Pour Bernard COHEN-HADAD, Président du cercle de réflexion Etienne Marcel, une approche plus pragmatique de nos institutions, du principe de précaution et de la transposition des normes européennes est nécessaire pour résister aux tentations du court terme contre l’État de droit.
Plusieurs débats enflammés de l’été – loi DUPLOMB, rétention des étrangers dangereux… – nous invitent à nous interroger sur l’importance de nos institutions et des principes qui fondent notre République. Alors que les algorithmes des « ingénieurs du chaos » font monter la température de nos débats politiques, pour cliver, engager et mobiliser un maximum des « fâchés » de toutes sensibilités, à un moment où le sentiment de frustration et la recherche de solutions immédiates sont omniprésents, il est plus que jamais crucial de ne pas céder aux sirènes de la démagogie et du court terme. Attaquer nos institutions, comme le Conseil constitutionnel, ou mal interpréter les principes qui nous guident, comme le principe de précaution, sont des jeux dangereux qui, à terme, pourraient affaiblir notre démocratie et, partant, notre prospérité. Il est donc temps de défendre avec force nos institutions, à condition bien sûr que leurs pratiques soient défendables et donc pragmatiques, c’est-à-dire strictement nécessaires, adaptées et proportionnées aux besoins des Français.
Un rempart démocratique vis-à-vis de nous-mêmes
Le Conseil constitutionnel est souvent perçu comme un frein à l’action politique, gouvernementale et parlementaire. Mais il est une garantie essentielle de l’État de droit. Sa mission n’est pas de bloquer les réformes, mais de s’assurer qu’elles respectent la Constitution et les droits fondamentaux de chaque citoyen. Sans son contrôle, un Gouvernement pourrait être tenté de contourner les règles, d’imposer des lois contraires aux principes de la République ou de bafouer les libertés individuelles. N’oublions pas qu’un tel Gouvernement est possible, pour ne pas dire probable, dans les prochaines années.
Ce gardien de la Constitution nous protège des dérives potentielles et des excès de pouvoir. Il est le socle sur lequel repose notre démocratie. Attaquer le juge constitutionnel, c’est mettre en péril la stabilité de nos institutions et le respect des droits de tous. C’est sûrement une tentation du moment, dictée par la difficulté de faire passer certaines réformes. Mais c’est un affaiblissement de notre État de droit que nous pourrions regretter amèrement dès demain. La sécurité juridique et la protection des citoyens ne sont pas des obstacles, mais des piliers de notre société.
Du bon usage équilibré du principe de précaution
La Charte de l’environnement, avec son principe de précaution, est une avancée majeure qui traduit l’engagement de la France à protéger son patrimoine naturel et la santé de ses citoyens. Cependant, l’application de ce principe doit rester équilibrée et ne pas se transformer en un obstacle systématique à l’action et à l’innovation.
Un excès de précaution engendre en effet une forme de paralysie. Des projets nécessaires et innovants, qu’il s’agisse d’infrastructures, de technologies ou d’avancées scientifiques, peuvent être bloqués par une interprétation trop extensive de ce principe. Il est alors essentiel de s’assurer que son application est strictement nécessaire, adaptée et proportionnée aux risques réels. Il ne s’agit pas de nier les enjeux environnementaux, mais de faire la part des choses : protéger l’environnement d’un côté, et de l’autre, encourager l’innovation et le progrès qui sont deux moteurs de notre société. Un équilibre subtil est à trouver pour ne pas sacrifier notre avenir au nom d’un excès de prudence qui n’aurait pour seul effet que de nous immobiliser.
Transposition et compétitivité
Si l’application des normes est un sujet central, leur transposition l’est tout autant. La surtransposition des directives européennes est un fléau pour notre économie et nos entreprises. Le problème n’est pas Bruxelles, mais la manière dont la France met en œuvre ses obligations. En ajoutant des couches de contraintes supplémentaires qui ne sont pas exigées par les textes européens, nous ne cessons d’empiler les désavantages concurrentiels.
Ces charges administratives et réglementaires, qui s’ajoutent inutilement, pèsent sur la compétitivité de nos entreprises, les étouffent et les empêchent de se développer pleinement. Il est grand temps d’adopter une approche plus pragmatique. Transposons toutes les normes européennes, bien sûr, mais rien que celles-ci ! Faisons le strict nécessaire. Cette discipline ne relève pas d’une logique de repli, mais d’une saine gestion de nos intérêts nationaux et d’une volonté de redonner de l’air à notre économie. Il s’agit de redonner de la confiance à ceux qui entreprennent et innovent, en leur évitant un surcroît de bureaucratie qui n’a pas lieu d’être.
Bernard COHEN-HADAD
Président fondateur du think tank Étienne Marcel
Président de la CPME Paris Île-de-France
Auteur de « L’avenir appartient aux PME » (Dunod, 2024)