Presque tout le monde a déjà pratiqué l’autocensure. En psychanalyse, on explique que le refoulement est un mécanisme de défense qui nous protège de nos pulsions. À l’échelle individuelle, l’autocensure agit comme un réflexe permettant de préserver notre équilibre psychique. Nos actions et pensées sont filtrées selon un système de valeurs commun qui guide notre comportement en société. Nous avons mis en place des lois et un ordre pour organiser notre vie. La liberté absolue, loin d’être toujours souhaitée, apparaît plutôt comme un idéal vers lequel on tend sans jamais l’atteindre. Il est donc nécessaire de fixer des limites pour éviter les abus.
Cependant, le monde continue d’évoluer, et avec lui la frontière entre liberté et contrainte. Même si les luttes à mener semblent claires, il reste à définir les frontières à ne pas franchir : comment nommer ces limites, selon quels critères, et en vertu de quel principe ? Quels dangers cherchons-nous à éviter ?
Aujourd’hui, l’autocensure semble obsolète, surtout dans un contexte qui valorise la liberté d’expression comme un rempart contre l’obscurantisme. L’autorité arbitraire n’est plus tolérée. Pourtant, l’autocensure persiste, car nous avons tendance à vouloir tout montrer et tout dire, parfois à l’excès. Le politiquement correct devient alors une protection face aux critiques, tandis que les normes imposées limitent nos sociétés.
Faut-il pour autant éviter les confrontations ? Le débat d’idées, même sans consensus, n’est-il pas le signe d’une société saine ? Ne devons-nous pas toujours chercher à approfondir la transparence et le dialogue, dans nos pratiques et nos modes de pensée ?
Ce qui est certain, c’est qu’une pression s’exerce sur les esprits. Des critères doivent être respectés pour entrer dans le cadre social, certains modèles dominent, et la légitimité vis-à-vis de l’opinion d’autrui est une quête permanente. Il n’est pas toujours facile de s’affirmer en brisant les normes établies. Le consensus s’impose pour éviter les conflits, et des sujets sensibles restent tabous. Dans un contexte de plus en plus rigide, il devient urgent de remettre en question ces mécanismes. L’autocensure révèle une ambiguïté des termes, un jeu de significations et l’impossibilité d’une représentation commune. Elle surgit là où le débat est le plus nécessaire et le plus brûlant. Pour ma part, je ne tomberai pas dans ces travers et continuerai, coûte que coûte, à mener mon combat comme il se doit.
Kamel Bencheikh