La France, ce pays sans boussole, a l’art du positionnement. Drame en trois actes. Une dissolution, une résolution, une bifurcation. J’avais dans la RPP indiqué ce qui m’était apparu comme une erreur stratégique pour le RN de faire entrer, trop sûr de sa victoire, le réalisme dans l’imaginaire populiste qui faisait son succès.
Las pour lui, ce fut la subite résolution d’un front républicain qui empocha la mise d’un jeu de cartes initié par le Président et digne de Lewis Carol et de son Alice au pays des merveilles. On croyait être revenu sous la bannière d’un savoyard, politique responsable et habile manœuvrier aux belles empoignades erratiques de la IVème.
Tout était sur les rails pour la censure à ‘Ok corral’. Elle s’abattit sur des cous disponibles et sans illusions.
Chroniqueurs et détenteurs de la position morale dans l’intérêt du pays pouvaient dégainer le lexique convenu de la trahison, de l’irresponsabilité, de l’égoïsme de carrière.
Mais le vote de la censure s’accompagna d’un sous-titre surprenant. Un ‘no censure’ contre un renoncement au 49.3, un programme minimum partagé mais de stabilité et dans les plis, un éclairage cru sur des extrêmes de droite et de gauche privés ensemble de leur uppercut préféré – l’alliance dans une censure proposée à l’envie – par la perte de majorité pour la faire triompher.
C’était donc, pour certains, une censure pour permettre et non pour se démettre.
C’est une autre lecture du vote de la censure. La bonne lecture sera apportée par les marchés. Pourquoi ne pas penser qu’il y a dans cette bifurcation des partis traditionnels un espoir d’un retour à des débats politiques moins excités ?
Je reconnais que c’est bien moins amusant que les joutes dénonciatrices et les anathèmes fleuris, mais, cette fois pour de vrai, n’est ce pas penser à la France que de percevoir dans ces élans à leur début un appel à la recherche d’une société cohésive dont il n’est pour quiconque question de nier les problèmes ?
Ce serait un bon training pour les mutations qui sont devant nous face à l’enjeu du climat ou aux risques de déshumanisation du nouveau travail.
Dans un article récent pour la revue, je rappelais que les ‘gonflements des argiles’ mettaient en péril 15 millions de maisons et que l’accès à la propriété des classes moyennes ne serait plus assuré devant la réorganisation financière des assurances.
Tout est lié dans la psychologie collective et un peu de cohésion ne peut nuire lorsqu’il faudra nécessairement changer de points de vue pour affronter les défis d’une société en transformation profonde.
Gardons l’esprit rugby, où ce mot – transformation – représente plus qu’un simple changement. Il symbolise un passage légitimé et validé, reliant l’effort initial à ses conséquences finales de manière cohérente. Cette compréhension enrichit le sens collectif du terme en lui conférant des connotations de progression et d’accomplissement.
Reste donc à admettre cette hypothèse d’une censure pour permettre et d’essayer un temps de retour au calme de jouer groupés dans un nouvel élan avec l’assentiment du pays.
Pierre Larrouy pour la RPP