L’idée était communément admise : le désir était le carburant du moteur de chaque vainqueur des campagnes présidentielles. Jacques Pilhan, le sorcier de l’Elysée, en avait fait son mantra. En bon lacanien il ne pouvait pas se tromper. Ce dernier, Lacan, l’avait dit de manière définitive – “il ne faut pas céder sur son désir”.
Alors, dans l’emballage final de cette campagne 2022, sondeurs, politologues et politiques traquent le désir, les signaux faibles de son inscription chez l’un des candidats.
Serais-je le seul à ne pas lever le gibier ? Mon chien d’arrêt aurait-il perdu en efficacité ? Il ne faut pas l’exclure, bien sûr ! Mais je voudrais filer un autre trait explicatif dans une sémantique transformée, en passant du désir au “désir destructif”. Je le nomme ainsi dans cette courte publication pour prendre date. Les résultats des jours à venir conduiront à le proposer à un récit plus détaillé ou à le laisser flotter sur le cours d’eau des scories des pièges lexicaux.
Mon intuition c’est que, dans cette société de l’accélération, si désir il y a, il se met à fonctionner, comme les réseaux sociaux, dans la dénonciation, la vindicte, la destruction.
Alors ce n’est pas seulement qu’aucun candidat, si l’on en croît les études et sondages, ne se caractérise vraiment par une adhésion désirante mais plutôt par des injonctions contradictoires mais que l’effet cumulatif des associations d’images va au-delà du simple manque personnel de séduction.
Le “désir destructif” serait-il un nouveau concept explicatif, stade ultérieur du dégagisme ?
Si le fonctionnement des comportements électoraux a pris le grimage de ceux des réseaux, le résultat peut être particulièrement disruptif. A ce jeu, le Président Macron, assis depuis des semaines sur l’alliance d’une évidence et de la continuité mais marqué par un effritement de son image et de sa popularité, pourrait se retrouver en danger. La société sort, pour l’instant, de la pandémie, est anxieuse devant la guerre à sa porte et très troublée avec la crise énergétique qui s’annonce. Le tout dans un contexte de crainte pour le futur, de doutes sur le progrès et d’inquiétude profonde sur le commun et la cohésion sociale.
La désaffection pour les élites et pour les politiques masque une difficulté à l’affection pour soi-même. Mais il faut bien éloigner le mistigri. Il est trop violent de ne pouvoir s’en prendre qu’à soi-même ou d’en partager les causes. Alors le “désir destructif” peut l’emporter sur le désir et la raison.
C’est un péril pour la démocratie mais cette dernière est-elle encore une évidence ? Les jours qui viennent vont nous en dire plus sur ce peuple politique, aux valeurs ancrées que l’on se plaît à décrire…
Pierre Larrouy