Laurence Taillade, présidente du Parti Républicain Solidariste et essayiste réagit à la gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement.
La crise du Covid19 entre dans sa phase 3, officiellement. On observe que, dans les faits, cela fait déjà plus d’une semaine que le dépistage systématique n’a plus lieu, ce qui sous évalue grandement la gravité de la propagation du virus.
Au fil des semaines, on a vu les incohérences se multiplier : fermeture des marchés mais pas des supermarchés, annulation de certains rassemblements, mais pas de matchs de football avec des Italiens en pleine crise ou de grands messes regroupant des milliers de personnes, aucune décision concernant le Louvre qui draine des milliers de personnes tous les jours… Les forces de l’ordre sont encore obligées d’intervenir face à des manifestations qui ne devraient plus être organisées.
Encore, ces derniers jours, les élus en campagne – clientélisme oblige – encourageaient la tenue de prières collectives contre cette pandémie, mettant en œuvre, eux-mêmes, les conditions d’une accélération de la propagation dans leur commune !
L’impréparation, ou l’arrogance de ce gouvernement, qui a voulu laisser croire qu’il pouvait donner des leçons au reste du monde, et camoufle aujourd’hui ce manque d’humilité par la présentation de chiffres sans aucun lien avec le réel, est un scandale.
Communiquer, rassurer, a été leur stratégie pour éviter que les gens ne se précipitent sur les gants, masques et gels hydroalcooliques indispensables à préserver leur santé. Ces indispensables manquent, la faute à l’envoi de 17 tonnes de matériel en Chine le 19 février dernier, à la prise de mesures tardives de préservation des stocks sur notre territoire des productions nationales, à un appel d’offre improvisé le 23 février quand les autres pays avaient anticipé dès fin janvier, dont les premières livraisons n’interviendront qu’après 3 à 4 semaines, soit entre le 14 et le 21 mars.
Aujourd’hui nos médecins travaillent sans matériel, nos infirmières sont épuisées, en première ligne, et donc surexposées car la fatigue abaisse les défenses immunitaires. Nos professionnels de santé tombent malades, les pompiers sont confrontés à des cas qui les contaminent, les laboratoires sont pris d’assaut sans kits de dépistage et sans protection.
Les solutions mises en place sont insuffisantes et inadaptées pour grand nombre de nos concitoyens des territoires oubliés qui n’ont plus de médecins généralistes et aucun accès à Internet, pour demander une visio-consultation. On a trop tardé à réagir, à responsabiliser les Français en leur disant la vérité : que c’est très grave, qu’il faut arrêter de vivre comme avant, que nous sommes incapables d’absorber le flux de malades parce qu’on a tué notre système de santé et qu’on a pillé toutes nos ressources pour accuser le choc qui nous attend.
Cette séquence démontre la fragilité d’un système qui répond à des logiques financières que la mondialisation impose depuis plusieurs décennies et auxquelles les gouvernements successifs ont cédé pour démanteler notre système social, hospitalier. La solidarité est devenue un gros mot pour ces politiques au service des actionnaires de grands groupes avides de dividendes, issus du fruit du travail de salariés dont on a restreint, année après année, le pouvoir d’achat. Ils ont laissé partir les talents, les emplois de nos industries vitales, comme celle des médicaments, se dégrader nos hôpitaux, nos campagnes se vider de professionnels médicaux et ont favorisé ce mouvement par l’inaction, des mesures de contrôle de gestion sur les établissements hospitaliers, les prescriptions médicales, sans pour autant résoudre le problème des abus de certains.
Leurs atermoiements ont provoqué une crise de confiance majeure dans la politique, et toutes les autorités de référence. Le scrutin électoral passé en a été l’étalon. Il était à lui seul, d’ailleurs, une aberration car la réquisition de matériel de protection, de gel, se serait fait, selon certaines sources, au détriment des professionnels de santé. Par ailleurs, dans une situation de crise, ne vaut-il pas mieux assurer la pleine continuité du suivi des mesures par une équipe sortante au fait des mécanismes municipaux ? Sur ce sujet précis, on ne peut que noter, avec regret, les postures politiciennes de certains qui, après avoir été consultés jeudi matin par le Premier ministre et n’avoir formulé aucune réserve, viennent demander l’annulation des élections municipales.
Une civilisation responsable se reconnait dans sa capacité à prendre en charge les plus faibles, à anticiper le pire. Ils ont fait abstraction de tout cela pour construire une société de consommation, de l’Avoir et oublier que la lumière vient de l’intérieur et non de l’emballage, de l’Être. Ils ont voulu faire de nous des consommateurs, des unités de production. Ils nous ont déshumanisés, déculturés et ont progressivement déconstruit tout ce qui faisait sens, lien. Les réactions d’incivilité sont la marque du recul de notre civilisation : vol de masques, de gel, pillage des supermarchés irrationnels. L’individualisme a pris le dessus. La logique financière reste très marquée : les entreprises ont trop tardé à gérer la mise en place massive de télétravail incontournable, urgente, pour mettre un frein à cette épidémie.
Il est temps d’une réelle prise de conscience et de cesser de communiquer pour poser les bases d’un changement de paradigme. Il est temps de relocaliser nos productions essentielles, de molécules chimiques, d’alimentation, d’énergie, de transport.
Il est temps que l’Europe joue enfin son rôle et nous protège par des mesures fortes et collectives qui vont dans le sens de l’intérêt général.
Il est temps de donner des éléments d’information plus proches de la réalité de la situation à tous les Français.
Il sera temps de faire les comptes et de faire porter les responsabilités à ceux qui ont voulu les fonctions mais se sont refusés à les assumer et, par là-même, précipitent notre pays, notre économie dans le chaos, mis en danger la santé de nos proches, mis en péril la Nation.
Présidente nationale du PRG
Présidente du Parti Républicain Solidariste
Essayiste auteur de Etre une femme en 2020 et L’urgence laïque, Editions Michalon