Pour Laurence Taillade, présidente de Forces Laïques, la conférence de presse d’Emmanuel Macron devant un parterre de près de trois cents journalistes, ce jeudi 25 avril, reflète le manque de vision politique d’un président qui n’a pas pris la teneur des attentes et des défis.
Cinq mois. Il aura fallu cinq mois de débats, pour un coût de 12 millions d’euros pour ce bien triste résultat.
Cette insoutenable attente, doublée de samedis destructeurs, voir ravageurs, aura accouché d’un saupoudrage de mesurettes catégorielles, une succession d’annonces sans grande ambition, à la teneur démagogique plus qu’efficace, mais avec un coût non maîtrisé, ni financé, de quelques 17 à 20 milliards pour notre budget.
Le Président n’a rien perdu de son habileté de communicant, mais n’aura rien appris de ces mois de consultation, rien entendu des revendications d’urgence sociale, fiscale et de crise institutionnelle.
Il ne voit que « sentiment » d’abandon, de manque de considération, d’injustice, quand son arrogance et celle des membres du gouvernements ont choqué à tous les niveaux, quand le décrochage entre les élites -dont il est le symbole- et le peuple devient une lutte, quand la fracture territoriale est telle que se soigner, accoucher, faire une démarche administrative devient une punition.
Non, il n’a rien vu, rien compris. Il renvoie aux calendes grecques les décisions, à d’autres la responsabilité.
Son discours reprend en quatre points le déroulement de l’acte deux de son quinquennat, avec des mesures floues, trop révélatrices de son manque de vision politique.
Il veut changer la démocratie, réorganiser notre pays, simplifier son administration, mais sans jamais dire comment, si ce n’est nous resservir la réforme constitutionnelle que l’affaire Benalla avait, bien heureusement enterrée. Alors que nos concitoyens se plaignent d’un éloignement de leurs élus, il veut supprimer 30% des parlementaires. Non seulement il s’agit d’une mesure démagogique dont les économies sont discutables, mais, en plus, il éloigne un peu plus les parlementaires du terrain qu’ils ne pourront pas sillonner, des électeurs qu’ils ne pourront pas rencontrer. Pire, cette réforme risque d’être fort périlleuse sur le plan constitutionnel, portant au-delà des 10% la différence en nombre d’électeurs entre les circonscriptions les plus denses et les moins denses démographiquement.
Sa vision de la démocratie s’inscrit, manifestement dans le tirage au sort de citoyens tenus de siéger au CESER, instance touchant à l’inutilité la plus totale, pour faire des propositions aux parlementaires, qu’il discrédite au passage, donnant mandat aux uns, sans passer par les urnes, le retirant, aux autres, qui en sont issus… Tout en écartant l’obligation de vote et le vote blanc, seuls à mêmes de redonner une totale légitimité aux parlementaires, puisque les contestations s’appuient, aujourd’hui, sur les faibles taux de participation lors des scrutins.
Monsieur Macron nous propose un nouveau pacte territorial, un nouvel axe de la décentralisation, sans vraiment décrire son projet : suppression d’une des couches du millefeuille territorial, nouveau statut des maires ? Nul n’a vraiment compris…
Ensuite, il nous apprend qu’il veut remettre de l’humain et de la justice au cœur de sa politique, en baissant les impôts des classes moyennes qui, il est juste, supportent le gros des prélèvements sur le revenu. Mais les classes les plus pauvres, celles qui ne payent pas d’impôts, devront se contenter de mesures de charité, comme la prime d’activité, qui ne s’inscrivent ni dans le temps, ni dans les futures retraites… Retraites qui devront attendre 2020 pour être réindexées, pour celles de moins de 2000 €… Pas un mot sur une TVA remaniée, plus juste, abaissée sur les produits de première nécessité, les moins polluants et issus d’entreprises aux normes socialement responsables.
Rien sur le handicap… Pas un mot sur une réforme de la fiscalité sur les salaires, à l’embauche. Rien sur l’augmentation des salaires, tant attendue, justement attendue. Si l’on veut gagner plus, il faudra travailler plus -pour bénéficier des heures défiscalisées- et plus longtemps pour prétendre à une retraite à taux plein.
Concernant le climat, ce sont 250 citoyens tirés au sort qui décideront, dans une grande convention citoyenne. 250 personnes tirées au sort pour jouer le rôle des parlementaires ayant reçu mandat… Le gouvernement est à cour d’idées ou tellement effrayé qu’il renonce à exercer sa mission ?
Enfin arrive la trame de la permanence du projet français. Et là, la surprise est énorme. Alors qu’à l’été dernier, il était urgent de modifier la loi de 1905 pour lutter contre l’islamisme, le communautarisme, Emmanuel Macron réaffirme son importance, veut la renforcer par la fermeté, dans les écoles, les lieux de cultes, en fermant ceux qui s’en détournent ! Il devient soudainement possible de lutter contre les financements étrangers, les dérives communautaristes par d’autres moyens. Il faut croire que les interpellations diverses, dont j’ai été, on fini par porter leurs effets… Mais alors, que va devenir l’observatoire gouvernemental de la laïcité, celui dirigé par Monsieur Bianco, celui qui couvre les dérives communautaristes en prétendant que la France n’a pas de problème avec la laïcité, soutient les accompagnatrices voilées en sorties scolaires, et s’accoquine avec les tenants de la lutte contre l’islamophobie et avec qui il co-signe des tribunes ? La logique voudrait que cette équipe incompétente soit liquidée avec cet organisme inutile, et remplacée par une délégation interministérielle.
Enfin, il a eu quelques mots sur l’immigration, des poncifs, eu égard à la politique menée nous conduisant à des camps sauvages partout, un taux inédit de non reconduite aux frontières des migrants illégaux, ce qui fait de notre pays non pas une terre d’asile -l’inhumanité des conditions d’accueil nous ôte toute prétention à l’être- mais un marché juteux pour les passeurs et les marchands de rêve en tous genres qui exploitent la misère humaine. Nous n’avons pas vocation à accueillir tous ces immigrés, mais à les aider à se maintenir et se développer chez eux.
Il reste un goût amer au soir de cette première conférence de presse du chef de l’Etat. Le goût de l’inachevé, le manque de sens. L’ambition n’était pas au rendez-vous, cette seconde moitié du quinquennat risque de nous sembler bien longue.
Laurence Taillade
Présidente de Forces Laïques