Depuis plusieurs années, le pourvoir central cherche à amplifier la décentralisation des responsabilités et des décisions et la communication qui l’accompagne. Le collectivités territoriales sont ainsi devenues des relais d’une nouvelle façon de communiquer et entraînent une transformation de l’approche top down et centralisée du pays.
C’est en juillet 2013 qu’est né le Prince de Cambridge. Sa naissance fut acclamée par la toile et a réalisé des records de diffusion sur les réseaux sociaux. Surtout, lorsqu’un héraut des temps modernes, Tony Appleton, se présenta devant le monde entier pour annoncer cette nouvelle. Pourtant, ce crieur n’était pas mandaté par la couronne britannique. Il provoqua ce jour-là un modèle de diffusion d’information court-circuitée mêlant à la fois les anciennes méthodes orales et les technologies modernes grâce aux réseaux sociaux. Le temps que l’imposture fut dévoilée, la nouvelle s’était déjà propagée et amplifiée à la vitesse de l’éclair. Les diffuseurs officiels furent pris de court et Tony Appleton restera à tout jamais lié à la vie du, peut-être, futur Roi d’Angleterre. Le Duc et la Duchesse de Cambridge ne lui en tinrent pas rigueur et de nouveau ce fut Tony Appleton qui annonça en 2015 la naissance de la Princesse Charlotte.
Vers une diffusion de l’information décentralisée
Pendant de longs siècles, le pouvoir a utilisé les relais de crieurs publics et autres tambours pour diffuser de l’information. Ils se rendaient de ville en ville pour propager les nouvelles importantes. Modèle de transmission verticale, en mode « top-down », les peuples recevaient ce contenu officiel venu du sommet du pouvoir avec parfois des semaines ou des mois de retard. Par ailleurs, le schéma n’entraînait aucun dialogue et fonctionnait uniquement dans le sens de l’émetteur vers le récepteur. Progressivement, la presse compléta ce dispositif pour informer des événements marquants qui se déroulaient chaque jour. L’information était devenue indépendante et décorrelée de sa source unique et centrale. Ce système démultipliait les points d’entrées des informations mais restait néanmoins sur un schéma descendant et limité sur le nombre d’émetteurs des informations.
Au niveau politique, en France, depuis plusieurs années, le pourvoir central cherche à amplifier la décentralisation des responsabilités et des décisions et la communication qui l’accompagne. Ainsi, il a renforcé et mis en place des structures administratives permettant de donner plus de responsabilités aux collectivités locales sans parfois leur donner les moyens adéquats pour gérer ces nouvelles charges. Partenaires de cette nouvelle méthode, les régions, départements ou autre collectivités territoriales sont devenus des relais d’une nouvelle façon de communiquer et entraînent une transformation de l’approche top-down et centralisée du pays.
Une révolution des moyens de communication
Confrontés à l’arrivée massive du numérique, et à l’ « uberisation » de certains segments ultra réglementés de la vie économique, notre pays a commencé à apprendre que les règles fixées pouvaient avoir des biais et qu’il n’était pas à l’abri d’innovations toujours plus surprenantes.
A l’ère de l’ultra information et de l’ultra connexion, les événements des dernières années ont montré que les peuples pouvaient aussi changer leurs modes de réception et agir de façon matricielle pour diffuser les nouvelles beaucoup plus rapidement qu’auparavant.
Ainsi, les réseaux sociaux ont accentué ce phénomène de libéralisation de l’information et l’ère de la gestion régalienne et centralisée des contenus semble arrivée à son terme. L’exclusivité du pouvoir de diffusion a volé en éclats et, partout dans le monde, les peuples se sont construits de nouveaux modèles organisationnels pour communiquer.
Des réseaux qui signalent les alertes
Face à cette évolution rapide des moyens, le pouvoir est confronté à une circulation beaucoup plus libre et visible de l’information. Dans toutes les sphères de la société des réseaux se sont mis en place pour gérer les alertes entre leurs membres. Ainsi, lorsque les radars ce sont multipliés, Coyote, et ses concurrents, ont fait leur apparition pour remplacer les appels de phares. Organisée, structurée, la gestion des mécanismes d’alerte en réseau a fait la preuve de son efficacité et obligé le pouvoir à prendre des mesures afin d’en limiter l’impact.
Les réseaux sociaux au centre de la matrice
Au niveau de la diffusion de l’information, tous les derniers événements, ayant marqué notre pays, ont trouvé des voies de résonances particulières via les réseaux sociaux. Qu’il s’agisse du suivi en quasi direct des attentats, et de la situation de guerre qui en a découlé, ou de mouvements comme Nuit Debout, à chaque fois l’information a circulé plus rapidement que ce que les anciennes sources centralisées d’informations pouvaient traiter. L’impression d’un décalage a été de plus en plus flagrante.
Deux événements récents ont accentué ces sentiments de manque de transparence et de remise en cause de la voie (ou voix) officielle. Ils ont augmenté le décalage numérique entre le sommet de la pyramide et une population sur connectée et sur informée.
Ainsi, le cas de la pénurie d’essence a illustré qu’il suffisait d’être connecté aux bonnes applications pour avoir en quasi direct la cartographie précise des stations qui étaient fermées. La progression rapide des fermetures, face au risque de ne pouvoir continuer à utiliser des véhicules, s’accéléra au rythme des téléchargements records des applications dédiées sur les smartphone. Face à cette situation exceptionnelle, l’information officielle se voulait minimisante et rassurante afin de limiter les impacts de cette pénurie sur la vie de tous les jours des citoyens.
Dans le match entre d’un côté l’information « top-down » décalée et de l’autre l’univers matriciel et décentralisé, les utilisateurs avaient fait leurs choix.
La crue du Loing puis de la Seine a continué de montrer que l’appétence des français pour se nourrir d’informations plus fiables, et comprendre ce qui se passait sans filtres, ne cessait d’augmenter. Ainsi le site vigicrues.gouv.fr est devenu à son tour une référence pour analyser la progression de la crue et de la vague qui se propageait tout au long des sondes placées sur la Seine. Alors que la décrue s’entamait à l’Est, ce sont Paris et l’Ouest qui commençaient, sur les réseaux sociaux, à s’inquiéter de l’arrivée massive de l’eau et des risques de débordement qu’elle pouvait engendrer. En temps réel, il était possible de savoir l’écart par rapport aux niveaux de 2010, 1982 ou 1910 et de se préparer à l’éventualité de nouveaux débordements de la Seine. Ainsi, rapidement les riverains de ces zones en aval se sont préparés aux risques de l’arrivée de l’eau et des coupures d’électricité ou d’eau potable qui pouvaient en découdre.
Une évolution perpétuelle
Ces événements montrent que la gestion de crise, et l’information qui l’accompagne, ont tellement évolué au cours des dernières années que l’image donnée par le pouvoir doit désormais intégrer ces nouvelles contraintes. Ne pas savoir ou être approximatif deviennent catastrophiques à gérer face à une population qui sait ou qui a l’impression de savoir en utilisant un terminal. La déconnexion vis à vis des moyens du numérique se matérialise ainsi de plus en plus à chaque nouvel événement impactant avec le risque de créer une défiance vis-à-vis de l’information officielle. Pour le moment, les citoyens trouvent à chaque fois des idées et s’organisent mais, très vite, il faudra trouver des solutions afin d’atténuer ce manque de confiance qui s’installe. Internet avec ses cartes interactives, les réseaux sociaux avec la diffusion multiple et en temps réel de l’information, sont une chance de gérer plus efficacement ces événements imprévus, d’améliorer la transparence dans les communications et de rassurer plus efficacement en cas de survenance soudaine d’un risque.
Alban Jarry, spécialiste en stratégies numériques, communication de marques et influence sur les réseaux sociaux