Emmanuel Macron a, tardivement mais longuement, présenté son programme de candidat pour l’élection présidentielle ce jeudi. En répondant aux questions qui lui ont été posées, il a affirmé en toute simplicité qu’il n’excluait pas l’idée que Valérie Pécresse puisse être ministre de son gouvernement. La position actuelle de la candidate lui interdirait un poste de ministre. Mais celui de Premier ministre ?
Les objections à ce qui apparaît d’ores et déjà comme une inacceptable « compromission » sont nombreuses : disparition de LR phagocytée par LREM, décrédibilisation de Valérie Pécresse, etc. Mais en y réfléchissant un peu, cette option est peut-être la meilleure qui se puisse imaginer en cas de réélection d’Emmanuel Macron, non seulement pour la droite républicaine, mais également pour la recomposition des droites en général, et donc pour la clarification de l’échiquier politique français.
La principale raison tient au fait, fort singulier, que le véritable enjeu électoral en 2022 n’aura pas lieu en avril… mais en juin !
Pour la première fois de notre histoire, un président à peu près sûr d’être réélu (ils ont été rares) est également à peu près sûr de ne pas parvenir à obtenir de majorité présidentielle à l’Assemblée nationale sans de solides alliances. Et même avec l’appui du Modem et d’Agir, rien n’est joué ! Hypothèse d’école : Si Valérie Pécresse avait fait une excellente campagne ; si elle avait été une brillante candidate de second tour, échouant malgré tout face à Emmanuel Macron dans des termes raisonnables (un 51 %-49 % par exemple), le maillage territorial de LR aurait pu permettre à la dynamique lancée lors de la présidentielle de se concrétiser lors des législatives et d’offrir à LR une majorité franche au palais Bourbon. On aurait alors vu, sans nul doute, une Valérie Pécresse devenir Premier ministre d’un Emmanuel Macron réduit à la posture de « cohabitant » du pouvoir exécutif. Un tel scénario aurait certainement été séduisant pour une partie de la droite républicaine, qui aurait vu avec plaisir cette forme d’humiliation constitutionnelle frapper ce président qu’elle juge illégitime, voire fantoche.
Autre hypothèse, plus réaliste : Valérie Pécresse, qui n’a pas fait une bonne campagne, ne parvient donc pas au second tour, mais réussit néanmoins à devancer Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour, montant ainsi sur le podium, à la troisième place. On aurait alors, face à face au second tour, le bloc social-libéral européen et mondialiste d’un côté, et le bloc national-populaire, illibéral et localiste de l’autre. On dira ce qu’on voudra, mais le gaullisme social de LR façon Pécresse, Jacob, Baroin, etc., est davantage compatible avec le premier qu’avec le second. Dans ce cas, s’attacher le n°3 pourrait être fort avantageux pour Emmanuel Macron, mais également pour Valérie Pécresse et LR. Car, en effet, si à l’issue des élections législatives l’opposition LR était suffisante au Parlement pour créer des situations de blocage parlementaire, Valérie Pécresse ET Emmanuel Macron auraient tous les deux intérêt à un tel rapprochement, gagnant-gagnant. Emmanuel Macron se doterait ainsi d’une majorité élargie confortable et puissante capable d’inscrire dans le droit les mesures de son second quinquennat, et Valérie Pécresse/LR de faire pression sur le Président pour orienter ses réformes dans le sens qui leur convient, sachant que LR serait désormais présent à la fois à la tête de l’exécutif et en situation de force au Parlement.
On pourrait légitimement parler de victoire de LR après une troisième place seulement le 10 avril… car ce serait bien la première fois qu’un Premier ministre dispose d’un tel ascendant sur le Président de la République.
Dernier point : Nous savons que l’échiquier, à droite, ne saurait perdurer sous sa forme actuelle, multi-fracturée. Si LR est probablement assez éloigné du côté « libéral de gauche » d’Emmanuel Macron, façon wokisme pro-LGBT, multiculturaliste et immigrationniste, son « gaullisme social » est en réalité beaucoup plus compatible avec la position d’Edouard Philippe, aujourd’hui en embuscade pour 2027. Une telle alliance politique avec Emmanuel Macron lors de son second quinquennat permettrait à LR de capter Horizon – le nouveau mouvement d’Edouard Philippe – et de réconcilier/réunifier la droite libérale modérée en un socle puissant, autonome, capable d’envisager d’autant plus sereinement 2027 que la partie « droite de la droite », entre Marine Le Pen et Eric Zemmour, a vocation à demeurer durablement fracturée. Une telle stratégie clarifierait donc non seulement la ligne politique de LR, mais elle mettrait aussi un terme aux prétentions d’union des droites de Reconquête. Bénéfice net donc pour la lisibilité de l’échiquier politique français, qui ne s’en porterait pas plus mal.
Frédéric Saint Clair
Ecrivain, Politologue