Des députés LFI (comme Rima Hassan) viennent de voter contre la résolution du Parlement européen demandant la libération de Boualem Sansal, tandis que d’autres (comme Manon Aubry) se sont abstenus. Inutile de feindre un quelconque étonnement : il n’y a dans cette information aucune surprise et il fallait s’y attendre au vu de la ligne politique résolument antirépublicaine adoptée par l’extrême-gauche ces dernières années. Espérons seulement que les alliés de gauche de LFI dans le Nouveau Front Populaire comprendront enfin que les séides de Mr Mélenchon se ressentent et se comportent désormais comme une cinquième colonne (ou plutôt, comme un cinquième « pilier », au vu du contexte) au sein de notre République laïque.
Au-delà d’un scandale qui n’en est pas vraiment un dans la mesure où il était parfaitement prévisible, interrogeons-nous sur ce que ces votes révèlent des idées politiques qui structurent la pensée d’extrême-gauche aujourd’hui.
Réhabilitation des usages judiciaires d’Ancien Régime et de la Terreur
Ces votes révèlent d’abord qu’à LFI, il y a des partisans de la restauration de l’arrestation arbitraire des opposants politiques, comme au temps de la monarchie absolue, lorsque Louis XV faisait embastiller Voltaire par lettre de cachet. Bref, l’Histoire se répète et Boualem Sansal, c’est Jean Calas, injustement accusé et condamné. Ainsi, comme Calas, Sansal a trouvé son Voltaire en la personne de Kamel Bencheikh, son frère en littérature, qui se démène sur tous les fronts pour obtenir une libération rapide. Le tropisme de LFI envers le pouvoir absolu est d’ailleurs une constante : en effet, comment ne pas établir également un parallèle entre le fameux « l’État, c’est moi ! » (phrase apocryphe attribuée à Louis XIV, le Roi-Soleil) et l’emphatique « la République, c’est moi ! » (éructation de Jean-Luc Mélenchon, le roi anti-Lumières) ?
En plus de valider le rétablissement des arrestations arbitraires en vigueur sous l’Ancien Régime, l’extrême-gauche réhabilite « en même temps » les pires excès liberticides de la période révolutionnaire. Ainsi, les élus LFI expliquent leur vote contre la libération de Boualem Sansal (ou leur abstention) en prétendant que l’écrivain serait d’extrême droite et islamophobe, ce qui justifierait son incarcération. On notera au passage que cela signifie de fait l’abolition des articles 9, 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, articles qui établissent la présomption d’innocence, mettent fin au délit d’opinion et garantissent la liberté d’expression. Rien d’étonnant, encore une fois, de la part d’une formation politique dont le chef est un admirateur revendiqué de Robespierre, dirigeant d’un gouvernement terroriste qui avait suspendu les Droits de l’Homme avec sa « Loi des suspects » du 17 septembre 1793 (un demi-million de français emprisonnés et 40000 exécutés, sans même tenir compte de la Vendée…).
Selon cette jurisprudence LFI, toute personne simplement suspectée (par LFI) d’être d’extrême droite et islamophobe doit donc être immédiatement emprisonnée, au besoin dans la prison d’une dictature. Or, sachant que pour notre extrême-gauche actuelle, il suffit simplement d’être laïc ou de ne pas être férocement « antisioniste » pour être aussitôt catalogé à l’extrême-droite, de nombreux Français risquent de voir leur inéluctable séjour en prison délocalisé à Kandahar ou Téhéran en cas de victoire LFIste lors d’une future élection.
Si les terroristes du Hamas sont considérés comme des « résistants », les talibans et les mollahs pourraient à tout le moins devenir les agents pénitentiaires sous-traitants d’une future république mélenchonienne…
Je ne suis pas d’accord avec vous, et je vous battrai jusqu’à la mort pour que vous n’ayez le droit de rien dire !
Un LFI, a-t-on réfléchi au fait que soutenir l’emprisonnement de Boualem Sansal par le gouvernement algérien revient implicitement à se montrer partisan du rétablissement de la « question » médiévale, c’est-à-dire de la torture suivie de la peine de mort ? En effet, Boualem Sansal est un vieil homme très malade (il souffre d’un cancer), et le priver de soins dans une geôle algérienne revient à le laisser mourir à petit feu dans d’indicibles souffrances. Et que les thuriféraires d’extrême-gauche de la junte algérienne ne viennent pas dire que l’écrivain est médicalement pris en charge! Si les hôpitaux algériens étaient performants, les membres de la nomenklatura kleptocrate au pouvoir à Alger ne viendraient pas se faire soigner, dès qu’ils ont un rhume et parfois sans payer leurs factures, dans les grands hôpitaux parisiens…
Ce qu’accomplissent les autorités algériennes avec Boualem Sansal relève de la même démarche que celle de Mme Pissara, la chose-mère qui vient d’être condamnée à perpétuité pour avoir laissé délibérément sa fille Amandine mourir de faim pendant un confinement : c’est une ignominie propre aux esprits sadiques, voyeurs et pervers qui se repaissent des souffrances de leurs victimes. Des députés du pays des Droits de l’Homme ne peuvent pas cautionner la planification de l’agonie longue et douloureuse d’un homme âgé et cancéreux! Non, pas en notre nom !
Qu’est-ce qui est reproché exactement à Boualem Sansal ? D’avoir incité ses lecteurs à commettre des actes de violence et des attentats sur le sol algérien? Non, de tels propos menaçants, ce sont des influenceurs algériens qui les ont tenus à l’égard de la France et des Français. Boualem Sansal, pour sa part, a juste critiqué les carences démocratiques du régime algérien, sans appel à verser le sang. Or, la junte militaire au pouvoir à Alger est tout à fait comparable, par ses méthodes brutales, au Chili de Pinochet, la dimension intégriste en plus. En s’engageant au soutien du régime national-islamiste d’Alger, des élus français font donc allégeance à un régime de style néo-fasciste religieux et, de surcroît, hostile à la France. Une question se pose alors : est-ce que Mme Rima Hassan va proposer au Parlement européen de voter une résolution pour qu’elle-même soit emprisonnée et privée de soins en raison de sa proximité idéologique avec la junte d’extrême-droite algérienne ?
Selon que vous serez « antisioniste » ou laïc, les jugements de LFI vous rendront blanc ou noir.
À l’extrême-gauche, on n’apprécie et on ne valorise les personnes d’origine arabo-musulmane que dans la mesure où ces individus sont des islamistes radicalisés, « antisionistes » (pour ne pas dire plus…), anti-laïcs et haineux à l’égard de la France. En revanche, des Boualem Sansal, des Kamel Bencheikh ou des Kamel Daoud, démocrates laïcs, amoureux de la langue française et grands contributeurs au rayonnement mondial de la francophonie par leur art littéraire, sont systématiquement conchiés et fascisés. Soyons sérieux : en quoi Mr Delogu aurait-il, par ses propos ou par son œuvre, démontré qu’il possédait les compétences pour émettre le moindre jugement de valeur sur des écrivains de cette envergure ?
Après avoir comparé les terroristes du Hamas avec Jean Moulin et Lucie Aubrac, voilà que nos « Mister Bean » de la politique hexagonale assimilent à présent un écrivain défenseur de la démocratie à un dangereux factieux d’extrême droite. Mais on ne pourra pas toujours plaider la maladresse ou l’illettrisme pour atténuer ou dédouaner les saillies (ou plutôt les sanies) LFIstes. Il va bien falloir admettre, y compris chez la Gauche qui souhaite demeurer républicaine, que cette extrême-gauche est devenue « infréquentable », au sens que Dieudonné donnait à ce mot pour évoquer son ami le négationniste Faurisson. Quelles seront les prochaines étapes dans l’ignominie et la trahison des valeurs républicaines? Soutenir que Jean-Marie le Pen était un martyr de la liberté d’expression, injustement condamné pour avoir courageusement dénoncé les « génocidaires » sionistes ? Affirmer que Kamel Daoud est un militant raciste anti-maghrébin? Prétendre que Kamel Bencheikh est un nostalgique de Pétain?
À l’extrême-gauche, cette propension actuelle à accabler non seulement Boualem Sansal, mais aussi Kamel Bencheikh et Kamel Daoud, pose question. La chasse aux écrivains d’origine algérienne et d’expression française serait-elle lancée ? À l’extrême droite, chez les « fachos » qui s’assument, cette attitude porte un nom : ça s’appelle une « ratonnade ».
Marc Hellebroek