Les nouvelles se succèdent et aucune n’est bien encourageante en ce début de saison 2 : 5,8 % d’inflation, aucune perspective de cessez-le-feu en Ukraine au terme de la présidence française de l’Union européenne à la veille du passage de relais à la République tchèque et une sensation de continuité dans la dérive de la mandature précédente, un mélange de déni, de mépris et d’arrogance ou d’aveuglement face à la dure réalité des faits. On peut affirmer que la Russie ne peut, ni ne doit gagner la guerre, concrètement les sommets et conseils se suivent, les sanctions s’additionnent, l’aide militaire franchit un cap qui rapproche l’Union européenne et les membres de l’Otan d’un état de belligérance de facto, en dehors d’un accord sur la candidature de l’Ukraine et de la Moldavie, le bilan reste plus que maigre et mitigé et le conflit entraîne l’Europe dans une spirale dangereuse de moins en moins maîtrisable avec hélas une aggravation des pertes humaines et destructions sur le terrain des combats…
La France s’enfonce sur un chemin étroit et pavé de difficultés grandissantes en l’absence d’un pilotage clair et déterminé mais sous caution d’un vague objectif affiché comme un voeu pieux de protection contre des menaces qui enflent inexorablement et restent sans début de réponse jusqu’à présent alors que l’on s’éloigne semaine après semaine du 24 avril 2022 et que les postures se figent dans une continuité désespérante…
Narbonne a été élue première dans la compétition du plus beau marché de France. Peu de visages masqués observés dans la foule en liesse qui célébrait ce moment de convivialité dans le flot d’une actualité sans grande occasion de se réjouir. Le pari hasardeux de lever prématurément les contraintes des gestes barrières à l’occasion des séquences électorales récentes se paye au prix d’une reprise alarmante des contaminations par le variant BA 5 qui va peser sur la pause estivale à venir. Mépris de la réalité là encore ou expression d’un « bon plaisir » auquel personne ne comprend plus rien ? Quand donc les recommandations se mueront à nouveau en obligations ? L’avenir proche le dira sans doute au prix d’une aggravation des tensions déjà exacerbées en milieu hospitalier en cette veille d’été…
L’installation du nouveau Parlement et la confirmation du maintien de la Première ministre dans ses fonctions, loin de dissiper la sensation d’une absence de cap, accentuent le malaise palpable d’un pays en attente de rebond et en l’occurrence d’un remaniement du gouvernement qui tarde à être annoncé.
Si on a pu lire sous la plume de certains éditorialistes que la majorité relative octroyée par les électeurs à l’exécutif était la revanche des Gilets jaunes et de tous les déçus de la saison 1, meurtris par des méthodes de gouvernement abruptes et sans grand effet pour améliorer l’état de leur situation et résoudre les crises successives de la mandature précédente, que dire de la séquence actuelle où le fossé se creuse et confirme la fracture constatée au lendemain de la présidentielle ?
Le mépris affiché par la « familia grande » à l’égard de certains des nouveaux députés du RN et de la NUPES, à qui cette caste, elle-même méprisable dans son arrogance et la vacuité de ses certitudes, reproche leur méconnaissance des codes qu’elle cherche à imposer dans l’opinion publique, repris par quelques journalistes sur les plateaux de télévision, fait étrangement écho à la curieuse conception de la démocratie d’un exécutif qui détermine les partis aptes à gouverner ou pas, dignes d’être associés à la recherche des compromis ou pas… Ce ne serait donc pas les électeurs qui auraient cette prérogative mais les détenteurs temporaires du pouvoir ? La formule (ou la posture ?) est pour le moins maladroite dans le rejet qu’elle exprime d’emblée et elle explique certainement une des causes de l’abstention galopante observée au fil des scrutins.
Dans quelle mesure la non démission – suspension ou retrait temporaire – des personnels et responsables politiques mis en examen ou objets de dépôts de plaintes, dans l’attente que la justice ait tranché sur leur culpabilité ou innocence, ne constitue-t-elle pas une autre forme de ce mépris ou « bon plaisir » de moins en moins admissible quand on prétend faire acte de progrès et d’évolution de la pratique gouvernementale ? La distribution des rôles dans le deuxième gouvernement Borne de ce second quinquennat entamé sous les auspices controversés de la stupéfaction engendrée par les postures affichées jusqu’à présent au nom de la sacro-sainte présomption d’innocence, sans parler du mauvais feuilleton du Stade de France, donnera la réponse sur les critères en matière de choix des ministres et la tonalité de ce que risque d’être la suite des réjouissances dans les médias pour le « cher et vieux pays »… En attendant la composition de ce gouvernement, le bal des prétendants et des ambitions ouvertes ou cachées affiche complet et tous les coups sont permis à l’intérieur du camp majoritaire et à l’extérieur. Les ralliements, défections, reniements, volte-faces ou compromissions ne constituent pas en soi des nouveautés dans le paysage politique français mais leur multiplication est souvent un signe de fébrilité et parfois un symptôme de décomposition, rarement un gage de bonne santé.
L’opposition entre « techniciens » et « politiques » n’est pas non plus un facteur de stabilité quand les uns et les autres devraient plutôt s’inscrire dans une complémentarité au service des objectifs recherchés, en l’occurrence sortir la France de la crise dans laquelle elle s’enfonce en dépit des élections majeures intervenues en avril et juin…
L’Assemblée nationale désormais redevenue épicentre principal de la vie politique et de la démocratie françaises est en passe d’entamer sa navigation avec l’élection de sa nouvelle Présidente et des têtes de ses principales Commissions. « Les ors de l’hôtel de Lassay sont plus prestigieux que ceux de l’hôtel de Montmorin, rue Oudinot… » ; ce choix personnel ou non de concourir à l’élection pour celle qui accède au perchoir et dont on peut se féliciter en terme de parité, a été mal perçu outre-mer comme une énième marque de mépris de la part du pouvoir pour un vaste domaine, en déshérence accrue depuis les violentes crises de novembre dernier aux Antilles, qui pourtant devrait constituer une priorité nationale et une ardente obligation pour nos gouvernants. Il est dommage, au vu de la lenteur de la désignation du premier gouvernement Borne, que l’on n’ait pas anticipé cette perspective de parcours pour l’ex-détentrice du ministère des Outre-mer. Si tenté que gouverner c’est prévoir, on aurait pu là éviter une impression de désinvolture, sans nul doute injuste pour la première femme qui va exercer la position de premier plan au sein du Palais Bourbon, mais néanmoins aisément compréhensible de la part des acteurs ultramarins de la vie politique française au service de leurs territoires, déçus de changer aussi rapidement d’interlocutrice même si l’équipe désignée avec retard au démarrage était destinée à remaniement en raison des législatives…
Quant à l’importation de la problématique du droit à l’IVG aux États-Unis au sein de l’hémicycle alors que celui-ci n’est nullement remis en cause en France, elle va probablement accentuer les chausse-trappes dans les débats à venir au sein de la nouvelle Assemblée, tentative de galop d’essai pour la recherche d’hypothétiques majorités de circonstance ? Dans la longue liste des questions cruciales à traiter, à commencer par celle du pouvoir d’achat qui déterminera l’avenir de ce quinquennat insolite en ses débuts, dont les contours (en premier lieu la composition du gouvernement et le vote de la confiance ou non pour celle qui va en assurer la conduite face au Parlement et devant le le pays) tardent singulièrement à se préciser, il serait intéressant que les élus réinterrogent leurs électeurs sur la liste de leurs priorités…
Mais est-ce là chose possible lorsque le mépris ou le « bon plaisir » ? semble être de nouveau le travers fâcheux emprunté par ceux qui devraient se convaincre avant tout de l’urgence de l’action et fuir les exercices de communication et de diversion face aux multiples dangers de l’heure ?
Les premiers jours de juillet nous apporteront la réponse. Reste à espérer qu’elle soit à la hauteur de la gravité de la situation…
Eric Cerf-Mayer