La France, ce merveilleux pays soviétique qui vote à droite pour le rester est toute de contradictions. Cette exception française que caricaturait Bernard Maris est devenue chose sérieuse avec le concept du en même temps. Ça devait être une révolution.
On voit aujourd’hui que comme toute révolution, mise en branle par les élites, elle se traduit par une marche supplémentaire dans la centralisation étatique. La France a, en la matière, une riche tradition et une savante expertise « Dans notre pays le pouvoir central a toujours été en augmentant (…) dans ce pays de centralisation l’opinion publique a sans cesse tout rapporté au chef du gouvernement (…) » – c’est là le constat, et l’ambition, de Louis Napoléon annonçant « sa » constitution de 1852.
Révolution ou coup d’État : la France centralise, la France étatise.
L’ADN français n’a pas muté, le gène étatique est un gène dominant. Un ministère de la Fonction publique côtoie celui de l’Économie, celui des Comptes publics côtoie celui de l’Industrie, quand ce dernier existe… Avec le taux prélèvements obligatoires parmi les plus élevés et, en même temps, une part de l’industrie dans le PIB au dernier rang de l’UE, un taux de chômage structurel deux fois plus élevé que celui de notre parangon de voisin d’outre Rhin la France des idées s’est rêvée start-up nation… Il fallait pour satisfaire cette ambition inventer un dispositif administratif : aide pour la faisabilité de l’innovation (AFI), aide au développement de l’innovation (ADI), partenariats régionaux d’innovation … Il faut donc nuancer ce que disait Louis Napoléon : tout ne remonte pas à L’État… beaucoup (trop) descend de l’État.
Conscient du risque de décrochage économique, l’État veille à ne pas réveiller la boucle inflationniste « salaires-prix » avec le souci de la compétitivité-coût de l’économie nationale et veille à fluidifier le marché du travail. Régulièrement comme une antienne structurant la politique publique (politique bien davantage qu’économique) vient le sujet de l’énormité du code du travail. Pour faire bonne figure vient aussi régulièrement au débat une « revue des dépenses publiques » (dont il faut se demander si elles ne servent pas uniquement à s’assurer qu’aucune des dépenses publiques est incompressible…).
Échec après échec il faut se demander si les ambitions de réforme de l’action publique ne se heurtent pas à un seul obstacle : celui du statut de la Fonction publique.
Si l’énormité du code du travail explique les difficultés de l’économie nationale, la « compétitivité-coût » de l’action publique n’est-elle pas, elle aussi, entravée par l’énormité du code de la Fonction publique ? Nous savons l’écart de moyens, mesuré par le nombre d’agents publics pour 1000 habitants, entre la France et les « pays frugaux » mais si l’on se bat pour doper la performance économique on oublie de s’interroger, sauf à exécuter quelques « sauts de cabri », sur la performance de l’action publique.
Comment réformer vraiment quand l’action publique est tout entière servie par une fonction publique statufiée (qu’il s’agisse ou non des fonctions régaliennes) ?
Avec plus de 3000 pages le code de la Fonction publique est aussi lourd que celui du Travail. Le premier est un totem, le second un « sac à dos » qui entrave la bonne marche.Circulons, il n’y a rien à voir. Tout vient d’en haut, tout vient de plus en plus haut. Avec plus de 3000 pages l’un est sacré, l’autre est un « sacré problème ». Pour réformer l’action publique avec le souci de doper vraiment l’économie réelle ce n’est pas une nouvelle revue des dépenses publiques qu’il faut ni un énième choc de simplification s’il ne vise pas, avant tout, à alléger le code de la Fonction publique. Pour conclure, paraphrasons l’Économiste de Molinari : « on en sortira que par la porte du communisme ou par celle du refus de l’extension de l’action publique ».
Michel Monier,
Membre du Cercle de recherches et d’analyse de la protection sociale,
Ancien DGA de l’Unedic