L’hôpital produit le bien le plus essentiel qui soit : la santé. Un bien qui ne se monnaye ni se calcule, au contraire d’une entreprise qui, elle, est basée naturellement sur le profit. Les abandons de lits, la surcharge administrative imposée aux médecins, qui, soit dit en passant, ont d’autres choses à faire, n’est pas la solution au sein d’une société qui, en raison de l’allongement de la vie, connait et connaîtra de plus en plus de malades en affection longue durée.
« L’art de la médecine consiste à distraire le malade, pendant que la nature le guérit. » (Voltaire)
Quel que soit le moment de notre vie, nous avons été, sommes et serons des patients en puissance. Patients, mais pas passifs ! Notre système de santé est à l’agonie et en état d’urgence absolu comme le déclare Arnaud Robinet, président de la Fédération Hospitalière de France, « la situation de crise ne touche pas seulement l’hôpital, ajoute-t-il, mais concerne bien l’ensemble du système de santé ». En écho à cette prise de conscience pour sauver un système de santé qui n’est plus que l’ombre de lui-même, a été créé « Électrochoc » un collectif né à la suite des retombées médiatiques de mon essai intitulé « Pénurie de soignants, l’enquête choc ! » 1
À chacun de nous de relever les défis.
Bas salaires 2 des personnels, gardes qui succèdent à des journées déjà lourdes, pénurie de médecins dans certaines spécialités, déserts médicaux, dépendances étrangères en matière pharmaceutique et, chose impensable, plus de 6 millions de Français n’ont toujours pas de médecins traitant !
À ce rythme-là, nous allons tout droit dans le mur.
La France est une nation à la traîne de bon nombre de pays, à commencer par les Européens qui paient mieux leurs médecins et soignants 3 et le monde de la santé est confronté à de gigantesques enjeux qui touchent notre vie quotidienne d’une manière ou d’une autre. Loin d’être corporatiste, « Électrochoc » est un Collectif ouvert à toutes les personnes qui veulent réfléchir et agir. Il regroupe en son sein des professionnels de santé (ville et hôpital) mais aussi des usagers issus de tous horizons.
L’intention n’est rien de moins qu’une réflexion raisonnée sur un système qui a atteint la cote d’alerte et ambitionne de mettre en commun des actions pragmatiques touchant à notre quotidien.
Mais au-delà de cette volonté citoyenne, nous entendons porter plus haut et plus loin la voix de ce collectif, autrement dit sensibiliser les décideurs de ce pays, ce qui n’est guère une sinécure. C’est le prix pour retrouver une qualité de soins qui fut une marque d’excellence française, aujourd’hui dangereusement menacée. Aussi avons-nous pris la décision de lancer dans les prochaines semaines, une tribune largement accessible au public par l’intermédiaire de la grande presse. D’ores et déjà elle bénéficie de l’appui d’une centaine de signataires, voix majeures du monde de la santé.
Prendre en compte l’ensemble de la chaîne de soin.
« Pénurie de soignants, l’enquête choc ! » est une étude qui ne s’est pas focalisée uniquement sur le système purement hospitalier, mais bien sur une réflexion plus large incluant la médecine de ville et le paramédical, car la richesse de notre système de santé repose aussi bien sur la médecine privée que la médecine publique.
Les secteurs, loin d’être concurrentiels sont nécessaires dans un pays où l’on peut choisir son médecin. Il n’empêche.
Ce qui aujourd’hui nous paraît normal risque de devenir l’exception si le système de santé est géré comme une entreprise privée dont le but est de faire du profit. Pour éviter une telle dérive, il faut une vraie volonté politique à la hauteur des enjeux. Pour cela, il est indispensable d’amorcer de profondes réformes structurelles, quitte à se – heurter à de nombreuses résistances, qu’elles soient corporatistes ou idéologiques. Voilà des années que les médecins et aujourd’hui les plus jeunes, sensibilisés aux méfaits de la mondialisation médicale 4 en arrivent malheureusement à se dire que tout est fait dans ce pays pour renforcer une médecine à deux vitesses.
Débat sur la « fin de vie » : avancée ou cache-misère ?
Le débat qui agite l’Assemblée Nationale sur la fin de vie n’est pas anodin. Si un travail de réflexion doit être poursuivi sur cette question délicate, il n’en reste pas moins que ce débat fait remonter à la surface l’épineuse question des soins palliatifs, un secteur particulièrement orphelin du système médical français. Constatations toutes relatives car, pour l’essentiel, les observateurs s’attachent à éviter soigneusement cette question, mettant sous le tapis tout ce qui pourrait être « gênant » à dire. Les crédits pour créer de nouveaux soins palliatifs sont dérisoires pour ne pas dire insultants. Comparé à nos voisins européens, nous faisons figure honteuse.
Et pourtant, soulager n’est-il pas la fonction même du médecin ?
En l’occurrence, soulager les personnes aux marches d’un ailleurs qui nous appellera tous tôt ou tard. Les soins palliatifs sont partie intégrante de nos préoccupations au sein du Collectif.
Conclusions
La santé est le bien le plus essentiel qui soit. Un bien qui ne se monnaye ni se calcule. Les abandons de lits, la surcharge administrative imposée aux médecins, qui, soit dit en passant, a autre chose à faire, n’est pas la solution au sein d’une société qui, en raison de l’allongement de la vie, connait et connaîtra de plus en plus de malades en affection longue durée.
Dr Murielle Mollo 5
- « Pénurie de Soignants, l’enquête choc ! », édition Anfortas, 2023. A plusieurs reprises, CNews a largement fait écho de cet essai. ↩
- Les salaires des soignants en France est l’un des plus bas en Europe. Nous sommes derrière le Portugal. ↩
- Le prix de la consultation en France est très bas. Il faut y inclure les charges et taxes fiscales inhérents à un cabinet médical. Pour comparaison la consultation en Espagne est de 50 € alors qu’il était jusqu’à présent de 26,50 €en France (négociations conventionnelles en cours à l’heure où ce papier paraîtra, pour un tarif passant à 30 €). ↩
- La France prise au piège de la mondialisation qui la rend dépendante dans bien des domaines, subit de plein fouet la dépendance pharmaceutique notamment par une désindustrialisation au profit de puissances telles que la Chine. ↩
- Spécialisée en médecine vasculaire, chercheuse en recherche clinique, Murielle Mollo est l’auteure de nombreuses publications scientifiques nationales et internationales et a signé à ce jour trois romans dont le dernier en date « Aventurières insoumises » évoque la douloureuse question des enfants de la Seconde Guerre (éditions Anfortas, 2024). Murielle Mollo est membre de Zone Libre, think-tank international coordonné par Michel Dray ↩