Dans cette note de lecture, Katia Salamé-Hardy revient sur Chronique politique et parlementaire de la France contemporaine – De la révolution à nos jours, un ouvrage documenté de Frédéric Monera, qui éclaire notre paysage politique actuel à la lumière de l’histoire et des évènements qui l’on forgé.
L’originalité de cet imposant ouvrage réside dans son approche surprenante et vivante. Il ne s’agit pas d’une histoire « classique » mais d’une chronique qui nous projette dans l’univers de la France des XVIIIè, XIXè, XXè et des deux premières décennies du XXIè siècle. C’est une épopée qui verra défiler sous nos yeux l’ère des révolutions, le retour des monarchies, le temps des illusions (les illusions de la « République sociale », les « déceptions de l’Empire social », la République des pères fondateurs, l’intermède de Vichy, l’époque de la Libération, la quatrième République ou « aux mêmes causes les mêmes effets », la cinquième République (histoire de la République gaullienne et ses grandes options, le temps des héritiers et les « dernières cartouches » du parti socialiste avec François Hollande »). Sont mis en scène : historiens, écrivains, hommes ou femmes d’Etat, souverains, parlementaires ou ministres mais aussi simples témoins de leur temps. Ils s’adressent à nous directement et sans détour.
Frédéric Monera, docteur en droit , ancien maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, auteur de plusieurs ouvrages juridiques et de science-politique où se mêlent histoire des institutions et des idées politiques, nous a livré lors d’un entretien qu’il a bien voulu nous accorder, la méthode et les fondements de l’approche inédite de son ouvrage.
« Je voulais écrire une histoire vivante dans laquelle les faits seraient expliqués, analysés, commentés par leurs contemporains et viendraient dès lors éclairer les textes, lesquels prendraient vie et ne seraient plus ces alignements de mots que l’on enseigne dans les universités sans toujours les bien comprendre. Plutôt que de parler de Robespierre, j’ai voulu lui donner la parole, l’interroger directement sur la Terreur, demander des comptes au général Bonaparte sur le 18 brumaire et le laisser s’exprimer, m’amuser au spectacle des explications parfois acrobatiques de Talleyrand sur ses retournements successifs, goûter l’acrimonie de Joseph Fouché sur Bonaparte devenu Napoléon, me régaler aux anecdotes de Thiers et me rêver au cœur du Paris de 1793 sous la plume enchantée de Michelet. »
« Pour ce qui est de la méthode, j’ai écrit le tout de façon linéaire, sans plan, ce qui m’aura permis de me défaire de tout carcan, de fluidifier le récit, d’éviter de corseter les paroles ou de cloisonner les faits et surtout de m’enfermer dans de quelconques a priori. De toutes façons, l’aurais-je fait que les Hugo, Thiers, Gambetta, Jaurès, Clemenceau ou de Gaulle seraient fatalement sortis de cadres imposés, auraient reconquis leur liberté au dépens même de ce livre pourtant destiné à les accueillir.
J’ai donc bâti mon plan lors de la première relecture globale de l’ensemble avec, justement, cette vue d’ensemble et respectant, je l’espère, l’espace que ces messieurs auront bien voulu me laisser.
C’est, je pense, ce qui aura le plus contribué à la vitalité – je n’ose dire au « dynamisme » – et à la lisibilité de ce livre. C’est pourquoi cet ouvrage s’intitule « Chronique » et non « Histoire ». »
« Au cours de ces siècles, décennie après décennie, année après année, les contemporains nous parlent. Au fil du temps on verra décliner, voire disparaitre l’esprit politique, le sens du combat politique pour des idées auxquelles on croit, davantage que pour des carrières. Cette rencontre nostalgique avec les grandes figures qui ont fait vibrer jadis le cœur de notre vie politique et parlementaire semble aujourd’hui se transformer dans la bouche publique en une sorte de sabir incantatoire qui ne trouve sa raison d’être que dans la démagogie électoraliste. Beaucoup aujourd’hui ignorent ou oublient les principes mêmes qui ont fondé la République »
Interrogé sur la base documentaire substantielle utilisée pour bâtir sa chronique, Frédéric Monera détaille : « les milliers de documents originaux, mémoires, ouvrages, rapports officiels, journaux, discours parlementaires, documents audiovisuels, expliquent l’importance donnée dans cet ouvrage aux citations et aux références, à des archives comme à des textes constitutionnels, législatifs ou réglementaires à chaque fois qu’ils s’avèrent nécessaires. S’agissant d’une chronique et parce que celle-ci est faite par des hommes qui sont aussi tributaires des circonstances du temps, des lieux et des particularités propres à chaque peuple, j’ai laissé une large place aux débats parlementaires, aux discours des uns et des autres aux opinions diverses exprimées dans les journaux d’époque afin de mieux situer l’acte dans son ambiance politique et sociale spécifique. Les biographies apparaissent comme de première importance. Rien n’est négligé pour meubler l’ambiance des évènements relatés. Même les évènements extra politiques sont abondamment cités ayant eu une importance décisive sur l’époque ou rendant compte des mœurs du temps telles que certaines affaires criminelles qui auront pu défrayer la chronique, des scandales qui ont pu avoir une influence politique indéniable (scandales des décorations, affaire Dreyfus ou Stavisky. ). »
Chronique politique et parlementaire de la France contemporaine – De la révolution à nos jours sort effectivement du domaine classique ; c’est une épopée vivante et attrayante truffée de citations invitant à une lecture qui se révèle pleine d’imprévus et d’anecdotes susceptibles d’alléger la recension, sans cela aride, de périodes denses en évènements.
Chronique politique et parlementaire contemporaine
De la révolution à nos jours
Frédéric Monera
Bréal by Studyrama
2021 – 1 270 p. – 26,90 €