Sous l’impulsion de scientifiques et de politiques visionnaires, le CNRS est créé en 1939 pour fédérer, centraliser et pérenniser l’effort de recherche de la France. 80 ans de transformations et de mutations plus tard, les hommes et les femmes du CNRS continuent de chercher des réponses aux enjeux contemporains tout en partageant des valeurs fortes : liberté de la recherche, travail en équipe, excellence scientifique. Devenu un acteur incontournable de la recherche internationale, le CNRS suscite admiration et respect à l’étranger.
Revue Politique et Parlementaire – Trouvez-vous que le monde politique en France s’intéresse suffisamment à la recherche ?
Antoine Petit – La réponse est non et c’est un vrai sujet. Les politiques souffrent d’une méconnaissance et font montre parfois d’une trop grande humilité. Ils craignent que leurs préoccupations ne soient pas à la hauteur des « grands scientifiques ». C’est une grave erreur dont la responsabilité est forcément partagée. On ne peut pas se contenter de reprocher aux politiques de ne pas s’intéresser à la science. Nous avons notre part de responsabilité dans cet état de fait.
Nous avons récemment pris l’initiative d’accueillir dans nos locaux une réunion de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Il était frappant de constater que de nombreux députés et députées connaissaient peu le CNRS, ses résultats, ses activités en général. Cet évènement a déclenché des attentes nouvelles et notamment des projets de visites de laboratoires dans leur circonscription.
Les décideurs et décideuses politiques doivent s’appuyer sur les travaux de recherche et notamment sur ceux des sciences humaines et sociales comme aides à la décision publique.
La réactivité des chercheurs et chercheuses aux questions de société est une évolution notable qu’il faut saluer car elle contribue à créer ces passerelles entre politiques et scientifiques à tous les niveaux.
RPP – Pensez-vous que la relation du monde politique de certains autres pays est plus familière avec les questions de science et de recherche ?
Antoine Petit – Lorsque j’ai été auditionné par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat pour ma candidature à la présidence du CNRS, je leur ai fait remarquer qu’il était curieux qu’en 2018 les mots « recherche », « transfert », « innovation » n’apparaissent dans aucun intitulé de commission permanente.
Au Japon, le Premier ministre préside personnellement un conseil stratégique de la recherche et lorsqu’il n’est pas là la réunion ne se tient pas. On disait qu’Obama voyait son conseiller en recherche toutes les semaines. Il existe au Canada un Chief science advisor placé auprès du Premier ministre.
En France, nous avons créé de nombreux conseils. Le dernier en date est le Conseil stratégique de la recherche, qui ne se réunit jamais et qui est pléthorique.
Je pense que nous pourrions avantageusement nous inspirer de certains pays.
RPP – Cette relation un peu distante ne s’explique-t-elle pas par le déficit de culture et de formation scientifiques de nos politiques qui sont davantage des littéraires ?
Antoine Petit – Ce déficit existe incontestablement. La question de la formation et de la sensibilisation à la science à l’ENA – si l’école n’est pas supprimée ! – se pose. Prenons le cas du Premier ministre : Édouard Philippe se présente volontiers comme littéraire, mais c’est quelqu’un d’extrêmement curieux. À chaque fois qu’il a l’occasion d’entendre parler de science, il a l’air plutôt ravi. Ces occasions sont trop rares, ce qui est dommage.
RPP – Le CNRS a 80 ans cette année. S’il fallait résumer le grand succès du CNRS quel serait-il ?
Antoine Petit – Sans aucun doute la place qu’il a réussi à occuper en France et à travers le monde. En particulier à l’international, le CNRS est un acteur connu, reconnu, respecté. Et ce grâce aux femmes et aux hommes qui, depuis 80 ans, ont chacun apporté une pierre à cet édifice. Nous avons collectivement construit quelque chose d’assez remarquable. En France, le CNRS fait l’objet de critiques régulières, quand il suscite admiration et respect à l’étranger.
Le grand succès du CNRS, c’est d’avoir su capitaliser tout cela au long de ces 80 années.
RPP – Cette capitalisation est-elle uniquement liée à la production scientifique ?
Antoine Petit – La production scientifique est essentielle, mais les relations que le CNRS a tissées avec le monde industriel, les partenariats signés avec d’autres pays, avec des institutions académiques prestigieuses et toutes les actions de médiations scientifiques, ne doivent pas être oubliés. Avoir été l’un des premiers instituts internationaux à conclure – dès 1977 ! – un partenariat avec l’Académie des sciences de Chine nous donne dans ce pays une reconnaissance à jamais. Dans de nombreux pays, et notamment en Asie, les relations entre institutions doivent s’inscrire dans la durée. Pour un chercheur étranger être recruté par le CNRS c’est accéder à l’excellence. À l’international, le CNRS est une marque de qualité scientifique.
RPP – Combien y a-t-il de recrutements étrangers par an ?
Antoine Petit – À peu près 30 %. Ce pourcentage a diminué car le mode de calcul a changé. Auparavant, nous comptions comme étranger toute personne ayant un passeport étranger. Nous n’avons plus le droit de procéder ainsi car cela voudrait dire qu’il y a deux catégories de Français : les franco-français d’une part et les franco-italiens, franco-allemands, etc., d’autre part. Les scientifiques ayant une deuxième nationalité représentent plus de 30 % alors que le pourcentage de nouvelles recrues qui n’ont pas la nationalité française tourne autour de 23 ou 24 %.
Nous ne mentionnons là que les permanents car les post-doctorants sont à 75 % étrangers et les doctorants à presque 50 %.
RPP – Que faut-il à un organisme comme le CNRS pour rester dans la compétition scientifique internationale ? Quels sont les facteurs d’adaptation qu’il doit d’une certaine manière « métaboliser » pour rester dans cette compétition ?
Antoine Petit – La clef réside selon moi dans la capacité à continuer à attirer et garder les meilleurs. Les conditions de la compétition internationale ont changé. Le nombre des acteurs a augmenté de façon considérable. La concurrence est de plus en plus vive. De plus en plus de pays développent des activités de recherche à un très haut niveau. Singapour, Taiwan ou encore Hong Kong sont des terres nouvelles pour la recherche et investissent massivement.
Les scientifiques de ma génération étaient recrutés quasiment aussitôt après la thèse. Aujourd’hui les jeunes chercheurs et chercheuses effectuent des post-docs à l’étranger. Ils sont donc en mesure de comparer ce que leur offre tel organisme en termes de salaire mais aussi d’environnement scientifique personnel par rapport à tel autre.
La capacité à offrir des packages d’accueil pour les jeunes scientifiques que nous recrutons chaque année devient un élément différenciant.
RPP – Que met-on dans le package d’accueil pour qu’il soit optimal ?
Antoine Petit – Notre proposition est de mettre en place un package de 50 000 € en moyenne par an sur trois ans. Cette somme permettra d’avoir un budget de fonctionnement et de recruter un doctorant, de telle sorte qu’il ou elle acquiert une sorte d’autonomie et puisse candidater à des appels d’offre européens et nationaux.
Cette pratique est très répandue à l’international et la proposition du CNRS est extrêmement raisonnable si l’on garde en tête que certaines universités étrangères offrent parfois plus de 200 000 €. Si l’on transposait cette mesure sur les recrutements en 2019, elle représenterait une enveloppe de 37 500 000 €, ce qui n’est pas colossal comparé à l’ensemble du budget du CNRS, qui est de plus de 3 milliards d’euros par an.
RPP – Quels sont les facteurs de cet environnement qui font qu’on attire ces chercheurs étrangers ?
Antoine Petit – J’en distingue au moins trois. D’abord, la qualité globale scientifique du pays. Ensuite, la qualité du laboratoire et enfin l’environnement personnel. Sur les deux premiers facteurs, nous demeurons attractifs car la France reste un grand pays scientifique et que nous comptons dans nos rangs des laboratoires à fort rayonnement international. Mais, dans certaines disciplines, le troisième facteur fait la différence. J’ai récemment rencontré le mathématicien franco-brésilien, Artur Avila, lauréat de la médaille Fields en 2014. Je lui ai demandé pourquoi il avait quitté le CNRS pour Zürich. Il m’a répondu que les conditions qu’on lui avait offertes ne se refusaient pas…
RPP – Le CNRS a été créé en 1939 pour fédérer et centraliser l’effort de recherche de la France. Mais dans un monde où l’on vit de plus en plus en réseau, où les logiques horizontales l’emportent sur les logiques verticales, la notion de Centre a-t-elle encore un sens ?
Antoine Petit – Le concept de « centre » est ambigu. Le Centre national de la recherche scientifique ne peut en aucun cas se résumer au 3 rue Michel Ange (qui abrite le siège du CNRS, NDLR). Le CNRS se caractérise plutôt par les partenariats qu’il a su nouer, développer.
J’irais même jusqu’à dire que le CNRS est une somme de réseaux : non pas un réseau mais des réseaux qui s’entrecroisent.
Réseaux internationaux, réseaux avec des partenaires industriels, académiques, avec des associations de la société civile. Aujourd’hui, encore plus qu’il y a 80 ans, la notion de coopération et de partenariat est essentielle.
Tout dispositif qui consisterait d’une certaine façon à contraindre ces réseaux serait négatif. Le rôle de la direction du CNRS est précisément de faire vivre ces réseaux et de créer des synergies entre eux. C’est ce qui fait la force unique du CNRS.
RPP – Le CNRS est par construction et par vocation un établissement multidisciplinaire. Au regard de la question des ressources budgétaires, l’idée d’être partout dans tous les domaines a-t-elle un sens ou ne convient-il pas de fixer des priorités d’ordre stratégique sur un certain nombre de domaines ?
Antoine Petit – Chaque choix doit être réfléchi et pesé. Nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller ou de disperser nos forces. Le CNRS doit-il sacrifier purement et simplement certains domaines scientifiques parce que nos moyens baissent ? Ce serait absurde voire suicidaire. En revanche, à l’intérieur d’un domaine donné, nous pouvons opérer des choix. C’est d’ailleurs ce que nous faisons, mais trop souvent à notre corps défendant, en raison des contraintes budgétaires.
Cette notion de choix se décline aussi à tous les niveaux. Au plus haut niveau d’abord. Tous les quatre ans, notre ministère de tutelle nous demande de signer un « contrat d’objectifs », rebaptisé en 2019 « Contrat d’objectif et de performance ». Nous avons pris cet exercice très au sérieux et avons déterminé les défis scientifiques – le changement climatique et ses impacts, les inégalités éducatives, l’intelligence artificielle, les territoires du futur, pour n’en citer que quelques-uns – autour desquels s’articuleront un grand nombre de projets de recherche dans les années à venir.
Même chose au niveau des territoires. On ne peut pas ouvrir un centre de recherche sur le quantique, qui est très à la mode actuellement, dans chaque préfecture ou même dans chaque région ! Et toutes les régions de France ne peuvent pas miser et investir dans tous les domaines. Le CNRS, à sa mesure, peut et doit aider les conseils régionaux à faire des choix. Je crois que notre vision nationale et internationale peut les y aider, en leur indiquant, par exemple, les domaines dans lesquels ils disposent d’une certaine avance… Et inversement. Il est évident qu’on ne va pas faire tout partout. Le CNRS ne doit pas craindre selon moi de dire à une région donnée que le sujet qu’elle souhaite développer est déjà présent en France voire ailleurs à l’international et qu’elle n’a aucune chance de dépasser ses concurrents.
Nous avons engagé des discussions approfondies en ce sens avec les Régions et j’ai le sentiment que nous sommes compris.
RPP – Comment fonctionne l’articulation des différents organismes, je pense notamment aux sciences de la vie ?
Antoine Petit – Que deux laboratoires de neurosciences au sein du CNRS soient, d’une certaine façon, concurrents, cela ne choque personne. En revanche, s’il s’agit d’un laboratoire de neurosciences du CNRS et d’un laboratoire de neurosciences de l’Inserm on pense qu’ils font la même chose. Cela n’a pas de sens. Il est important de se coordonner de façon à ne pas avoir de concurrence frontale, mais pour moi il ne s’agit pas là d’un sujet prioritaire. Les grands enjeux sociaux et économiques, les grandes problématiques industrielles nécessitent des approches pluridisciplinaires y compris dans le domaine de la santé. L’un des objectifs principaux est de rapprocher les spécialistes des sciences de la vie avec des scientifiques qui font des mathématiques, de l’informatique, des réseaux de capteurs, ou encore des sciences humaines et sociales.
RPP – Qu’attendez-vous de la loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche ?
Antoine Petit – Cette loi doit traduire l’ambition scientifique de notre pays. De deux choses l’une : ou la France croit vraiment à la science et il faut investir ou bien notre pays n’y croit plus et il faut arrêter de dire le contraire. Je me place sans surprise du côté de ceux et celles qui croient que la science est essentielle.
Contrairement à beaucoup de catégories de gens, les scientifiques ne demandent pas d’argent pour eux mais pour le pays. Pourquoi ? Pour faire avancer les connaissances, bien sûr, mais il me semble que ce n’est plus la raison principale. Nous avons besoin de science et d’innovation pour assurer notre développement économique.
Si nous voulons avoir une industrie qui continue à être compétitive, nous devons créer encore plus d’interactions entre le monde industriel, le monde économique et la recherche.
C’est la même chose pour les grands enjeux sociaux comme le développement durable et la santé. Pour rester performants sur ces trois grands axes et garder une forme de souveraineté, il faut investir dans la science.
J’ai coutume de dire que le terrain de jeu de la science, c’est le monde. Mais ne soyons pas naïfs, la compétition entre les États est bien réelle. La souveraineté de la France et de l’Europe passe par le fait que la France reste un grand pays de science et l’Europe un grand continent scientifique. Sans investissements dans la recherche, le combat me semble perdu d’avance.
RPP – La loi de programmation c’est la capacité de l’État à établir une stratégie et à faire des choix. Que défend le CNRS dans cette loi de programmation ?
Antoine Petit – Concernant les grandes orientations, nous plaidons pour la création d’un Conseil stratégique de la recherche et de l’innovation placé au plus haut niveau de l’État, c’est-à-dire auprès du président de la République ou du Premier ministre, de préférence auprès de ce dernier pour le côté opérationnel. Composé de patrons d’organismes de recherche mais aussi de représentants des grandes entreprises, il permettrait au gouvernement de prendre des choix éclairés, de mieux défendre ces choix devant les contribuables et les élus.
Un tel conseil, idéalement présidé par le Premier ministre et composé de dix à douze personnes qui auraient une responsabilité vis-à-vis de la Nation, représenterait un symbole fort et enverrait un signe à la société civile. Car je pense qu’il est plus difficile de produire une décision avec une multiplicité d’acteurs surtout lorsqu’il n’y a pas d’instrument de régulation et coordination qui permet d’objectiver cette décision.
Certains rétorqueront qu’il y a de nombreux exemples en France pour lesquels ça n’a pas fonctionné. Il faut se demander pourquoi, alors que cela marche dans d’autres pays.
Je l’ai déjà dit, il ne s’agit pas de sacrifier certains domaines scientifiques, mais de définir des priorités sur lesquelles un effort particulier sera porté. C’est dans cet esprit que nous allons proposer, dans le cadre de notre contrat d’objectifs et de performances, six grands défis sociaux auxquels le CNRS a l’ambition de contribuer.
RPP – Et côté budget, le CNRS a-t-il chiffré les besoins de la recherche publique ?
Antoine Petit – La France consacre de l’ordre de 2,27 % de son PIB à la recherche quand les Allemands ont dépassé 3 %, qui est l’objectif de Lisbonne fixé au début des années 2000. Nous accusons donc incontestablement un retard. Le gouvernement a la possibilité, à travers la future loi notamment, d’envoyer un signe.
Cela permettra notamment à l’Agence nationale de la recherche (ANR) de s’aligner sur les standards internationaux en termes de succès en remontant la sélection à au moins 25 % des projets et d’autre part de redonner aux opérateurs de recherche les moyens de conduire une politique scientifique en augmentant les overheads à hauteur d’au moins 40 %. Des études montrent que si la barre de sélection est placée à un seuil trop bas, cette sélection devient aléatoire.
Il faut également un changement de mentalité des uns et des autres. Même si des progrès ont été réalisés, il faut faire en sorte que les milieux industriels et académiques travaillent davantage ensemble. Cela signifie être capable d’écouter les attentes des acteurs industriels y compris, de mon point de vue, sur les aspects de recherche fondamentale. Un seul exemple : nous venons d’inaugurer un institut sur le photovoltaïque sur le plateau de Saclay. Total et EDF, nos partenaires au sein de l’IPVF, estiment que si la Chine nous a damé le pion sur les cellules en silicium, tout repose désormais sur notre capacité à réaliser des découvertes en rupture, sur d’autres matériaux.
RPP – Plusieurs études indiquent qu’il y a, depuis quelques temps, un recul de la confiance dans les sciences et les activités scientifiques. Comment expliquez-vous cet infléchissement et comment y remédier ?
Antoine Petit – Cette confiance est essentielle. On ne peut pas demander aux contribuables un effort de financement pour la science sans confiance. Ce lien de confiance tient à de nombreux facteurs mais j’aimerais insister sur l’un d’entre eux. Il me semble que les femmes et hommes politiques attendent de la science des réponses définitives qu’elle ne peut que très rarement donner. Il est impératif de faire comprendre deux choses : la science ne sait pas tout et ce qu’elle ne sait pas est probablement bien supérieur à ce qu’elle sait.
Il est également arrivé que des scientifiques – heureusement peu nombreux – confondent leur casquette de scientifique avec celle de citoyen.
C’est la raison pour laquelle je crois beaucoup à la notion d’expertise scientifique collective, que nous devons renforcer.
Par ailleurs, et on ne le fait pas assez, il faut prendre en compte, au-delà des considérations techniques, la notion d’acceptabilité et de perception par les personnes. C’est un sujet essentiel.
RPP – Le monde scientifique doit-il et peut-il aider les politiques à prendre des décisions ? Quelle place accordez-vous à l’expertise collective ?
Antoine Petit – Nous l’évoquions au début de cet entretien : les scientifiques sont de plus en plus réactifs à l’actualité. Mon prédécesseur, Alain Fuchs, a lancé l’appel « attentats-recherche » qui a connu un grand retentissement et produit de nombreuses recherches. Très récemment, le terrible incendie de Notre-Dame a mobilisé une communauté scientifique pluridisciplinaire que nous avons organisée en « task force ». Nous sommes également sollicités pour des expertises collectives et ce dans des domaines extrêmement variés : ce fut le cas sur les violences sexuelles à caractère incestueux, par le ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes ou sur l’eutrophisation par le ministère de la Transition écologique ou encore sur la préparation des sportifs de haut niveau avec le ministère en charge des Sports.
On a coutume de reprocher aux politiques de travailler sur un temps court par opposition aux scientifiques dont les projets s’étendent sur un temps long. Sur certains sujets, nos temps se rapprochent de plus en plus…
RPP – N’y a-t-il pas du côté des chercheurs la nécessité de s’acculturer au fait qu’une opinion publique est par nature quelque chose de complexe, difficile et qui peut avoir de temps à autre des réactions qui apparaissent aux scientifiques complètement orthogonales à leur façon de penser ?
Antoine Petit – Probablement oui, mais je pense qu’il faut que chacun reste à sa place. C’est aux décideurs et décideuses de décider, ce n’est pas le rôle des scientifiques d’aller convaincre d’une chose dont on ne sait pas si elle est vraie ou pas. Prenons l’exemple de l’enfouissement des déchets radioactifs à Bures. Aucun scientifique ne peut affirmer que nous sommes face à un risque zéro… alors que les politiques aimeraient bien. On peut probablement dire que, en l’état actuel de nos connaissances, c’est la moins mauvaise des solutions. Mais encore une fois, le rôle d’un scientifique n’est pas d’aller dans des assemblées citoyennes pour convaincre.
En revanche, quand un fait est avéré, il me semble qu’il est du devoir d’un scientifique d’alerter. Depuis des années, les climatologues ne cessent de tirer des sonnettes d’alarme et ils ont raison. L’inaction, dans ce domaine, n’est plus acceptable.
Antoine Petit
Président directeur-général du CNRS
(Propos recueillis par Arnaud Benedetti)