerre ». Avant son intervention, certains songeaient à l’article 16 C. En aucun cas la pandémie que nous subissons ne relève de cet article de « dictature constitutionnelle ». Il en est de même de l’état d’urgence (arrêté de 1955 complété par les lois de 2016 et 2017) réservé au terrorisme.
Dans son allocution solennelle le président a fixé des règles et a confié au gouvernement le soin de mettre en œuvre celles-ci. Ainsi un décret du 16 mars 2020 (N°260) a été pris portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19. De même un décret du même jour (N°261) a posé l’entrée en vigueur immédiate d’un arrêté.
Certains estiment que, sur la base d’une loi, « il aurait mieux valu tout reporter (D. Maus). Ce qui nous pose question c’est l’absence d’une date de report. La loi électorale prévoit que le second tour doit se tenir le dimanche qui suit le premier tour (en l’espèce c’eut été le 22 mars 18h).
De son côté le ministre de l’Intérieur, C. Castaner, a annoncé le 16 mars 2020 : un décret pris en conseil des ministres le 17 mars 2020 pour abroger le décret de convocation des électeurs pour les élections municipales ; un projet de loi pour organiser le report du second tour des élections municipales à une date ultérieure, au plus tard au mois de juin. Dans ce projet de loi, il sera prévu qu’un rapport du conseil scientifique créé pour la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus statue, dans le courant du mois de mai, sur la possibilité, sur le plan sanitaire, d’organiser les élections en juin.
En fonction de la date prévue du second tour, une nouvelle date sera fixée pour le dépôt des candidatures (la date limite n’est plus le 17 mars 18 heures comme initialement prévu).
Le projet de loi va également préciser que les conseillers municipaux et les conseillers communautaires élus au premier tour entrent en fonction immédiatement.
Dans les communes où un second tour est nécessaire, le mandat des équipes en place est prolongé autant que nécessaire.
C’est ce report à juin (le 21 aurait dit E. Philippe) qui nous pose question. En effet, à peine moins de trois mois se passeront. A notre sens c’est trop ample. Si la légalité de la date du scrutin ainsi posée n’amènera nulle question, la vérité dudit scrutin sera écornée notamment par rapport aux résultats du premier tour (et à la faible participation). Une date en mai serait plus opportune. Mais tout est suspendu, à la vérité, à la lutte opiniâtre que livrent médecins et personnels soignants et scientifiques contre ce virus. « Nous gagnerons » a prévenu E.Macron.
Il reste que face au péril du covid-19 l’unité nationale est une impérieuse nécessité.
Bon gré, mal gré elle se fait jour dans notre pays. Dans les temps présents après avoir (modérément) voté en ce premier tour, nous nous sommes tous éloignés des considérations électorales pour nous réfugier dans le confinement généralisé.
L’accord sur le report ayant été unanime, il est fort à parier que les parlementaires abonderont certainement dans ce sens à l’heure de l’adoption de la loi. « Nous sommes en guerre »…..
Raphael Piastra
Maitre de Conférences