Pour Jacky Isabello, fondateur de l’agence Coriolink, la communication autour du coronavirus crée de la tension et de l’incertitude rendant moins efficace l’exercice de l’information objective de la population. Explication.
Franck Knight était un économiste. En 1921 il a développé dans son ouvrage Risk, Uncertainty and Profit la célèbre Théorie du risque. Knight fut le professeur de trois prix Nobel d’économie dont le célèbre Milton Friedman.
Il existe selon lui deux types de risques : le risque assurable, dont l’occurrence est probabilisable et pour lequel on peut s’assurer et le risque d’entreprise ou incertitude, où la possibilité d’une erreur est importante. Aucune assurance ne pourra compenser cette perte.
Comparaison n’est pas raison, or l’Organisation mondiale de la santé donne, à l’instar de l’économie, une place tangible et essentielle au principe d’incertitude dans ses documents relatifs à la Communication du risque pendant les urgences sanitaires. Le coronavirus fait partie des situations concernées.
Alors que l’incertitude trouve sa place auprès des experts, qu’ils soient économistes ou médecins, en tant que facteur lambda d’une crise, elle fracture les organisations sociales et crée de l’anomie dans nos sociétés de l’opinion.
Depuis quelques jours, le virus frappe à notre porte, la France, démocratie de l’attention, est fragilisée par l’incertitude.
Lorsque surviennent des problèmes sanitaires, le département Gestion des risques infectieux de l’OMS recommande avant tout de renforcer la confiance. A ce titre il est déterminant de communiquer en toute transparence sur les incertitudes : « Les messages diffusés par les autorités à l’intention de la population devraient inclure des informations explicites quant aux incertitudes associées aux risques, aux événements et aux interventions, et préciser ce que l’on sait et ce que l’on ignore à un instant donné. »
Au lieu de créer de l’attention autour des bonnes pratiques pour se protéger, d’insister sur les points inconnus et requérir de la part des populations de choisir son principe de précaution, notre société préfère muter en une démocratie de la tension ! Pourquoi annuler le semi-marathon de Paris et laisser se tenir les matchs de football, faut-il racheter des masques, faut-il en acheter autant, pourquoi ne pas l’avoir fait avant, doit-on fermer les frontières ?…. Nous créons un cercle vicieux de l’angoisse renforcé par la combinaison géométrique de la tension avec l’incertitude. Ainsi, nous rendons moins efficace l’exercice de l’information objective et abondante des populations.
Et nous plongeons tête en avant dans une crise subséquente à la crise sanitaire, j’ai nommé la crise économique.
En 2008 les banques, incertaines quant à leur capacité à se régler entre-elles les créances en cours, figèrent leurs mouvements et provoquèrent la faillite de Lehman Brother. Il s’agissait de la patiente Zéro de la déconfiture des subprimes, génitrice de dix ans de crise du capitalisme financier. S’il tient à conserver son leadership, le politique devra démontrer, comme le fit de Gaulle dont on célèbre plusieurs anniversaires (130 ans, 80 ans, 50 ans)1, sa capacité à manager avec autorité l’incertitude dans une société désemparée par la surinformation.
Jacky Isabello
Fondateur de l’agence Coriolink
- 130 ans après sa naissance, 80 ans après son appel, 50 ans après son décès. ↩