Dans un contexte de conflit social grave et face à la désinvolture de la parole politicienne, Eric Cerf-Mayer se demande où est passé l’esprit de Noël.
Singulière fin d’année vécue comme le calme trompeur de l’oeil du cyclone ou l’accalmie avant la tempête… Les médias attendent beaucoup des voeux de fin d’année qui seront prononcés par le chef de l’Etat et les ont déjà qualifiés sans même en connaître la teneur de paroles d’apaisement… Cette attente contraste avec le silence et l’absence de message aux chrétiens de France à l’occasion de Noël tant invoqué pour fustiger la paralysie des transports et le mouvement de grève qui perdurent à deux jours du nouvel an.
Alors cet esprit de Noël et cette trêve qui n’a pas eu lieu, c’est sans doute dans le coeur des Françaises et des Français qu’il faut aller le chercher, eux qui gardent leur sang froid et ont trouvé les moyens de rejoindre leurs proches à l’occasion des fêtes, ceux qui subissent les désagréments pour rejoindre leur lieu de travail quotidiennement mais qui sont assez généreux pour contribuer aux cagnottes de soutien aux grévistes et qui assistent au pourrissement d’une situation ou tout est paradoxe et discours de plus en plus confus… Car comment interpréter le reproche de crime imputé à leur République au sujet de la période coloniale, prononcé il est vrai devant un parterre de jeunes Africains, sans beaucoup de recul sur l’histoire (les têtes coupées sur les remparts des cités des rois du Dahomey, prises d’assaut par les soldats de la IIIe République par exemple, les populations d’esclaves raflées par des caravanes ou vendues par des roitelets sans scrupule sur la côte et embarquées par une petite porte sur l’île de Gorée pendant des décennies, à destination des plantations du nouveau monde bien avant la Révolution), ou encore comment entendre un ministre exonérer un ancien collègue coupable de malversation avérée (« il n y a pas eu mort d’homme… ») sans se poser la question de la désinvolture de la parole politicienne, sur fond de conflit social grave et qui s’inscrit dans la durée ?
L’esprit de Noël et de trêve réside-t-il dans le chiffre effrayant de 2 500 « gilets jaunes », la taille d’un village entier, blessés lors des manifestations qui ont ponctué les fins de semaine d’une longue année de confusion ? Réside-t-il dans les concessions accordées à la hâte aux professions susceptibles d’embarrasser encore plus les défenseurs d’une promesse de campagne mal portée par ses défenseurs ? Certes non ! Qu’attendre à l’aube de 2020 et que souhaiter à une France qui aspire à se retrouver et à l’apaisement nécessaire pour ne pas déraper dans le tournant de l’année nouvelle ? Du bon sens, de la pudeur et du respect vis-à-vis des habitants d’un pays aux traditions et à l’histoire si longues, si riches et si nobles. Puisse l’esprit de Noël réellement souffler un peu d’humilité et d’empathie pour ceux qui souffrent dans l’esprit des responsables de la situation présente.
Eric Cerf-Mayer