Alors qu’Edouard Philippe doit présenter aujourd’hui à 15 heures son plan de déconfinement, pour Arnaud Dupui-Castérès, CEO et fondateur de Vae Solis Communication, il est urgent d’envoyer les signes de réassurance à la population.
L’indice de confiance des ménages en France (Insee), a subi en avril une chute historique après la mise en place des mesures de confinement pour lutter contre le coronavirus.
Cet indicateur, calculé sur la base de soldes d’opinion (différence entre proportion de réponses positives et négatives), a perdu huit points par rapport à mars, la chute la plus brutale depuis la création de cet indicateur en 1972, passant à 95 points, soit sous sa moyenne de longue période, précise l’institut. Le signe d’une Peur manifeste dans l’opinion publique dont plusieurs études soulignent qu’elle est à un niveau élevé dans plusieurs pays du monde mais toujours très forte en France.
Le Spin, ou la stratégie de communication, est inhérent à la vie des démocraties ; ce qui la distingue d’une technique ancêtre et toujours cousine, la propagande. Pendant des décennies dans les pays d’occident, les Spins se sont appuyés sur l’héritage de la philosophie des Lumières. Ainsi les sous-jacents idéologiques des grandes opérations de communication ont été la Liberté, le Progrès, l’Egalité, l’Humanisme, la Rationalité. C’était pour tendre vers un « mieux être » que l’on communiquait qu’il s’agisse d’inciter les populations à se faire vacciner (au mitan du 20è siècle), d’encourager le développement économique, de consolider la paix en Europe avec la construction de la Communauté européenne, de défendre la Liberté en faisant la guerre ou encore l’Humanité en instaurant le droit d’ingérence, lancé par le Spin des French Doctors…
Cette époque est terminée depuis plus de 30 ans en Europe. Désormais le sous-jacent à tout Spin qui fonctionne est la Peur.
La Peur qui a toujours été l’un des meilleurs leviers de communication, surtout quand il s’agissait de propagande.
Désormais, sans faire peur, il est difficile de faire évoluer les perceptions et les comportements.
Face aux dangers de la pandémie de Covid-19, à l’impréparation de l’Etat et à l’urgence de la situation, la seule solution était le confinement. Pis-aller plus que stratégie, méthode ancestrale plus que « high tech », le gouvernement n’avait guère le choix ou bien il fallait accepter de perdre 100 000 concitoyens en quelques semaines, ce que notre société ne sait plus accepter. Aussi, fallait-il réussir le confinement et donc créer la Peur dans l’opinion publique.
Le gouvernement y a parfaitement réussi par deux chemins bien différents. D’une part, celui volontaire d’une communication métronomique sur les chiffres qui effrayent et sur les mesures qui restreignent. Sur les chiffres, leur brutalité et leur absence de mise en perspective nous ont tous traumatisés. Nous pourrions être étonnés d’apprendre que la grippe de 2016-17 a fait environ 21 000 morts en France et que le seul mois de janvier 2017 a connu un triste record de mortalité en France de 68 145 décès en France contre 61 600 en mars 2020. Des mesures aussi qui nous incitent à comprendre la gravité de la situation, l’interdiction de sortir de chez soi à plus de 1 km, de marcher en famille, de faire du sport dans la journée, d’aller dans une forêt ou un parc (même seul), de travailler ou encore d’être à plus que deux présents à l’enterrement d’un être proche et aimé ! La restriction invraisemblable des libertés individuelles a marqué les esprits et a eu un effet de blast dans la conscience des citoyens.
D’autre part, il y a eu le chemin involontaire des approximations, des contre-pieds, des contradictions, des contre-évidences. De quoi faire peur à tous. L’impéritie de l’administration, le dénuement des acteurs courageux au front de la pandémie, les lourdeurs administratives agissant comme un frein puissant à la réaction et mobilisation des soignants, ont plongé les citoyens dans un état de panique généralisée. Comment ne pas réagir autrement.
Mais la communication par la Peur est chose assez facile. Les crises qui s’enchaînent depuis des années sont toutes fondées sur la peur : les épidémies sans gravité ou sans présence en Europe ont été très médiatisées, l’interdiction des OGM alors qu’aucune étude scientifique au monde ne prouve leur dangerosité, le développement du mouvement Antivax, l’interdiction de savoir si la France possède des réserves de gaz de schistes, les polémiques sur le sucre et les pesticides… beaucoup de peur dans l’opinion publique.
En France, même les réformes engagées par les différents gouvernements s’appuient sur la Peur plus que sur l’adhésion à un projet commun pour faire mieux et améliorer la vie de ses citoyens.
L’heure du déconfinement est venue et sa réussite impose une communication désormais fondée sur la confiance. Les choses se compliquent sérieusement et le gouvernement n’a guère le temps de rétablir la confiance. Après la peur panique qui paralyse – et la France a été paralysée bien plus que nombre de pays voisins – il est maintenant urgent d’envoyer les signes de réassurance à la population. De nombreuses mesures pourraient être prises en amont du 11 mai dans ce sens : assouplissement progressif des contraintes de la loi d’urgence sanitaire et restauration des libertés individuelles ; imposer le port du masque obligatoire dans les transports en commun ; laisser à l’économie de marché la production et la vente de masques ; demander aux citoyens de s’équiper sans attendre de l’Etat « nounou » qu’il pourvoit à nos besoins en masques (d’ailleurs, les Français se sont massivement équipés avant même que les masques soient autorisés à la vente) ; alléger, ou supprimer dans certains cas, les carcans administratifs pour relancer l’activité, déconfiner en plusieurs catégories d’âge… L’enjeu est moins ici d’annoncer le déversement de milliards d’Euros pour « sauver » tel ou tel secteur d’activité, mais d’avoir une vision, de lancer un élan et de proposer les réformes qui permettent à chacun de se relancer.
Les activités de chacun doivent reprendre, qu’il s’agisse d’activités économiques, associatives, sportives, culturelles, sociales…
Il faut pour cela créer les conditions de la confiance.
La progressivité est un des éléments de cette confiance mais ces conditions doivent surtout être annoncées, planifiées et mises en œuvre. L’incertitude est un facteur d’anxiété et de paralysie. Levons les incertitudes, donnons de la perspective, ayons un projet commun de relance pour les 3, les 6 et les 18 prochains mois pour créer un élan et une mobilisation, à l’image des personnels soignants, de toute la population pour reconstruire le Pays.
Arnaud Dupui-Castérès
CEO et fondateur de Vae Solis Communication