La dépression correspond à une façon d’être permanente. Elle organise l’ensemble des pensées et contrarie la volonté éventuelle de s’en sortir. Pour le dépressif tout est devenu négatif, lui-même se perçoit comme tel. Ses entreprises, il les vit au départ comme inutiles ou inefficaces.
Ce qui caractérise une dépression c’est cette impossibilité de s’en sortir par soi-même, et donc le besoin de faire appel à quelqu’un. Si on peut s’en sortir tout seul, c’est alors d’avantage un excès de découragement qu’une dépression.
Il faut se référer à cette description rapide d’une pathologie par les spécialistes des psychologies et du psychisme pour affronter cette autre vague parallèle à celle de la pandémie et ses conséquences sociales mais aussi celle liée aux actes terroristes.
Le responsable politique engagé comme l’acteur public en responsabilité que je suis doit affronter avec lucidité, modestie mais volonté cette situation. Il n’est pas possible de scinder la nécessité d’une réflexion profonde et durable et l’obligation d’agir concrètement et tout de suite.
L’élu local mesure au quotidien la montée en puissance d’un sentiment de précarité dans la société. La violence des crises qui la traverse ne doit pas occulter un terreau présent depuis longtemps.
Qu’entend-il ? Qu’est-ce qui aujourd’hui n’est pas précaire ? Les relations sentimentales, nos situations professionnelles et nos valeurs sont-elles à l’abri ? La seule chose que nous pouvons entreprendre, c’est de faire en sorte que les choses aillent mieux dans le futur.
Un psychanalyste, que j’interrogeais sur la crise mentale actuelle, me renvoya à une phrase de Freud « qui naît mélancolique tête la tristesse en tout événement ».
Le politique n’est pas, il faut bien l’avouer, préparé pour cette nature de confrontation posée par le social.
L’acteur public comme le politique, confrontés à la grande défiance citoyenne, ne disposent pas ou plus des outils pour orienter ces errements subjectifs.
Comment, dès lors, peut-il répondre à ce contexte de relation à l’échec, à la vision négative du futur, à l’incertitude (pandémie, terrorisme) conçue comme une incompréhension de la vie et ce qu’on doit y faire, dans ce cadre de défiance que j’ai appelé ailleurs il y a deux ans, dans un ouvrage collectif « De la gauche en commun aux nouveaux possibles », la fracture de confiance ?
Posons la question : le cumul et la confusion, dans tous les sens du terme, de la période favoriseront-ils la reconstruction de liens de solidarité et de fraternité sous l’égide des politiques ou des acteurs publics ou la fracture aura-t-elle tendance à s’accroître ?
L’Après pose clairement la question de la démocratie. Ce n’est pas le meilleur moment pour engager le Parlement dans un fleuve de nouvelles lois ou dispositions qui ébranlent plus encore la confiance.
On ne peut répondre à un dépressif, souvent en relation fragile avec les limites habituelles qui fournissaient un cadre structurant, par un discours distancié ou projetant dans un futur incertain.
La chose est également vraie pour ce que l’on peut nommer une dépression collective.
C’est une des bases solides des discours populistes que de proposer des réponses avec l’apparence du bon sens, un caractère immédiat et saisissable et donnant tous les signes d’un partage de sentiments qui assaillent le déprimé puis le dépressif. On vit aux Etats-Unis les risques de ces tentations avec ce que l’on peut nommer le « trumpisme ».
Je veux faire le pari, celui de tout mon engagement politique que rien ne serait pire que de céder à un sentiment d’impuissance. Au contraire, je veux voir dans ces moments l’opportunité de renouer les fils de la confiance.
Au début sont l’action, l’implication, l’effacement des diktats des choses établies pour tout mettre dans l’accompagnement, l’écoute et, autant que faire se peut, dans l’émergence de solutions rapides et opérationnelles.
C’est ce que le Conseil départemental de Haute-Garonne a très rapidement traduit par une mise en place de dispositifs partenariaux de soutien psychologique « Parlons-nous ».
Dans ce contexte globalement anxiogène, la crise sanitaire et les mesures de confinement de mars et d’octobre ont fragilisé les personnes les plus vulnérables. Nous constatons que la privation de liberté est vécue douloureusement par une partie de la population. Nous avons souhaité, en tant que chef de file des solidarités, mettre en œuvre un plan immédiat et proactif de soutien psychologique : un accueil individuel et des consultations gratuites avec des psychologues à destination des jeunes, sévèrement touchés par l’isolement et la précarité ; une campagne d’appel systématique des personnes vulnérables ou en situation de handicap avec mise en relation, s’il apparaît nécessaire d’apporter un soutien psychologique, voire psychiatrique, avec une association partenaire (La Croix rouge, France Alzheimer, ASP, SOS Amitié…) ; enfin le renfort des équipes de la Cellule d’urgence Médico-Psychologique (CUMP) portée par le CHU de Toulouse et le SAMU 31 afin d’élargir son action d’écoute à destination du grand public.
Aujourd’hui, la première urgence est de rompre le silence, de nommer les maux que tout un chacun perçoit. La mobilisation de chaque acteur public est nécessaire.
Éviter que la société se défasse. Redonner un sens, pratiquement dans la proximité, modestement pour les valeurs humanistes de l’universalisme. Le défi commun est celui de l’impératif de la réparation des vies.
Sébastien Vincini
Maire de Cintegabelle, conseiller départemental de Haute-Garonne et membre de la direction Du PS en charge des fédérations