A la veille du deuxième grand chassé-croisé de l’été, l’actualité a subitement pris une tournure dramatique qui n’est pas sans éveiller des échos avec les périodes les plus agitées de l’histoire de France, ces moments où le destin du vieux Royaume hexagonal a été sur le point de basculer, notamment dans les mois antérieurs aux journées d’octobre 1789… Quand les vents soudainement tournent dans la mauvaise direction pour démentir les optimistes prématurés ou les aveuglements inconscients, rien ne saurait rassurer les esprits troublés et inquiets…
La quatrième vague de la pandémie s’accélère, défiant la course à la vaccination, sur fond de montée des réticences et de la fébrilité dans un décor estival qui vire au gris sur un grand nombre de territoires, en particulier les départements et régions ultramarins, où s’est fortement exprimée une méfiance notable vis-à-vis de la politique sanitaire suivie jusqu’à présent par les autorités. Un contexte dramatique à la veille de l’extension du pass sanitaire et le retour de mesures impérieuses nécessaires comme le transfert de malades vers la métropole, en ce qui concerne la Martinique notamment, les couvre-feux ou la fermeture des restaurants – autant de restrictions que l’on croyait appartenir au passé et qui reviennent dans le décor comme un rappel des heures sombres des vagues précédant l’émergence du variant Delta…
Comme si le virus ne suffisait pas pour assombrir et voiler les lumières estivales, après des épisodes de pluies meurtrières, dont les dernières affectent désormais la région du lac de Côme en Italie, voici qu’éclate dans l’actualité hexagonale le terrifiant constat de la flambée de la violence dans notre pays – 350 000 agressions violentes en l’espace de six mois !
350 000 victimes de l’ensauvagement de la société française, la taille de la population d’une ville comme Nice !
Il est maintenant patent que le délitement n’est pas une vue de l’esprit et que l’insécurité est une réalité installée durablement et en croissance hélas, et non pas le fantasme d’une fraction réactionnaire de la classe politique du pays ou d’une poignée de généraux en charentaises, pour reprendre l’expression déplorable et indigne du mépris affiché par la caste dite en responsabilité à l’encontre de ceux qui jettent vainement des cris d’alarme depuis des mois, voire des années… Comment ne pas partager le désabusement d’une grande partie de ceux qui sont chargés du maintien de l’ordre face à une réponse pénale insuffisante et au sentiment d’impunité des auteurs d’agressions et d’incivilités de plus en plus jeunes, ou ne pas avoir un haut-le-cœur au souvenir de la velléité d’un de leurs plus hauts responsables leur demandant de mettre un genou à terre pour répondre à une pression démagogique du moment ? Au cœur de cet été plombé par un virus mutant, on aurait voulu oublier cette actualité si déprimante, et on s’interroge sur les effets d’annonce gouvernementaux récents comme ces Etats généraux de la Justice, sur le temps long que des représentants de la majorité parlementaire invoquent afin de justifier l’absence d’actions tangibles pour remédier à ce qui s’apparente de plus en plus à un lent naufrage, tout en nous leurrant sur une illusoire reconquête des quartiers perdus de la République…
Non, décidément, le 29 juillet 2021 est bien loin du 29 juillet 1836 où le Roi des Français, Louis-Philippe 1er, inaugurait l’Arc de Triomphe voulu par Napoléon 1er pour célébrer la victoire d’Austerlitz… Aestas horribilis ? Que nous réservent les semaines à venir dans ce cortège lugubre de tristes nouvelles ? Les vents à venir dissiperont-ils les nuées qui s’amoncellent à l’approche du mois d’août tandis que la lumière des jours diminue ? Autant d’interrogations pour les estivants masqués, vaccinés ou non, résilients dans l’adversité, qui aspirent à des lendemains meilleurs que le cauchemar de l’heure…
Eric Cerf-Mayer