De l’Equateur au Chili, en passant par la Bolivie, les pays latino-américains connaissent des bouleversements politiques et sociaux. Cette fin d’année mouvementée ne favorise pas l’amélioration des relations diplomatiques et l’investissement dans cette région du monde. Guillaume Asskari, journaliste-producteur dresse un panorama des crises qui secouent actuellement l’Amérique du Sud.
Ces dernières semaines, le contexte est particulier en Amérique du Sud. Les élections présidentielles en Argentine et en Bolivie constituent de bons exemples. Les peuples sud-américains souhaitent un changement radical et ils l’expriment dans la rue. La violence a pris le dessus sur les manifestations pacifistes. Cependant, chaque situation est singulière. Celle au Venezuela est différente de celle du Pérou ou du Chili. La répression, le contexte politique et les problématiques ne sont pas identiques.
Chili : COP25 annulée, modification de la Constitution
Depuis le 19 octobre, le Chili est le centre de plusieurs affrontements violents entre manifestants et carabiniers. L’une des principales revendications est la hausse du prix du ticket de métro (une situation qui peut nous rappeler la France avec les « gilets jaunes », ceux-ci étant sortis dans la rue suite à la hausse du prix de l’essence). En réponse aux manifestations et à la montée de la violence, le président chilien Sebastian Pinera a décidé de reporter la conférence internationale sur le climat et le sommet de l’APEC (la coopération économique pour l’Asie-Pacifique).
« L’image que nous donnons au reste du monde nous dérange. Nous sommes dans une democratie avec un modèle économique qui fonctionne bien », explique Juan Salazar Sparks, ambassadeur du Chili en France. « Le gouvernement est en train de voir pour mettre en place des mesures sociales et politiques concrètes. Le plus important c’est de sortir de ces problèmes par le haut. Il faut être patient, ces problèmes ne vont pas se résoudre du jour au lendemain », a-t-il ajouté.
Pour répondre aux attentes, le président chilien Sebastian Piñera a annoncé préparer un projet de modification de la Constitution, promulguée sous la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Le projet inclut l’inviolabilité des droits de l’homme, le droit à la santé et à l’éducation, et l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Concernant la COP25, le diplomate chilien, en poste à Paris, reconnaît une déception. « Pour les Chiliens, c’est une tristesse de ne pas organiser la COP25 car c’est un grand événement pour parler du climat et des défis à venir. La COP25 c’était aussi l’occasion de mettre en avant le Chili. Malgré tout ça, nous sommes contents que l’Espagne nous ait ouvert ses portes. Cela montre l’intérêt des autres nations pour cet événement », a-t-il conclu. Pour rappel, la COP25 se déroulera à Madrid aux mêmes dates.
Venezuela : une crise économique et des tensions diplomatiques
La situation au Venezuela connaît un apaisement depuis plusieurs mois. Les manifestations intensives du début janvier n’ont pas réussi à se maintenir sur la durée. Depuis l’autoproclamation de Juan Guaidó comme président par intérim en janvier dernier, la diplomatie européenne ne discute plus avec le président Nicolas Maduro. Ce dernier, remis en cause par une partie des Vénézuéliens, est isolé sur la scène internationale.
Malgré l’aide de la Russie et de la Chine, le Venezuela est surtout dans une impasse économique.
L’hyperinflation du bolivar et le manque de denrées alimentaires dans certains endroits ne permettent pas aux Vénézuéliens de vivre correctement.
Pour lutter contre l’usage du dollar, le gouvernement, emmené par Nicolas Maduro, a récemment lancé sa crypto monnaie, le Pétro. Cette monnaie virtuelle, adossée au prix du cours du pétrole, constitue un moyen de contourner les sanctions promulguées par les Etats-Unis. « Le Pétro, oui ça peut relancer l’économie vénézuelienne et contrer les sanctions. Seulement, cela va prendre du temps, car il ne s’agit pas de liquidité mais d’une monnaie virtuelle. Il est important de rappeler que cette cryptomonnaie doit être adoptée par l’ensemble du peuple vénézuélien pour bien fonctionner », argumente Jean-François Faure, président de Veracash, fondateur et président du think tank « Monnaies en transition ».
La crise vénézuélienne est économique mais également diplomatique. Au Canada comme dans l’Union européenne, Juan Guaidó a nommé un ambassadeur (non reconnu par les instances internationales). Ces représentants, du président autoproclamé par intérim, créent un véritable doublon diplomatique, source de nouvelles tensions.
Bolivie : Evo Morales démissionne sous pression militaire
Depuis le 20 octobre dernier, des millions de Boliviens se sont mobilisés pour dénoncer les résultats de l’élection présidentielle. Face à cette contestation et au rapport de l’Organisation des Etats américains, Evo Morales a accepté de convoquer une nouvelle élection présidentielle. Mais, finalement, sous la pression du chef des armées, Evo Morales, au pouvoir depuis 2006, a démissionné et a renoncé à sa réélection. L’ancien président a pris la décision de s’exiler au Mexique qui lui a proposé l’asile politique.
Evo Morales dénonce « un coup d’état » organisé contre le gouvernement et l’Etat de droit.
Au regard « des récents événements dans le pays », l’ambassadeur de Bolivie en France, Juan Gonzalo, a remis sa lettre de démission, réclamant « la pacification du pays et les retrouvailles du peuple bolivien ». Ces derniers jours, plusieurs ministres et députés, dont le président de l’Assemblée, ont également démissionné.
Cette crise politique ne stabilise pas les relations diplomatiques de la Bolivie avec les autres pays. Mais la situation pourrait s’améliorer après la mise en place de nouvelles élections.
Equateur : la moitié du monde sous tension
L’Equateur est toujours dans l’impasse. Début octobre, la Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (Conaie), qui protestait contre la suppression des subventions sur les carburants, appelait à sortir dans la rue. Le 13 octobre, le gouvernement et le mouvement des indigènes ont trouvé un accord, permettant ainsi d’éteindre la grogne sociale et de retrouver le calme dans la capitale équatorienne.
Lenin Moreno doit également faire face à une crise politique. Alimentée par un accord contesté avec le FMI, l’opposition équatorienne continue de manifester son mécontentement. « Le gouvernement persécute son opposition, notamment l’ancien président Rafael Correa, actuellement en exil en Belgique », explique Guillaume Long, ancien ministre des Affaires étrangères. Très impopulaire depuis le début de son mandat, Lenin Moreno n’a pas encore réussi à inverser la tendance.
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L’instabilité économique et politique, qui traverse l’Amérique du Sud, a des répercussions sur la diplomatie des différents pays. Dans ce contexte, le développement et les coopérations avec l’Union européenne et la France ne sont pas garantis.
Guillaume Asskari
Journaliste – Producteur