Créé en 2018 par des étudiants, Génération d’Avenir est un think-tank dont le but est de redonner aux jeunes les moyens de participer de manière transpartisane à la vie publique. Pour Génération d’Avenir, cette crise sanitaire est une occasion unique de modifier les fondements de nos investissements publics et privés et de réfléchir à ce que pourraient être les fondements de la croissance dans « l’après-coronavirus ».
Il y a quelques jours, Emmanuel Macron déclarait que : « Le monde d’après sera résolument écologique. Je m’y engage. Nous le bâtirons ensemble. Nous avons une opportunité historique de reconstruire notre économie et notre société sur de nouvelles bases, de nous réinventer, d’investir dans un avenir décarboné.» Qui aurait cru, il y a quelques mois, qu’un bouleversement si radical du cap idéologique du Président de la République puisse avoir lieu ? Et pourtant, aujourd’hui, quelque chose a changé dans l’air politique. Comme si, à bout de souffle, la pensée économique cherchait à renouveler ses fondements de manière expresse. Pendant des semaines ce fut le bal des gourous médiatiques pour nous expliquer la responsabilité des uns, l’irresponsabilité des autres. Pourtant ce climat aux airs de fin d’une époque est une occasion formidable de réfléchir sur les fondements de nos orientations publiques. N’est-ce pas dans les crises que se renouvellent les systèmes à marche forcée ?
Au-delà des hôpitaux se poseront bientôt de nombreuses questions liées à la place que nous donnerons aux services publics dans les prochaines années. Nous entendrons bientôt fleurir partout des « plus jamais ça », des diatribes contre les coupes budgétaires des deux décennies précédentes. Ainsi, pourrons-nous nous interroger sur la relation des français aux services publics, ou même l’image qu’ils ont de l’action administrative. Le confinement met à mal des dispositifs que nous pensions solides encore le mois dernier : certains services de l’Etat, mais aussi certains acquis liés à l’utilisation du numérique dans l’éducation, voir parfois la solidité de notre tissu économique… A l’inverse il met en lumière les avantages et limites du télétravail sur la productivité, le sens des relations sociales ou même les organisations intra-familiales. Plus que tout, le confinement entraine un mouvement sans précédent d’aides aux entreprises. Et c’est là que le bât blesse : l’enjeu économique est presque aussi fondamental que le défi sanitaire. Il nous donne une occasion unique de modifier les fondements de nos investissements publics et privés, et plus précisément de réfléchir à que pourraient être les fondements de la croissance dans « l’après-coronavirus ».
Cette crise sanitaire est le moment de bouleverser les comportements des secteurs publics et privés
Cette période fait renaitre chez certains l’espoir de revenir à des modes de consommation quasi-frugaux. D’autres au contraire pensent que nos habitudes de vie ne changeront pas, voir que la surconsommation continuera de s’accroitre. Il y a pourtant une troisième voie, un entre-deux.
Entre altermondialisme et surconsommation se hisse l’idée que l’on peut orienter les décisions d’investissements publics et privés vers des modèles durables de croissance et de production.
Le débat de société inévitable vers lequel nous nous dirigeons après la crise du coronavirus sera alors l’occasion de discuter de cette voie. Peut-être 2020 sera t’elle l’année 0 d’une nouvelle ère économique, placée sous le joug de la coopération public/privé et la détermination de nouveaux enjeux structurels sur lesquels la pousser. Par exemple l’impact investing, c’est à dire l’investissement à impact social, est l’un des défis pour lesquels nous aurons demain de vraies opportunités : il faudra, le temps venu, l’encourager plus que jamais.
Les moments que nous traversons bouleversent des stabilités politiques que nous pensions acquises. Certains disent que le virus fait plus pour les sujets qui étaient hier dans l’actualité que l’ensemble des mouvements sociaux de ces dix dernières années. La situation dans laquelle nous sommes plongés témoigne donc de l’opportunité historique de débattre des fondements sur lesquels appuyer la collectivité. Nous avons pour cela besoin d’un grand débat impliquant l’ensemble des acteurs de notre pays.
Actuellement, nous sommes dans le temps de la gestion de crise. Mais une fois cette étape passée il faudra tirer les conséquences de ce que nous vivons. Viendra alors le temps de la re-connexion des Français aux autres sujets. Et c’est là que naitra le débat. C’est à l’instant de la jonction du coronavirus et du reste des enjeux publics que nous devrons saisir l’opportunité de bouleverser nos comportements politiques.
Les aides débloquées par l’Etat sont une chance de donner un souffle institutionnel à l’impact investing
L’enjeu n’est pas pour l’année prochaine, il est pour demain. Le politique est tributaire d’une obligation de coordination avec les acteurs économiques afin qu’ils modifient leurs habitudes d’investissements. Sans cela toutes les mesures imaginables ne seront que de vains coups d’épée dans l’eau.
Rentabilité financière et durabilité ne sont pas des frères ennemis.
Cela fait déjà longtemps que des initiatives existent et prouvent que les efforts du monde économique sont une des variables indispensables à la transition de notre modèle social. Les aides colossales débloquées par l’Etat pour limiter les dégâts du confinement sur les entreprises sont une chance pour donner un souffle institutionnel à l’impact investing, c’est à dire la finance verte, l’investissement à impact social. Il est complexe de lui attribuer une définition générique, car ce qu’il lui manque aujourd’hui c’est une structure sémantique. Mais au-delà de l’aspect définitionnel, retenons d’abord la substantifique moelle de la notion : la volonté, à travers l’investissent, de mettre en lumière des modèles durables socialement, écologiquement et économiquement (avec retour financier neutre ou positif). Défini pour la première fois en 2007, le secteur des investissements à impact social ne se structure réellement que quelques années plus tard avec l’association Global Impact Investing Network (GIIN) regroupant fonds d’investissement, banques et fondations intéressés par l’investissement responsable. Toujours selon le GIIN on peut le subdiviser en plusieurs composantes : l’intention, les attentes de retours sur investissement, les catégories d’actifs concernés et l’impact mesurable. L’intention signifie que les investisseurs doivent orienter leurs capitaux vers des organisations ayant des programmes de RESG (responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance) ou de RSE (responsabilité sociale des entreprises) offrant des avantages quantifiables. Pour les catégories d’actifs concernées les investissements peuvent porter sur des actifs à revenu fixe, du capital-risque ou encore des fonds de placement privés.
Les critiques ne manquent généralement pas envers les acteurs du secteurs privé sur le plan environnemental. Si elles sont parfois avérées il faut tout de même noter un regain d’intérêt des investisseurs vers la finance verte. Cette philosophie financière se développe, et cela se ressent dans les chiffres. Dans une enquête de Barclays publiée en 2018 en Grande-Bretagne, on relève ainsi que si les investisseurs de plus de 50 ans sont encore frileux à se positionner dans ces niches, ceux de moins de 40 ans orientent de plus en plus leurs fonds dans l’impact investing. Selon ladite étude 43 % des investisseurs britanniques de moins de 40 ans déclarent avoir réalisé au moins un investissement à impact social, contre 30 % en 2015.
La coopération public/privé à l’appui du défi du financement de cette transition
Cette transition économique s’avère indispensable, mais qui la finance ? La BEI, Banque européenne d’investissement, répond à cet enjeu à court terme. Elle a par exemple décidé d’aligner ses investissements sur les engagements des accords de Paris à 100 mds USD d’ici 2020. Cela présente l’avantage de réduire les risques du secteur privé et, par effet d’entrainement, de l’inciter à se mobiliser plus largement pour les greentechs. Ces investissements publics sont efficaces. Par exemple dans les Hauts-de-France la BEI avait accordé en 2015 une dotation de 23,5 millions d’euros pour aider la région à prêter à des conditions attractives aux ménages faisant des travaux de rénovation. In fine, avec une mensualité moyenne de 147 € de remboursement de crédit, les particuliers réalisent près de 100 € d’économie de dépenses énergétiques tous les mois. Autre exemple au tableau de la BEI : le FEIS, Fonds européen pour les investissements stratégiques, qui avait mobilisé 375,5 mds d’€ d’investissement fin 2018. Créé dans la continuité du plan Juncker, la BEI et la Commission européenne s’étaient engagées à travers le FEIS à mettre en place un programme de garantie de 21 mds d’€ d’ici mi-2018, avec à la clé des promesses d’effets de levier allant jusqu’à 1 500 % pour certains projets. Cette fulgurance s’explique par des investissements dans des projets à la pointe de l’innovation et concentrés sur des petites entreprises sans antécédents en matière de crédit. Le FEIS permet ainsi à ces projets de disposer de produits financiers évoluant en fonction de leurs besoins et allant des prêts d’amorçage-investissement à des mécanismes de rémunération au résultat. Toutefois, au regard des chiffres donnés par le dernier rapport de la BEI sur l’investissement, réalisé par une quarantaine d’économistes dirigés par Debora Revoltella, on remarque que les investissements dans l’Union européenne visant à l’atténuation des dérèglements climatiques stagnent en deçà des 1.3 % de PIB, c’est-à-dire à un niveau inférieur à celui atteint en 2012 de 1.5 % de PIB. Pourtant ce type d’investissements dans des secteurs comme le transport ou l’efficacité énergétique suivent une tendance graduelle à la hausse. Ce sont donc les investissements dans les énergies renouvelables et les infrastructures de réseaux connexes qui ont baissé.
Selon ledit rapport, il faudrait multiplier par quatre les efforts dans l’efficacité énergétique pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne fixés à l’horizon 2030.
En conclusion l’investissement à impact social montre les connexions entre économie et durabilité
Si ces exemples montrent l’efficacité d’institutions comme la BEI au niveau européen ou la BPI au niveau national, quelles ne sont pas les opportunités qui s’ouvriraient si elles s’orientaient encore davantage vers des secteurs environnementaux stratégiques et des firmes à la pointe de l’innovation en matière de développement durable. Car oui, derrière les chiffres on ne répétera jamais assez que se cache l’urgence climatique.
Une urgence qui ne peut qu’alerter les autorités politiques et économiques.
Et si l’humanisme ne guide pas les arbitrages économiques, c’est alors à l’utilitarisme d’intervenir. La seule manière d’inciter le secteur privé à agir pour le climat est l’intervention de mesures conjoncturelles et structurelles guidant les décisions d’investissements. Cette action peut prendre des formes incitatives ou coercitives selon la casuistique, mais elle est indéniablement indispensable.
Andréas Chaïb
Président de Génération d’Avenir
Théodore Michel
Directeur des Relations publiques de Génération d’avenir
Caroline Pham
Directrice de la Communication de Génération d’Avenir
Génération d’Avenir organise de nombreuses rencontres institutionnelles durant lesquelles lycéens et étudiants débattent des enjeux de société avec des personnalités de tous bords. Le cercle de réflexion a pour vocation de donner à chacun la liberté de s’exprimer et de réfléchir sur le monde de demain dans un cadre dépassant les frontières partisanes. A l’issu de ses évènements, les propositions et idées des jeunes sont synthétisées dans des rapports présentés ensuite aux décideurs politiques.