Pointant la fréquence et l’inopportunité des grèves SNCF, le Président fondateur du think tank Etienne Marcel plaide pour l’instauration d’une véritable obligation de service minimum, avec un pouvoir de réquisition et un pouvoir de sanction.
Je déplore très vivement les conséquences négatives de la grève catégorielle des contrôleurs de la SNCF, initiée par les syndicats CGT et SUD Rail, qui viennent de forcer plus de 150 000 personnes à renoncer à leurs projets de déplacements les 16, 17 et 18 février. D’abord pour les vacanciers et les familles. Ensuite pour les nombreux acteurs économiques dont l’activité dépend du tourisme et des vacances.
Tous impactés
Je regrette aussi les conséquences pour l’image de marque de la SNCF, tant la très haute fréquence des grèves – 30 millions de jours de travail auraient été perdus entre 1947 et 2022 ! – relève d’une culture d’entreprise manifestement abusive. Ainsi cette première grève des contrôleurs pourrait-elle être répétée dans les prochains jours par une grève des aiguilleurs… Et pourquoi pas ensuite des conducteurs, des techniciens, des planificateurs, des ingénieurs ?
Dans un secteur ferroviaire désormais ouvert à la concurrence, ces actions ne vont pas dans le sens de la valorisation d’une marque fiable et moderne auprès des utilisateurs particuliers ou professionnels.
Les contribuables sont également impactés puisque chaque jour de grève coûte environ 20 millions d’euros et que la SNCF reste, in fine, une société à capitaux publics. Attention, plus largement, à ne pas faire du chantage au conflit social dans tous les secteurs une nouvelle discipline olympique à l’approche des JOP de Paris 2024 et alors que la réduction des dépenses publiques est plus que jamais indispensable.
Panne de confiance
Je désapprouve enfin cette grève car elle contribue à saper la confiance des Français qui s’engagent en faveur des mobilités propres en choisissant de faire confiance au transport ferroviaire. Que pensent ceux qui se retrouvent régulièrement sans solution de remplacement aérienne depuis le décret du 23 mai 2023 interdisant les vols en cas d’alternative ferroviaire de moins de 2h30 ? Que la politique écologie menée est punitive et sans alternative !
S’il est souhaitable d’augmenter les salaires et de mieux partager la valeur dans les entreprises, ce n’est pas toujours possible.
Mais, en l’occurrence, cela a déjà été fait à la SNCF. Le dialogue social y est plutôt fructueux. Une prime de partage de travail de 400 € a déjà été versée en décembre, avant une nouvelle prime du même montant en mars, et bientôt une revalorisation de l’indemnité de résidence… Pour paraphraser Maurice THOREZ, lorsque la satisfaction a d’ores et déjà été largement obtenue, il aurait même fallu savoir ne pas lancer une grève !
Fixer une limite
Le droit de grève n’est pas illimité. Si je respecte le droit de grève des salariés, je tiens à souligner que la liberté d’aller et venir, la liberté d’accès aux services publics, la liberté du travail, la liberté du commerce et de l’industrie, ou encore le droit de mener une vie familiale normale, sont des libertés tout aussi fondamentales et des principes à valeur tout aussi constitutionnelle que le droit de grève.
L’une des limites au droit de grève est la continuité du service public, principe de valeur constitutionnelle fondé sur la nécessité de satisfaire – en permanence – certains besoins d’intérêt général.
De nombreux agents publics ne disposent pas du droit de grève : militaires, policiers, gendarmes, magistrats, etc. D’autres professions disposent d’un droit de grève mais limité, ou restreint, par le service minimum : contrôleurs aériens, personnel hospitalier, employés des transports, etc.
Toutefois, c’est à tort qu’est parfois évoquée l’existence d’un « service minimum » dans les transports ferroviaires. Aujourd’hui, ce service n’existe pas. La loi du 21 août 2007 sur « le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs » n’impose aux grévistes qu’une simple obligation de se déclarer 48 heures à l’avance, pour permettre aux opérateurs de transports de réagir en proposant une offre réduite. C’est pourquoi il faut maintenant prendre de toute urgence une initiative législative pour faire évoluer la loi du 21 août 2007, de sorte d’instaurer une véritable obligation de service minimum, avec un pouvoir de réquisition et un pouvoir de sanction. Et je crois que le plus tôt serait le mieux, afin de mettre définitivement les JOP de Paris à l’abri des intimidations et des chantages.
Bernard Cohen-Hadad