Battue mais pas vaincue. Après la gifle infligée par les oppositions, lundi 11 décembre lors du vote de la motion de rejet préalable au projet de loi immigration portée par le ministre de l’Intérieur, la chef du gouvernement a décidé de reprendre le dossier en main. Après les déjeuners de la place Beauvau, place désormais aux rencontres de Matignon.
Depuis l’annonce de la mise en place d’une commission mixte paritaire (CMP), la Première ministre multiplie les entrevues avec les trois mousquetaires des Républicains, Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix afin d’aboutir à une CMP dite “conclusive”. La tâche s’annonce rude. Elisabeth Borne en a conscience. Les deux premières rencontres n’ont pas été fructueuses.
Les Républicains ne sont pas prêts à renoncer aux lignes rouges qu’ils ont tracées. Le texte du Sénat, rien que le texte du Sénat.
La locataire de Matignon ne désespère pas pour autant. Les discussions devraient reprendre dimanche soir entre les deux partis.
En attendant, Elisabeth Borne tente de solidifier sa majorité. Avec cette CMP, l’exécutif sait qu’il joue à l’extérieur. Dans les colonnes du Figaro, Bruno Le Maire, son numéro deux, appelle la majorité à reconnaître sa défaite et supplie Les Républicains de faire preuve de “mansuétude » pour faire adopter le texte. Un ton assez différent du côté de Matignon qui réfute l’idée d’échec de la majorité préférant rejeter la faute sur les oppositions qui ont “refusé le débat parlementaire”. La Première ministre s’est donc entretenue avec les cadres de sa majorité afin de pouvoir s’accorder sur les bougés possibles. En raison des divisions internes, Les Républicains ne sont pas des partenaires toujours fiables. Elisabeth Borne a encore le souvenir d’une réforme des retraites où le deal passé avec l’état major de la droite a failli tourner au fiasco. La chef du gouvernement souhaite avant tout préserver l’unité de sa majorité. Toutefois, Elisabeth Borne arrivera-t-elle à sauver ce projet de loi en maintenant cette position d’équilibre ?
“Faire du “En même temps” sur un sujet tel que l’immigration, c’est la quadrature du cercle” confiait un membre de la majorité. Pour réussir Elisabeth Borne devra accepter de perdre. Mais à quel prix ? Comment faire avaler le texte des sénateurs jugé trop radical à l’aile gauche de sa majorité ? Comment faire accepter aux Républicains une régularisation des étrangers dans les métiers dits « en tension » ?
L’idée d’un “saucissonnage” du texte évoquée par la Première ministre a été très vite balayée par LR.
Les chances de réussite de cette CMP sont très maigres. Le scénario le plus probable à l’heure actuelle reste un retrait du texte.
Après l’échec de la méthode Darmanin, on parlera très vite de l’échec de la méthode Borne. Mais sont-ils réellement responsables de cette situation ?
Elisabeth Borne et son ministre de l’Intérieur démontreront tous deux leur incapacité à trouver des majorités sur des textes emblématiques. Ils endossent donc une responsabilité politique. Mais le premier responsable de ce blocage institutionnel se trouve en réalité à l’Elysée. Quelle que soit la personnalité choisie pour Matignon, si elle n’arrive pas à étendre cette majorité très relative, ce second quinquennat ne pourra pas réellement décoller.
En dépit des nombreuses initiatives lancées depuis sa réélection tel le Conseil national de la refondation ou les rencontres de Saint-Denis, et si le président de la République ouvrait enfin la voie à un nouveau moment de respiration démocratique ? Plus de la moitié des Français y sont favorables. La balle est désormais dans son camp.