La séquence semble se répéter : à l’instar de la crise Covid, la crise énergétique a elle aussi son conseil de défense. Réuni le 2 septembre à la demande du Président de la République, ce dernier a pour objectif de faire face à la pénurie de gaz et d’électricité qui s’annonce pour cet hiver. Gouverner avec un conseil de défense et en situation d’urgence semble devenir un mode normal de gouvernement pour Emmanuel Macron. Contrairement aux promesses d’un dialogue renouvelé, la nouvelle méthode de gouvernement paraît s’appuyer sur trois piliers : opacité, irrespect des institutions républicaines et manque de vision à long terme.
Au lendemain de sa réélection, Emmanuel Macron nous avait promis une nouvelle méthode de gouvernement afin de répondre aux enjeux de son quinquennat. L’attente d’un renouveau démocratique et d’un dialogue accru a été vite déçue. Ce début de quinquennat semble marquer un retour à la situation de la crise sanitaire : Emmanuel Macron se croît en état d’urgence permanent. Il oublie que l’Etat d’urgence sanitaire a été aboli par le Parlement cet été. Même si l’on ne peut nier l’existence de crise, notamment la crise énergétique, il n’y a pas d’état d’urgence. Agir comme tel est une manière de stresser les situations et de justifier le recours à des mesures d’exception. En utilisant des formules aussi dramatiques que « la fin de l’abondance et de l’insouciance » et en ayant recours à un conseil de défense, Emmanuel Macron tente de montrer qu’il est à la hauteur de la crise énergétique et qu’il en prend toute la mesure.
C’est donc avant tout une méthode de communication, avant d’être une méthode gouvernementale.
Néanmoins, nous faire croire que l’action du gouvernement répond à une situation d’urgence plutôt qu’à une crise pose un grave problème démocratique. Le recours à un conseil de défense de l’énergie, comme au CNR (Conseil National de la Refondation), constitue un véritable détournement de nos institutions républicaines et démocratiques. Le Parlement a été créé pour organiser un débat autour des enjeux nationaux – et le sénat a programmé un débat sur l’énergie début octobre, en garantissant que le consensus trouvé soit représentatif de la diversité d’opinion des Français. Un conseil opaque composé uniquement de ministres fait fi de la démocratie représentative, et les décisions prises au sein d’un tel conseil ne peuvent en aucun cas prétendre répondre aux attentes de tous les Français.
Lorsque Mme Aurore Bergé, chef de file des députés Renaissance, déclare que le Conseil national de la Refondation, est une « instance complémentaire » du Parlement, elle nie l’essence même de l’institution dont elle fait partie et méprise au surplus la troisième chambre prévue par la Constitution. Sous couvert d’efficacité, le Président de la République normalise l’utilisation de méthodes de gouvernement faites pour être utilisées à caractère exceptionnel. Tout cela fait de lui l’unique décisionnaire et interdit tout contre-pouvoir véritable. A une crise, on répond dans le Veme république par une réunion interministérielle dont les conclusions sont écrites et actées. Sauf que le Président de la République n’en est pas. Or Jupiter montre encore la considération qu’il a pour la fonction de Premier ministre.
Se croire en état d’urgence énergétique révèle également l’impréparation et le manque de vision à long terme pour notre pays de ce gouvernement depuis toujours.
Certes la crise énergétique peut être imputée en partie à la guerre en Ukraine. Néanmoins, il faut garder en tête que les difficultés d’approvisionnement en électricité sont également dues à l’indisponibilité de notre parc nucléaire : trente-deux réacteurs sont à l’arrêt pour cause d’un mauvais entretien. Cet abandon de notre parc nucléaire français et le manque d’investissement dans ce domaine depuis des années se révèlent dramatiques. Cette politique met en danger notre souveraineté énergétique. Cette dernière se révèle essentielle à présent tant notre dépendance à la Russie nous met en difficulté aujourd’hui. Le poids de cette impréparation sera encore une fois payé par les ménages et les entreprises, à qui Mme
Pannier-Runacher a demandé de se préparer à des « mesures contraignantes ». Gouverner c’est prévoir, et c’est manifestement un échec dans le domaine énergétique.
Le recours à toutes ces mesures d’exception, en particulier les conseils de défense à répétition, peut nous faire craindre un quinquennat sous « haute » tension ( mais pas électrique…). Il faut à tout pris que les institutions républicaines qui font la force de notre pays soient remise au centre du processus décisionnaire. La politique énergétique menée par Emmanuel Macron lors de son premier quinquennat pèse lourd dans le porte-monnaie des Français. Sans débat parlementaire véritable, cette politique continuera et il est fort à parier que les conséquences sur le quotidien de nos concitoyens soient toujours plus difficiles. Distribuer de l’argent vite devient la seule boussole alourdissant notre dette. La crise des dettes obligataires qui s’annonce permettra cependant la création d’un conseil de défense financier !
Jérôme Bascher
Sénateur, Conseiller départemental