Enseignant, conférencier, journaliste indépendant, Matthieu Creson s’interroge dans ce billet sur l’utilité et le bien-fondé d’un « impôt participatif », récemment proposé par Gabriel Attal.
Dans l’art inépuisable d’inventer en politique de fausses bonnes idées, nos gouvernants continuent de rivaliser d’imagination.
Le 12 août dernier, le futur ex-Premier ministre Gabriel Attal a proposé, dans une lettre adressée aux présidents de groupe de l’Assemblée nationale, la mise en place d’un « impôt participatif ».
De quoi s’agit-il ? De donner la « possibilité de flécher une partie de son impôt sur le revenu ou une contribution additionnelle sur une mission du budget de l’État librement choisie », ce dans le dessein de voir davantage de Français renouer avec le principe du « consentement à l’impôt ».
Ce mécanisme existe en réalité déjà1 en Italie depuis le milieu des années 1980 : il est possible pour tout contribuable de la péninsule de préciser sur sa déclaration de revenus la destination budgétaire à laquelle sera alloué 0,8% de l’impôt dont il est redevable. Et en France, l’ancien membre du bureau national du PS, André Urban, ainsi que la députée socialiste du Puy-de-Dôme, Christine Pirès Beaune, avaient proposé en 2023 que les contribuables puissent choisir l’affectation de 5% de leur impôt, en vain2.
Si une telle mesurette venait à être adoptée dans notre pays, elle ne ferait à vrai dire que s’inscrire dans la longue histoire française du bricolage fiscal3 tenant lieu de réforme digne de ce nom.
Il y aurait pourtant une manière plus efficace – mais plus audacieuse aussi, donc plus risquée pour nos gouvernants démagogues – d’amener une partie importante de nos compatriotes à retrouver foi dans le principe de « consentement à l’impôt » : rendre l’IR plus juste et moins confiscatoire en supprimant la progressivité de l’impôt, comme l’ont fait de nombreux pays de par le monde (33 pays en 2002, dont 21 en Europe4). Car est-il normal que dans un pays où l’on peut lire au fronton de nos mairies les mots « liberté, égalité, fraternité », 45% des Français seulement payent l’IR, et que 10% des ménages payent 75% de ce même impôt5 ? Nos politiques qui se gargarisent de « justice » et d’ « équité » se rendent-ils compte que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen se trouve ainsi être bafouée, puisqu’elle dispose à l’article 13 que pour « l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés »6 (je souligne).
Il conviendrait bien plutôt de mettre en place une véritable réforme fiscale, qui consisterait à abaisser substantiellement les taux d’imposition et le montant des prélèvements et à instaurer un impôt à taux fixe (flat tax) : les individus, qui seraient dès lors moins dissuadés de travailler ou d’innover, pourraient ainsi véritablement choisir de donner (ou de ne pas donner) une partie de leurs revenus – par exemple à des causes charitables ou philanthropiques.
C’est un fait que plus la pression fiscale est forte, moins les contribuables sont encouragés à faire don librement d’une partie des richesses qu’ils ont accumulées par leurs propres efforts de travail et d’épargne.
Éric Ciotti, qui n’est pas dupe de la mesure proposée par Gabriel Attal, a quant à lui déclaré sur X7 : « le but caché de l’impôt participatif de Gabriel Attal c’est une augmentation déguisée des impôts ! Il annonce ‘une contribution additionnelle sur une mission du budget de l’État librement choisie’ ». « Au lieu d’inventer des usines à gaz fiscales, ajoute-t-il avec raison, baissons massivement impôts et charges ! »
Matthieu Creson,
Enseignant, conférencier, journaliste indépendant
Source photo : Antonin Albert / Shutterstock.com
2 https://www.forbes.fr/business/quest-ce-que-limpot-participatif-promu-par-gabriel-attal/
5 https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/75-de-limpot-sur-le-revenu-paye-par-10-des-menages