Ouf ! Le storytelling d’Emmanuel Macron peut continuer. Certes, le Président n’a pas gagné, mais il n’a pas perdu. Il a sauvé l’essentiel, c’est-à-dire la face. Pour un pouvoir aussi attaché au règne de l’image, le contrat initial d’une certaine façon a été rempli. La com’ peut ainsi se substituer à la réalité.
Le crash de l’avion républicain a favorisé les plans du Président. Il a » en même temps » certifié électoralement la droitisation bourgeoise du » macronisme « . Ce sont des pans entiers du conservatisme tendance » Rotary » qui se sont mis » en marche « . Dans un contexte d’anomie accélérée, l’ordre social va toujours au pouvoir. À Versailles, ville de François-Xavier Bellamy, les marcheurs tutoient les 40 %.
Pour autant, ce sauvetage inespéré est un leurre.
Il alimentera les exégèses de l’immédiat dans une époque où le court terme vaut commentaire définitif, le temps d’un zapping incessant… À y regarder de près, la désagrégation des vieilles offres politiques fournit l’énergie motrice du macronisme. Celui-ci s’en repaît à satiété, gérant sans progresser pour autant son épargne électoral. Son étiage est étroit mais d’une agilité qui se meut dans un champ de décomposition. Or cette désagrégation n’est rien d’autre que le reflet de la dislocation sociale et culturelle du pays. Macron pense se perpétuer, nonobstant une » parcellisation » toujours plus accentuée de la cité.
Or si la fragmentation du vieux champ politique le sert à brève échéance, la balkanisation sociale joue à moyen terme contre sa stratégie.
La victoire relative du RN en est la démonstration ; gagnant plus d’un million de voix par rapport à 2014, en tête dans 76 départements, le néo-souverainisme ne fait plus vraiment peur. Macron aurait tort de parier sur sa diabolisation permanente dans une époque où la décomposition sociale a plus de force que la décomposition politique.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef