Mathilde Aubinaud, spécialiste en communication, créatrice du blog « la saga des audacieux » décrypte pour la RPP le « clash » entre Nicolas Dupont-Aignan et le journaliste Patrick Cohen lors du plateau de « C à vous » du 6 mars au soir. Pour l’experte, le président de Debout la France à obéit à une stratégie de communication délibérée dont il serait coutumier.
On se souvient de Nicolas Dupont-Aignan quittant le plateau de TF1 pendant la présidentielle de 2017. Critique régulier des médias, le voici de nouveau au cœur d’un buzz médiatique. Cette fois, il se retrouve exclu par Anne-Elisabeth Lemoine du plateau de « C à vous » sur France 5 à la suite des propos tenus contre Patrick Cohen mercredi 6 mars. Tel est pris qui croyait prendre.
L’inscription dans une construction journalistique
La réplique qui se fera dépêche AFP. La sentence martelée qui fera du bruit sur les réseaux sociaux. Parce que la communication est inhérente à l’exercice politique, certains politiques qui se font entendre sont des clients des plateaux télévisés. Alternant JT et programmes d’infotaintement, ils tiennent un discours et jouent le jeu télévisuel afin d’être repris et de pouvoir décupler leur visibilité. La prise de parole du politique est pensée et ciselée pour correspondre à l’exercice médiatique. Nicolas Dupont-Aignan est l’un de ces clients médiatiques.
Du bruit médiatique
Invité régulier des médias, Nicolas Dupont-Aignan participe à la critique régulière des journalistes sur leur plateau tout en acceptant le jeu télévisuel. « C’est votre stratégie : le buzz permanent » reproche ainsi Anne-Elisabeth Lemoine au président de Debout la France après les attaques de ce dernier contre Patrick Cohen. Le politique considère le journaliste tel un « serviteur du pouvoir. Il est payé pour ça. » et le qualifie de « cireur de pompes ». Un échange extrêmement tendu a lieu entre les chroniqueurs du talk-show et l’invité politique. « Vous voulez bien retirer ce que vous avez dit ou vous allez devoir quitter le plateau ? » interroge l’animatrice. Anne-Elisabeth Lemoine, présentatrice de « C à vous » demande à l’élu de droite de partir face à sa réponse et son refus de s’excuser.
Calme et déterminée, elle refuse de se laisser prendre au jeu de l’élu. La journaliste compte bien continuer à imposer son cadrage en refusant de se laisser imposer un autre processeur de construction que lui imposerait l’invité politique habitué des polémiques. Elle impose un cadre en refermant la séquence de l’interview politique et en refusant de se laisser déborder par l’invité. Elle lance alors le sujet suivant.
L’absence de nuance du client médiatique
« Propagande télévisuelle ». Nicolas Dupont-Aignan essaie ainsi d’imposer sa propre grille de lecture de la figure du journaliste auprès des téléspectateurs de France 5 en alimentant l’image négative tenue à leur égard. Une critique que le député de l’Essonne alimente à coups d’expression et de petites phrases. Une posture qu’il adopte depuis longtemps. Il appréhende les médias uniquement comme vecteur idéologique en reprochant notamment à Patrick Cohen sa posture. Or, il met de côté le média comme medium bien qu’il s’exprime sur le plateau télévisé d’une chaîne du service public.
La critique du député Debout la France est régulière envers les médias. Il sait qu’elle sera reprise. Il s’inscrit, dès lors, avec ses propos tenus de la sorte, dans une forme de surenchère. Une volonté manifeste de s’inscrire dans le spectaculaire et le buzz qui ne laisse guère de place au fond et aux idées. D’ailleurs, les journaux ont titré, au sortir de l’émission de France 5, sur « l’accrochage », « le clash », « l’incident » avec le politique. Une séquence médiatique qui ne sert pas la politique.
Mathilde Aubinaud
Spécialiste en communication
Créatrice du blog « la saga des audacieux »
Crédit photo : Wikipédia