Revue Politique et Parlementaire – Vous vous intéressez dans votre documentaire à la relation du général de Gaulle à la question institutionnelle et, plus particulièrement, à sa conception du rôle du Parlement. Peut-on considérer à l’issue de votre enquête, très fouillée, qu’il voit dans le Parlement, critique qui lui a été souvent opposée, un frein à l’efficacité de l’action publique ?
Hervé Gaymard le résume bien lorsqu’il raconte que de Gaulle a vu l’incapacité du Président Albert Lebrun en 1940, ralentit par le Parlement, à faire face rapidement à la tragédie de la Seconde Guerre mondiale qui s’annonce.
En 1958, de Gaulle est persuadé qu’il faut un chef, « un système constitutionnel qui fonctionne un peu comme fonctionnerait un état-major » résume l’historienne Frédérique Neau-Dufour. A telle enseigne que dans les dossiers de Michel Debré on a retrouvé un document préparatoire à la rédaction de la Constitution qui mentionne comme un des objectifs poursuivis : la limitation des pouvoirs du Parlement.
Ce courrier fournit la « preuve » que le recours au référendum pour modifier la Constitution ne « saurait-être regardé comme constitutionnel ».
S’ils prennent des précautions, pour disent-ils « attirer respectueusement l’attention du président de la République », les sages de la rue Montpensier n’en sont pas moins durs : la procédure retenue par le général de Gaulle n’est pas constitutionnelle.
Le plus incroyable dans cette histoire, c’est que quelques jours plus tard, saisit à son tour par le président du Sénat de l’époque Gaston Monnerville, le même va se déclarer « non compétent ».
De plus, l’élection du président de la République au suffrage universel direct, pour laquelle il s’est tant battu, montre bien que de Gaulle souhaitait qu’à la légitimité historique qui était la sienne, succède une légitimité populaire pour ceux qui le suivraient. En ce sens la Cinquième était prévue pour lui survivre.
Mais oui, si on considère sa pratique du pouvoir. Le corollaire des pouvoirs élargis octroyés au président par la Cinquième République, « synthèse de la monarchie, de la révolution et de la République » comme le décrit Frédérique Neau-Dufour dans le film ; c’est une immense responsabilité.
Désavoué en 1969 lors du rejet de son projet de réforme du Sénat et de régionalisation il quitte immédiatement le pouvoir. En ce sens je pense que ce régime correspond bien au général de Gaulle ; dans les pouvoirs qu’il offre et la responsabilité qu’il impose.
Pierre Bonte-Joseph
Responsable du pôle magazines
Propos recueillis par Arnaud Benedetti
Photo : David Bellamy, Historien membre du conseil scientifique de la fondation Charles de Gaulle
Sébastien Studer, Conservateur en chef du patrimoine, responsable du pôle des archives des chefs de l’Etat aux Archives nationales