Hic et nunc, depuis l’antiquité en passant par la renaissance, philosophes et humanistes appellent à vivre en étant ancrés dans la réalité présente, en l’absence d’illusion. « Le jour d’après » est un des mythes qui servent de catalyseurs à notre quête de sens et à nos aspirations de changement. Dans l’éducation, « Le jour d’après » c’est aujourd’hui. La ministre Frédérique Vidal l’a encore confirmé en annonçant que les amphis seront probablement remplacés par des cours en ligne. Par Vincent Mangematin, doyen et directeur académique à Kedge Business School
C’est aujourd’hui que nous anticipons, nous imaginons, nous prévoyons le futur de nos étudiants. Nous leur devons un accompagnement pour donner du sens à leur engagement dans une formation, et des repères tout au long des parcours. Tous ces outils deviendront des piliers pour demain, pour leur avenir. Ils sauront être entrepreneurs d’eux-mêmes et d’elles-mêmes afin de pouvoir réaliser leurs ambitions et leurs rêves.
Nous devons à nos étudiants à la fois une formation théorique et pratique de grande qualité, ainsi que la capacité d’anticiper dans une période de forte incertitude pour qu’ils sachent rester stables dans leur engagement et au cours de leur apprentissage.
La connaissance est devenue une commodité, un acquis indispensable qui ne permet pas de faire la différence. Il en est de même pour le digital qui n’est qu’un des médias pour communiquer. L’enjeu est aujourd’hui de conjuguer dire et faire pour permettre aux millenials de trouver leur place dans le monde de demain.
Un tel objectif passe par une évolution profonde de nos pédagogies pour accompagner et enrichir l’expérience des apprenants, avec des allers-retours réflexifs entre expérience et connaissance. La pandémie a encore plus fortement révélé les formes variées et très riches de nos interactions sociales. Dans ce cadre, le digital permet de garder le lien et de travailler, mais néanmoins, la vie sociale n’existe que lorsque les échanges sont divers, multicanal.
L’éducation, épouse ces formes multiples, elle s’en empare. La relation entre enseignants et apprenants est alors en présence ou à distance, avec des cours 100 % digitaux enrichis de dialogue, de coaching et de mise en situation virtuelle venant ponctuer/combler l’éloignement.
« Éduquer, ce n’est pas remplir des vases, mais allumer des feux. C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble ».
Aujourd’hui, un raisonnement en 2D dans un univers de plus en plus spécialisé mais aussi complexe et globalisé, semble un peu juste et insuffisant. Dans ce contexte, notre rôle est de former à la fois des spécialistes pointus dans un domaine et des généralistes capables de combiner harmonieusement toutes les ressources.
La pédagogie et l’individualisation des parcours de formation doivent permettre par exemple, tant l’acquisition des dernières techniques d’études de marché mais aussi l’environnement dans lequel cette connaissance va s’inscrire, prendre toute son utilité, voire sa force. De même, il faudra des connaissances pointues en finance responsable mais être aussi être capables de comprendre de façon globale l’entreprise, de manière à implémenter un changement, une stratégie, une politique favorable à l’environnement ou conforme à l’éthique.
C’est dans cette perspective que les approches transdisciplinaires et la culture générale sont si importantes. Elles permettent d’acquérir une vision holistique et d’apprendre à apprendre pour prendre en compte toutes les attentes, tous les imprévus.
Dans la logique d’individualisation des parcours, le changement s’opérant aujourd’hui avec les cours en ligne est fascinant.
L’accès digital aux cours des meilleures universités apporte une plus-value incontestable à notre enseignement. La connaissance devient accessible et apporte aisance et praticité à l’étudiant.
Du 2D, nous devons passer au 3D, avec une pédagogie in vivo qui organise l’apprentissage des connaissances, les expériences et la réflexivité sur les actions et pratiques mises en œuvre. Augmenter les places pour l’alternance, améliorer encore l’offre digitale, renforcer encore l’accompagnement personnel, offrir des cadres pour le questionnement, ne jamais oublier les dimensions éthiques, voilà quelques une de nos options à Kedge.
Les débats autour du « jour d’après » exacerbent la quête de sens, de repères que tous les observateurs de la société constatent avec les mouvements tels que le Greta Thunberg ou YoungforClimate1, Manifeste2, etc. Donner du sens, ce n’est pas seulement produire, développer ou confronter des idées.
Donner du sens c’est aussi et surtout mettre en œuvre, réaliser et se réaliser.
La crise actuelle nous invite à accélérer ce mouvement à la fois pour construire de solides repères et donner du sens à tout engagement.
L’expérientiel de cette démarche « dé-confinée » de cette approche 3D suppose une immersion dans une situation donnée. Pour ce faire, un accompagnement engagé soutient la mise en œuvre des outils et méthodes. Cet accompagnement engagé aide et soutient la résolution d’un problème et une démarche réflexive pour gérer et maitriser la mise en situation et ainsi généraliser les enseignements.
Les nouveaux standards de l’AACSB3 appellent à cette transformation en dédiant un chapitre entier à la pédagogie. Le véritable enjeu est aujourd’hui de mieux organiser la création de valeur pour les étudiants.
Nous formons non seulement des penseurs mais aussi des faiseurs éclairés.
Le faiseur éclairé est un humaniste capable de mener des actions pertinentes. Humaniste, car il donne du sens à ses actions, il aide à mieux comprendre l’impact social et environnemental de ses actions, il associe les parties prenantes à la réflexion. Le sens s’analyse aussi à l’aune de notre contribution au bien commun et s’apprécie individuellement et collectivement. Pertinent, parce que les décisions sont situées et ancrées dans nos écosystèmes locaux, sectoriels, internationaux et que nos choix et actions individuels se conjuguent avec le collectif. C’est parce que notre école se pense comme une communauté humaine, sociale et économique que les actions de chacun et de chacune sont impactantes, à la fois en France et à l’international.
« Le gain de notre étude, c’est en être devenu meilleur et plus sage. », nous suivons, ici encore, les traces de Montaigne.
Vincent Mangematin
Doyen et directeur académique à Kedge Business School
Il anticipe et met en place les modèles économiques des business schools de demain. Vincent est professeur en management stratégique. Il a travaillé sur l’innovation et les industries du tertiaires, comme les industries culturelles et l’éducation. Ses recherches se sont intéressées aux phénomènes émergents pour mieux comprendre comment les entreprises créent de nouveaux modèles économiques, valorisent les activités quand les marchés sont évanescents et bénéficient des transformations liées à l’économie digitale.