Les gouvernements et les ministres se succèdent, mais la politique du rouleau compresseur engagée depuis 2017 reste la même, à l’image de celle menée en matière d’éducation.
Depuis huit années en effet, les politiques éducatives ont résolument privilégié la réussite individuelle au détriment de l’élévation du niveau scolaire de tous nos jeunes.
Une idéologie qui porte en elle le renforcement des inégalités socio-scolaires et qui organise délibérément un système éducatif où chacun reste à sa place, où le séparatisme scolaire devient la règle comme l’attestent le retour en grâce des groupes de niveau -une hérésie pédagogique imposée par Gabriel Attal -, l’orientation dès l’école maternelle – préconisée par Elisabeth Borne avant de se dédire – , la tentative de mise en place d’un barrage à l’entrée en seconde pour les élèves ayant échoué au Diplôme National du Brevet ou encore le refus absolu d’une mixité sociale et scolaire pourtant indispensable à la mise en place d’une société de l’altérité, de l’émancipation et de la fraternité.
Et peu importe les ministres de l’Education nationale successifs – 6 ministres en 3 ans ! – : le manque d’ambition éducative – un budget non défendu par E.Borne – et le renoncement à élever le niveau des élèves les plus en difficultés perdurent.
Le refus de prendre en compte les données de la recherche sur la fabrique sociale des inégalités scolaires et sur la manière dont l’Ecole pourrait y remédier constitue pourtant une atteinte au principe même d’une Ecole de la République juste pour tous, exigeante pour chacun et garante d’une démocratisation de la réussite aujourd’hui portée par nos seuls enseignants par ailleurs abandonnés par leur hiérarchie, des enseignants sous payés, sous formés dans des classes aux effectifs parmi les plus élevés des pays de l’OCDE …
Et plutôt que d’engager unilatéralement et au pied levé une conférence sur le temps de l’enfant en décalage avec les problématiques de la période, le Président de la République eut été bien plus avisé de mettre en débat un impensé qui fragilise et déstabilise notre système d’enseignement : celui de la place, du rôle et des missions de notre Ecole dans notre société.
Et les questions de fond ne manquent pas. Notre Ecole doit-elle abandonner les élèves les plus fragiles à leur destin social ? Doit-elle revoir à la baisse ses exigences en fonction du milieu social des élèves et des territoires ? Renoncer à l’émancipation qui permet de penser par soi-même ? Les familles populaires sont-elles condamnées à voir leurs enfants scolarisés dans des écoles sans mixité sociale aucune où ont-elles droit à une école comme lieu de l’unité, de la convivialité et de l’apprentissage d’une vie véritablement citoyenne ? L’attractivité du métier d’enseignant peut-elle rester à l’état d’incantation sans revalorisation, formation et conditions de travail décentes?Combien de temps continuerons nous à financer à hauteur de 73 % sur les deniers publics un enseignement privé sous contrat qui trie ses élèves au mépris du Code de l’éducation sans aucun contrôle financier, administratif ni pédagogique ? Peut-on s’étonner des difficultés de nos élèves à l’entrée en 6 ème quand l’État investit 35 % de plus dans le lycée que dans l’école maternelle et élémentaire pourtant cruciales dans le parcours scolaire ?
Autant de questions – parmi d’autres – à ce jour sans réponse et qui toutes nous ramènent au coeur de l’enjeu éducatif, véritable pierre angulaire de notre République: celui de la qualité et de l’attractivité de notre Ecole publique.
Une qualité et une attractivité qui reposent notamment sur trois grands défis : le défi d’une école profondément inégalitaire, le défi d’une mixité sociale ignorée et le défi du déclassement de nos enseignants méprisés, déconsidérés voire maltraités.
Au coeur d’un chaos politique sans précédent et dans une indifférence coupable, l’éducation reste dramatiquement confinée au rang des accessoires.
Jusqu’à quand ?
Yannick TRIGANCE
Secrétaire national PS éducation
Conseiller régional Ile-de-France
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