Après les massives et violentes revendications indigénistes du printemps, après la période d’ensauvagement des délinquants issus des banlieues ethnicisées qu’ont connu les villes de province durant l’été, les attentats terroristes de Paris, de Conflans ou de Nice tracent les contours de cette guerre « hors limites » qu’est la guerre civilisationnelle qui oppose l’islam radical à l’Occident libéral. Une guerre que l’Occident dans sa globalité, et la France d’Emmanuel Macron en particulier, ne sait pas mener. D’où cette interrogation : Pourquoi l’entrée dans les guerres du XXIe siècle est-elle si laborieuse ?
Il faudrait presque y consacrer un essai tant les raisons de l’affaiblissement de la Modernité occidentale sont légion. Nous pointerons uniquement la principale, qui concerne la nature civilisationnelle des guerres contemporaines, et principalement de celle que l’islamisme livre à la France depuis des années sans que les dirigeants français n’en comprennent la teneur.
La grande erreur commise depuis 2015 – et, à vrai dire, même depuis septembre 2001 – a été l’enfermement sémantique caractéristique de la « guerre contre le terrorisme » dont chaque gouvernement, pour ne pas dire chaque responsable politique, a fait état à un moment ou un autre. Mener, et gagner, une guerre, suppose d’identifier correctement l’ennemi, et le « terrorisme » n’a jamais été l’ennemi. Il ne pouvait pas l’être. Le terrorisme est un moyen, une forme de la guerre, une tactique utilisée par cet ennemi géopolitiquement insignifiant qu’est l’islamisme afin de projeter à moindre coût sa volonté de puissance sur un territoire extérieur, en l’occurrence, l’Europe.
Guerre dont il est important de noter qu’elle est essentiellement psychologique : peu de morts mais beaucoup d’écho médiatique.
D’où la dimension contre-productive des émotions, des fleurs, des bougies et des commémorations qui ne font qu’acter l’emprise de l’ennemi sur l’Occident : « Le recours à la force ne vise plus à détruire un ennemi, écrivent Arnaud Lagrande et Jean-Marc Balancié dans Les guerres bâtardes, Comment l’Occident perd les guerres du XXIe siècle, mais à le convaincre de l’inutilité de poursuivre le combat. […] Tous les moyens sont bons pour affecter son moral : l’action militaire, essentiellement de basse intensité, mais aussi le terrorisme, la guerre psychologique, la désinformation, la propagande, l’élévation des coûts, tant financiers qu’humains. »
En ciblant directement et uniquement l’islamisme, acceptant ainsi d’enjamber pour une part les barrières politico-morales qui ont longtemps rendu cette dénonciation impossible, la classe politique a fait un pas en direction d’une réelle qualification de l’ennemi. Le pas suivant a été franchi lors de l’assassinat de Samuel Paty, qui a provoqué une très forte prise de conscience à la fois dans l’opinion et dans la sphère politico-médiatique – indigénistes du type LFI exclus.
L’attentat dans la basilique Notre-Dame de Nice – comme un écho à celui qui avait coûté la vie au Père Hamel quatre ans plus tôt – a confirmé cette prise de conscience : liberté, laïcité et christianisme sont principalement visés ; en un mot : « la civilisation française », ou « civilisation européenne » tel qu’on a pu le lire dans un récent tweet du parti Les Républicains. La réappropriation du « choc des civilisations », longtemps banni du débat public « bon teint », semble proche. Or, cet élément conceptuel est le maillon essentiel qui pourrait enfin permettre à l’Occident de ne plus perdre les guerres du XXIe siècle, car les gagner suppose de comprendre préalablement leur nature civilisationnelle.
Samuel Huntington écrit : « Dans ce monde nouveau, les conflits les plus étendus, les plus importants et les plus dangereux n’auront pas lieu entre classes sociales, entre riches et pauvres, entre groupes définis selon des critères économiques, mais entre peuples appartenant à des entités culturelles différentes. » Le hic ? Emmanuel Macron, qui est pourtant Chef de l’Etat et des armées, ignore la portée du paradigme civilisationnel. Pire, il s’en défie. Il y voit – ce qui n’est pas complètement faux – une notion à même d’ébranler tout son corpus idéologique libéral.
C’est ainsi qu’il rechigne, lorsque la France est attaquée, lorsqu’il rend hommage à Samuel Paty, à évoquer autre chose que la défense de la « République », réduisant une civilisation pluri-centenaire à un régime politique.
La politique d’Emmanuel Macron, malgré les mesures engagées et celles en prévision, n’est donc toujours pas en mesure de défendre la France. Celle-ci va donc continuer de compter ses morts, et de verser dans un basculement civilisationnel islamique inexorable.
Si l’incapacité de la macronie à penser le « fait civilisationnel » est patente et paralysante, elle n’est pas exclusive. Ils la partagent, disons-le, avec une large partie de la classe politique, RN compris, tous continuant de parler d’islamisme, c’est-à-dire d’islam politique, sans parvenir à identifier la menace plus concrète, diffuse et profonde, de l’Islam en tant que socle civilisationnel à prétention hégémonique. Nos responsables politiques pensent de façon binaire : islam religieux / islam politique, alors que la solution héritée du paradigme culturel défini par Huntington est ternaire : islam religieux / islam politique / islam civilisationnel. Ce troisième terme est en effet la clef de tout le problème. Car, dépouillé de sa perspective civilisationnelle, le terrorisme islamiste perd sa raison d’être, et il devient alors possible de l’éradiquer.
A l’inverse, espérer combattre le terrorisme sans neutraliser auparavant l’enjeu civilisationnel est un leurre, car l’objectif des islamistes n’est pas de tuer des chrétiens dans les églises, ou des professeurs dans la rue, ces meurtres ne sont qu’un moyen de mener la guerre, d’exercer « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter sa volonté », pour paraphraser Clausewitz. La volonté islamiste ? Dominer la civilisation française, soumettre le peuple français de culture chrétienne à un ensemble de règlementations islamiques. Etendre le socle civilisationnel islamique à la France, fille ainée de l’Eglise et pays des Lumières, puis à l’Europe. Exercer une domination métapolitique culturelle – pour utiliser la thématique gramscienne – afin de préparer le terrain à une domination politique future. Aujourd’hui, à peu près rien n’empêche ce projet funeste de se réaliser.
Frédéric Saint-Clair
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