Plus que jamais, l’actualité nous montre de manière aveuglante qu’il ne faut jamais faire confiance aux dictateurs.
La logique des dictateurs n’est pas une logique de paix et d’intérêt général, la logique des dictateurs est une logique de force, de domination et de conquête. On ne peut pas négocier avec eux, sur quelques sujets que ce soit, parce que toute négociation ne peut se faire qu’à notre détriment.
La violence qui est au fondement de tous les régimes dictatoriaux s’exerce tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs pays respectifs sans aucune hésitation ni scrupule.
La réalité morbide que l’on constate en Russie comme en Chine ou en Iran, sans même évoquer le cas de la Corée du Nord, montre tous les jours la violence interne exercée par ces régimes.
En Russie, l’assassinat d’Alexei Navalny ce 16 février est le dernier exemple en date de l’exercice totalitaire du pouvoir poutinien. Même incarcéré et condamné à des peines invraisemblables par une « justice » aux ordres, cet individu seul et sans parti paraissait dangereux pour le dictateur russe. Sa mort, qui vient après bien d’autres meurtres, montre que ce régime ne peut tolérer aucune contestation. Il ne peut tenir que par la terreur. Il ne règne que par une verticale du pouvoir s’appuyant sur un état policier et un appareil judiciaire totalement aux ordres de l’exécutif. Les « élections », formellement maintenues, ne sont évidemment qu’une parodie de démocratie dans un système où toute liberté d’opinion et de parole est totalement exclue et où les « candidats » sont autorisés par le pouvoir.
Dans un tel système, les tensions internes ne se règlent que par la violence comme vient encore de le montrer la mort de Navalny ou comme l’ont montré l’assassinat de Prigogine ou les disparitions suspectes de divers responsables. Ces violences ne font que reproduire celles qui ont marqué l’époque stalinienne et ses multiples purges meurtrières et toute la période soviétique.
Le Russie n’a pas, malheureusement, le monopole de cette situation.
La Chine dirigée depuis 75 ans par un Parti Communiste omnipotent, ne se donne même pas les apparences de la démocratie puisqu’aucune élection libre n’y est jamais organisée et que la désignation des dirigeants se fait dans la plus totale opacité au sein de cénacles où les disparitions et les violences se déroulent à huis-clos. Sous des prétextes divers et notamment de lutte contre la corruption – phénomène qui est une caractéristique générique de ce type de régime -, les luttes internes à la caste dirigeante permettent d’éliminer les concurrents et de dégager un pouvoir apparemment unitaire. L’élimination de Bo Xi Laï lors de la préparation de la prise du pouvoir par Xi Jin Ping en 2012 comme la disparition de divers autres dirigeants depuis ne fait que prendre la suite de nombreuses exécutions antérieures dont les plus célèbres furent celles de Lui Shao Qui et de Lin Piao lors de la bataille avec la « bande des quatre », sous la dictature de Mao Tse Toung.
Cette politique de la terreur menée par un état policier atteint ici des degrés de sophistication absolus avec la mise en place d’un contrôle social s’appuyant sur les outils technologiques les plus sophistiqués et n’hésitant pas à de nombreuses exécutions capitales plus ou moins connues.
Elle culmine dans les territoires colonisés du Tibet et du Xin Qiang.
La même politique de terreur intérieure est menée dans de nombreux autres états et tout particulièrement en Iran. La dictature théocratique mise en place par les mollahs depuis 1979 ne se maintient que par une sanglante répression se traduisant par les assassinats, légaux ou illégaux, de tous ceux qui tentent de s’opposer à ce régime totalitaire.
Dans ces pays, tous les « sujets » que sont redevenus les citoyens, doivent partager un unanimisme identitaire qui ne peut tolérer aucune divergence, sous la férule de dirigeants inamovibles. Sous peine de châtiments sévères, tous les individus doivent s’inscrire dans une rhétorique nationaliste et idéologique intégriste qui justifie toutes les politiques bellicistes.
A l’extérieur, en effet, ces régimes dictatoriaux développent sans retenue des politiques agressives visant, d’une part, à accroitre leurs puissances respectives et, d’autre part, à essayer de détruire le système de démocratie libérale – qui est leur ennemi fondamental- et d’imposer leurs différentes formes de totalitarisme.
Par tous les moyens, il s’agit d’affaiblir sinon de détruire, les pays qui sont porteurs du système libéral ou d’empêcher ceux qui veulent y accéder d’y parvenir.
Ce sont les raisons de l’attaque de la Russie contre la Géorgie puis contre l’Ukraine et de ses interventions en différentes régions du monde, Proche-Orient, Asie centrale, Afrique, Amérique latine, pour soutenir des régimes autoritaires qu’elle souhaite inféoder. La mobilisation d’un redoutable complexe militaro-industriel construit dès l’époque soviétique, donne à la Russie les moyens d’exercer une pression militaire considérable dont les populations ukrainiennes subissent depuis deux ans les ravages.
Il en est de même pour la Chine qui n’a pu tolérer la moindre liberté à Hong Kong, qui veut la faire disparaître à Taïwan et qui soutient la guerre russe, l’ agressivité iranienne et toutes les initiatives visant à affaiblir les pays qui n’entrent pas dans une idéologie totalitaire qu’ils soient « occidentaux » ou non. Après Taïwan, le Japon, la Corée du sud, les pays d’Asie du Sud-Est sont les premiers visés par une montée en puissance considérable des moyens militaires chinois.
Quant à l’Iran, il saisit toutes les occasions et tous les sujets pour étendre sa domination sur le Proche-Orient en soutenant différents protagonistes des conflits de cette région. L’incapacité internationale à traiter la question des palestiniens et de la création de leur État depuis plus de 75 ans, est un vecteur idéal pour la conduite d’une politique déstabilisatrice, avec toutes les forces extrémistes que l’Iran actionne, en Irak, en Syrie, au Liban, à Gaza ou au Yémen.
Tous ces régimes présentent leurs actions comme des oppositions à la domination occidentale historique et notamment celle des États-Unis.
Ils essaient de mobiliser à ce titre tous les pays anciennement colonisés. Sous ce prétexte, ils rejettent tout le corpus des valeurs libérales, liberté individuelle, gestion démocratique de l’intérêt général, état de droit, développement pacifique et universel et essaient de justifier ainsi leurs systèmes tyranniques.
Pour faire face à ces attaques et à cette stratégie tous azimuts il faut que les pays régis par la démocratie libérale défendent haut et fort leurs valeurs et leurs couleurs. Ils doivent faire la démonstration que leur système, malgré tous les défauts qu’on peut lui connaître, reste le moins mauvais de tous ceux qui ont régi les sociétés jusqu’à ce jour. Ils doivent soutenir et, à tout le moins, accueillir, tous ceux qui essaient d’implanter la liberté et la démocratie dans leurs pays respectifs et qui sont persécutés à ce titre.
Ils doivent afficher clairement qu’ils sont prêts à participer à toute réforme de l’organisation internationale permettant de donner à tous les citoyens du monde une place dans sa gouvernance. Cela veut dire une réforme profonde de l’ONU et l’établissement de règles mondiales permettant un développement durable, bénéfique pour toutes les populations du monde en matières économique, financière, sociale, environnementale, appliquées par tous et contrôlées.
Ils ne doivent rien céder face à la pression des dictateurs, sur aucun terrain d’opération, ni en Ukraine, ni dans les Balkans, ni dans le Caucase, ni à Taïwan, ni en Afrique ni nulle part ailleurs. Cela veut dire accepter une logique de conflictualité avec tout ce qu’elle comporte de mobilisation de moyens pour être en capacité de se défendre et de défendre tous ceux qui veulent participer à un monde de liberté, de paix et de démocratie. Face à ceux qui ne connaissent que les rapports de force, il faut être capable de répondre efficacement.
L’Europe doit entrer sans faiblesse dans cette nouvelle situation d’affrontement en changeant d’échelle dans son organisation et dans sa politique de défense commune.
Il faut résister aux dictateurs sur tous les fronts et notamment, en urgence, sur le front ukrainien. Les dirigeants états-uniens, républicains évidemment, mais aussi démocrates, incitent d’ailleurs vivement les européens à prendre plus complètement en charge leur défense.
Les dirigeants européens doivent faire prendre conscience à leurs concitoyens qu’ils vont devoir assumer des sacrifices pour affronter cette situation dangereuse et assurer le triomphe des valeurs universelles que porte l’Europe et que beaucoup rêvent de faire disparaitre.
Jean-François CERVEL