Lors d’un entretien au Figaro le 30 mars dernier, Pierre Lellouche indique qu’il a demandé le 7 février à Nicolas Sarkozy de prévenir Emmanuel Macron que nous étions face à une pandémie proche de la grippe espagnole de 1918. Réaction d’Alain Tranchant.
Dans ma dernière publication : « Quand la parole doit demeurer libre », j’ai cité deux ouvrages de Michel Debré : Ces princes qui nous gouvernent et La mort de l’Etat républicain. En écrivant ce texte, et en repensant à son immense oeuvre écrite, il m’était venu à l’esprit que, sous la IVè République, l’ancien Premier ministre du général de Gaulle avait apporté son concours à un modeste journal dont le nom était déjà tout un programme : Le Courrier de la Colère. Une recherche m’a permis depuis de retrouver dans son livre d’entretiens avec Alain Duhamel : Une certaine idée de la France, publié à l’automne 1972, l’histoire de cette publication qui a commencé à paraître en septembre 1957. « Sans doute étions-nous des extrémistes, explique Michel Debré, mais il faut se rappeler où en était la France, à l’intérieur et à l’extérieur, en cette fin d’année 1957 et en ce début d’année 1958. Alors l’extrémisme était la seule sagesse, la seule raison du coeur et de l’esprit. Tout s’en allait. On l’a bien vu … »
Au cours des dernières semaines, que de fois ai-je pensé : « Tout fout le camp ! »
Alors, va pour l’extrémisme ! Du moins pour cet extrémisme-là !
La récente interview de Pierre Lellouche, dans Le Figaro du 30 mars, vient nourrir ce sentiment de colère.
Quoi ? Ils savaient, et ils ont attendu que le tsunami soit là !
Pour avoir travaillé « sur les questions de prolifération nucléaire, chimique, bactériologique », l’ancien secrétaire d’Etat a été « convaincu, dès le mois de janvier, qu’on avait affaire à quelque chose de très proche de la grippe espagnole de 1918, qui avait tué au moins 50 millions de personnes ».
Interrogé sur la gestion de la crise sanitaire par notre pays, il réplique à la journaliste qui l’interroge par ces quelques mots, brefs mais lourds de signification : « Le 7 février, je suis allé voir Nicolas Sarkozy pour lui demander de prévenir Emmanuel Macron ». Pierre Lellouche déplore alors que les stocks constitués en vue d’une éventuelle pandémie aient été « dilapidés sous François Hollande », et regrette que « l’actuel gouvernement n’ait pas mis à profit les deux mois de répit qui ont séparé l’apparition de l’épidémie en Chine et son arrivée en France fin février pour acheter des stocks de masques sur le marché ». Il accuse le pouvoir de « mensonge d’Etat », quand pour justifier son impréparation, il expliquait que « les masques ne servaient à rien ». Puis vient ce terrible constat : « Les Français payent le prix de cette incurie, alors que les pays asiatiques (en particulier la Corée du Sud) qui s’étaient préparés à la pandémie n’ont pas eu à bloquer leur économie ».
L’ancien député de Paris voit l’Europe « à un moment-clé de son histoire » (il est vrai qu’une fois encore elle n’a brillé ni par sa réactivité, ni par sa solidarité), l’Occident « complètement dépassé par les évènements ». Selon lui, on ne saurait parler de crise, mais d’une « catastrophe » et d’une « véritable rupture historique ». Dans ce contexte, une « très grande colère » monte des peuples « devant l’incurie des gouvernements », en France, en Italie, en Espagne. Au total, « l’Occident ressortira exsangue de cette affaire. La France aussi », et l’on peut redouter le moment où « les Etats-Unis et l’Europe surendettés » se trouveraient à la merci d’une énorme crise financière. « A moins, dit-il, que l’Amérique et l’Europe décident de se réveiller et de faire à nouveau route ensemble ». C’est bien la seule lueur d’espoir qui ressort de cette interview.
Evidemment, le lecteur aimerait savoir si Nicolas Sarkozy a suivi la demande de Pierre Lellouche de « prévenir Emmanuel Macron ». Au demeurant, on peut penser que si l’ancien président de la République avait gardé cette information pour lui, Pierre Lellouche n’en parlerait pas aujourd’hui.
Agnès Buzyn, le 11 janvier. Nicolas Sarkozy, en février. Un homme averti en vaut deux. L’adage est-il vérifiable avec Emmanuel Macron ? Rien n’est moins sûr…
Comme toujours, la vérité est simple. Le pouvoir a abordé la lutte – car les mots ont un sens, nous ne sommes pas en guerre[1. Le confinement n’a tout de même, et fort heureusement, rien de comparable aux bombardements et aux destructions massives de bâtiments, de ponts, de routes, d’ouvrages en tous genres qui sont le lot habituel des guerres.] – contre l’épidémie du coronavirus dans un état d’impréparation totale.
Trop occupé qu’il était sur deux autres fronts : le vote de sa loi sur les retraites et l’espoir de s’assurer quelques fiefs à l’occasion des élections municipales.
La sagesse populaire dit aussi que le temps perdu ne se rattrape jamais. Les Françaises et les Français le vérifient chaque jour. Il a fallu attendre le 29 mars, et la barre des 3 000 disparus (dont cinq médecins), pour voir arriver les premiers masques d’importation. Il n’est nul besoin d’être « premier de cordée » pour comprendre que s’ils avaient été commandés en janvier, ils seraient arrivés plus tôt…
Alain Tranchant
Ancien Délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique,
Président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale