Tous les quatre ans le premier mardi du mois de novembre, le monde entier se tourne vers les États-Unis et retient son souffle car au-delà de l’Atlantique se joue une bonne part de son destin. C’est valable aussi pour notre « cher et vieux pays » qui ne se remet toujours pas de la grenade dégoupillée un soir de juin 2024 à la suite d’élections européennes perdues par la macronie sur son déclin, au bout de sept ans de déceptions et de déni de la réalité dure et implacable du déclassement français.
Une dissolution, fruit hasardeux de la décision d’un Exécutif isolé et rattrapé par ses multiples erreurs d’appréciation, des élections législatives aboutissant à un blocage inédit de nos institutions avec l’absence d’émergence d’une majorité suffisante pour conduire une politique de réparation du gâchis occasionné par le leurre du « En même temps » et la disparition de convictions réelles au sein des ex-partis dits « de gouvernement », le lamentable spectacle d’une Assemblée nationale supposée représenter les aspirations du peuple souverain et se perdant inexorablement aux yeux de l’opinion dans des criailleries ineptes, la messe est dite sur la mort du cadre légué par le Général de Gaulle pour sortir la France de l’ornière de ses travers politiques ancestraux et corriger les dérives mortifères de la IVe République après le naufrage de la IIIe République en 1940.
Divisions et absence de cap clair, abandon d’une vision prospective et incapacité de rebond pour faire face à un monde en profonde reconfiguration où plus rien ne ressemble à ce qui constituait au sortir de la Deuxième Guerre mondiale le périmètre de nos possibles et de nos espérances de progression,
nous sommes à un tournant crucial et nous ne voulons pas le voir.
Il est vraisemblable qu’en 2027, le « cher et vieux pays » se réveillera de dix années de faux-semblants et, in fine, de recul de sa démocratie à cause des mauvais choix de ses dirigeants et de leurs erreurs de diagnostic accumulées depuis plus de quarante ans, et aussi de manque de courage collectif pour nommer les maux qui rongent notre société et secouer ce qui nous entrave depuis trop longtemps sans que la solution ne sorte des urnes tant notre système est arrivé en fin de course.
Un pays où on décapite les professeurs et où une partie de la classe politique, par calcul électoral se refuse à dénoncer clairement les ravages de l’islamisme agressif, qui se définit en mode de conquête totalitaire et s’attaque aux fondements sociétaux élémentaires, où des adolescents en perdition à peine sortis de l’enfance servent de supplétifs aux mafias de la drogue et sèment la terreur dans les cités de nos banlieues abandonnées à leur délabrement et à la ruine, incapable de faire face au dilemme d’une immigration incontrôlée et livrée à elle-même dans des tentes insalubres aux portes, sous les périphériques ou dans les parcs publics de ses métropoles ou de sa capitale,
voilà la toile de fond sur laquelle on prétend encore donner des leçons de bonne gouvernance au reste du monde… Accablé par une dette abyssale, bien loin de la « parenthèse enchantée » des Jeux Olympiques à Paris exaltée comme un événement inscrit pour les siècles des siècles dans l’histoire universelle, le navire France poursuit sa dérive en eaux troubles, sous le pilotage forcément précautionneux d’un Premier ministre de bonne volonté, à la merci du moindre écart de navigation hors de la voie ténue de l’expédition des affaires courantes et d’un minimum de traitement des embûches au quotidien, et pour combien de temps ? Tout indique une situation de dangereux sursis temporaire et de règne accru des déclarations d’intention jamais suivies d’effets face aux périls grandissants allant de l’insécurité alarmante au risque réel de faillite, alors que le pays profond aspire à des actes tangibles. Dans un climat de polarisation de plus en plus inquiétant, la seule chose qui augmente en France de temps immémoriaux dans les situations de crise, ce sont les impôts et les taxes, jamais la réflexion ou la recherche de solutions autres que celles de la facilité et de la résignation au pire, comme une fatalité liée à un manque de courage collectif et de lucidité dans la classe politique.
Il y a pourtant des enseignements à tirer de ce qui vient de se passer le 5 novembre 2024 aux États-Unis et non des moindres. Pour cela, il faudrait se libérer de l’atmosphère de nef des fous dans laquelle se complaisent la plupart des médias et les pseudo-élites qui forgent la doxa dominante en Europe, notre vieux continent incapable pour l’heure de se prendre en main afin de lutter contre son déclin face à l’alliance des Empires continentaux, Chine et Russie, et comprendre les intenses mutations en cours partout sur la planète, notamment avec le groupe des BRICS. Le récent sommet de Kazan a sonné le signal de l’effacement à terme de l’ONU qui s’achemine vers le sort de la SDN faute d’être à même de se réformer en profondeur et si décevante dans son action face au drame du Proche-Orient.
Le 47e Président des États-Unis, Donald Trump, revient à la Maison-Blanche, déjouant tous les pronostics de défaite claironnés en France par ceux qui refusent de voir les réalités en face et peignent le monde tel que dans leur dogmatisme imbécile ils voudraient qu’il soit et non tel qu’il se dessine en ce premier quart du 21e siècle. Sa victoire est sans appel puisqu’elle se prolonge aussi au Sénat et à la Chambre des Représentants et il faut la reconnaître pleinement et la saluer comme l’expression du vote souverain du peuple américain. Aussi éloigné soit-il du nôtre, le système électoral des États-Unis permet, au moins lui, l’émergence de réelle alternance et ne permet aucune manœuvre d’escamotage ou de barrage à l’expression du vote des électeurs. La frustration des perdants en 2020 a pu se traduire par l’assaut du Capitole et évoquer des images de putsch, pour autant elle n’a en rien empêché le Président Biden et son parti démocrate de donner la pleine mesure de leur politique adverse de celle des Républicains pendant quatre ans.
Aucune caricature ne nous aura été épargnée sur ces élections qui constituent un tournant majeur et un signal aussi de changement nécessaire dans nos logiciels d’appréhension de l’environnement international dans lequel nous allons devoir naviguer à compter du 20 janvier 2025. Le Parti démocrate a perdu ces élections et la « kamaliamanie » orchestrée hors des États-Unis par les « enfants » européens d’un wokisme mal digéré et sans nuance aucune ni regard critique sur ses excès et ses fautes impardonnables comme la résurgence de l’antisémitisme sous prétexte de défense des intérêts du peuple palestinien, n’a pu enrayer le retour de manivelle que constitue le « come-back » de Donald Trump en 2024 dans l’arène internationale et à la tête du pays qui reste une des locomotives incontournables du monde. On aura tout lu et tout écrit sur celui qui aura déjà été le 45e Président des États-Unis et en deviendra le 47e, adulé par les uns et vilipendé par les autres, ses provocations et sa façon de s’adresser sans fard directement à ses électeurs – ce populisme qu’on lui reproche, principalement chez ceux dits « progressistes » qui voudraient diriger les peuples sans jamais entendre leurs aspirations et leurs cris de colère ou de désespoir, l’accusation de fascisme sous prétexte qu’il rejetterait le communisme mais à dire vrai que recouvrent ces vocables aujourd’hui depuis la chute du mur de Berlin ? etc.- La liste est trop longue des reproches dont l’abreuvent ceux qui sont incapables au sortir de cette nuit américaine du 5 novembre de décliner le programme de sa rivale malheureuse, Kamala Harris, pour s’y attarder.
Le peuple américain a choisi en toute liberté contrairement à ce qui se passe dans un nombre bien trop grand de contrées dans le monde où la démocratie ne revêt aucune espèce de signification ni de réalité pour le malheur de millions d’opprimés.
Et ce peuple américain dans sa diversité de composantes et au regard de sa remarquable histoire n’est certainement pas la proie d’une poignée d’extrémistes et de complotistes irresponsables en passe de conduire le reste du monde un peu plus droit vers la déflagration fatale et finale annoncée avec l’élection de Donald Trump par ses adversaires et les donneurs de leçon qui prospèrent dans l’ornière de leur absence de recul et de réflexion sur la marche des événements.
Il faudra juger aux actes pendant les quatre prochaines années mais une chose est certaine, c’est que Donald Trump, contrairement à beaucoup de dirigeants en Europe qui louvoient en permanence d’une politique à son contraire, n’a jamais fait mystère ni fluctué dans ses objectifs et buts de gouvernance.
Il a en outre un bilan pour son mandat précédent, qui inclut notamment les Accords d’Abraham torpillés par le Hamas le 7 octobre 2023 avec la complicité de l’Iran dans le pogrom le plus meurtrier du 21e siècle… Son programme est très clair : l’Amérique et les Américains d’abord. Pour assurer la sécurité et la prospérité du pays à la bannière étoilée, nul doute qu’il ne fera aucun cadeau ni aucune concession à ses interlocuteurs européens et autres, si cela devait s’avérer contraire aux intérêts des États-Unis. Aux Européens qui ont reconduit Ursula von der Leyen à leur direction en dépit d’un bilan plus que discutable, d’en tirer toutes les conclusions qui s’imposent sur le front de l’Est en Ukraine, à travers un positionnement clair de soutien à Israël dans sa lutte contre l’hydre terroriste qui a plongé la bande de Gaza dans la destruction et qui ruine l’avenir du Liban, mais aussi face à tous les défis qui se dressent devant eux, en particulier la cohérence dans la position à tenir devant Vladimir Poutine qui comme son prochain homologue américain place les intérêts et la sécurité de son empire au-dessus de tout.
En seront-ils capables ? Toute la question est là.
Les Américains eux ont choisi l’alternance et il n’y a rien de contestable dans leur choix souverain. Dans quatre ans ils retourneront aux urnes et leur vote aura une signification. On aimerait tellement qu’il en soit de même dans notre « cher et vieux pays » aux allures de nef des fous sur une mer de plus en plus incertaine !
Éric Cerf Mayer