La place occupée par le référendum dans la Constitution de 1958 marque d’abord la volonté du général de Gaulle d’établir un lien direct entre le chef de l’État et le peuple. En cela elle fait écho au mouvement révisionniste de la IIIe République visant à briser la souveraineté parlementaire pour la rendre à son véritable détenteur, le peuple.
La Constitution rompt cependant ainsi avec la tradition française hostile au référendum car marquée par le souvenir des plébiscites napoléoniens. Or la République est née de l’effondrement du second Empire dont Victor Hugo a dessiné la légende noire et elle a d’abord été parlementaire. En appeler au peuple c’est passer par-dessus la tête des assemblées.
Aujourd’hui le débat n’est pas clos et les interrogations sur le recours à cette procédure pour adopter de nouvelles dispositions constitutionnelles ou organiques (c’est-à-dire prises pour l’application de la Constitution) voulues par le président Macron s’inscrivent dans des réactions paradoxales. Plus profondément elles renvoient à la conception que l’on se fait de la démocratie. D’un premier point de vue, le recours au référendum permet au peuple de s’exprimer dans un contexte où sa voix n’est plus entendue du fait de ce que pour l’essentiel le vote n’embraye pas suffisamment sur la décision politique, en partie du fait que le pouvoir réel échappe partiellement aux dirigeants élus. D’un second point de vue, la démocratie directe fait peur en ce qu’elle enlève à ceux qui encadrent le pouvoir, corps intermédiaires, juges, experts, élites autoproclamées… la faculté de canaliser l’exercice de la décision. Dans un système politique où le libéralisme (droits fondamentaux, contrôle juridictionnel…) l’emporte sur la démocratie (en tant que mécanisme de légitimation du pouvoir), le référendum est considéré comme permettant au peuple, souvent accusé de populisme (le terme est révélateur) de s’exprimer sans les filtres qui lui sont d’habitude imposés. Plus encore, la Constitution a été modifiée à plusieurs reprises pour élargir les possibilités de recours au référendum (question portant les réformes relatives à la politique sociale, économique et environnementale, référendum d’initiative partagée), alors que le recours au référendum est extrêmement limité. Utilisé par le peuple comme un mécanisme d’engagement de responsabilité du chef de l’État, ce dernier hésite à y recourir, craignant l’indifférence manifestée par l’abstention si la question est trop technique, ou si le président n’engage pas sa responsabilité. Il peut également espérer d’y renouveler sa légitimité mais l’exercice est périlleux.
Bref le référendum est le témoin des ambiguïtés de nos institutions, mais plus largement de celle du système politique mixte qui est le nôtre à savoir celui de la démocratie libérale.
La Constitution prévoit le recours au référendum, essentiellement pour réviser la Constitution ou pour adopter des lois, si l’on fait abstraction des référendums de consultation (article 53 de la Constitution) qui permet de rechercher le consentement de la population d’une partie du territoire sur son maintien dans la République ou sur l’accès à l’indépendance et le référendum décisionnel local, introduit aux articles 72 et 73 en 2003.
Si les interrogations que suscite le recours au référendum sont multiples, seront envisagées ici deux questions. La première d’ordre (apparemment) technique porte sur le point de savoir si l’on peut réviser la Constitution en faisant directement appel au peuple sans passer par le filtre de l’adoption parlementaire, la seconde porte sur le point de savoir si un recours plus fréquent au référendum est susceptible de revivifier une démocratie fatiguée.
Réviser la Constitution en faisant directement appel au Peuple ?
La procédure de révision de la Constitution est inscrite à l’article 89 sous un titre spécifique intitulé « De la révision ». Sommairement l’initiative de la révision appartient au président de la République sur proposition du Premier ministre ou aux membres du Parlement. Le texte doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Lorsque tel est le cas, le président de la République peut décider de soumettre le texte au vote du Congrès (réunion des députés et des sénateurs) il doit alors être adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ou à référendum. Si à l’origine le mode de révision normale était celui faisant appel au référendum, la quasi-totalité des révisions constitutionnelles, à l’exception de celle de 1962, sur laquelle on reviendra, et celle de 2000 réduisant la durée du mandat présidentiel à cinq ans, ont été adoptées par le Congrès (cette procédure étant initialement envisagée pour les révisions mineures ou trop techniques).
Cette inversion des logiques est en elle-même révélatrice d’une réelle méfiance vis-à-vis de la procédure référendaire.
En toute hypothèse la procédure de révision donne à chacune des assemblées parlementaires, et notamment au Sénat, un droit de veto sur la réforme constitutionnelle. C’est aujourd’hui encore la question de l’exercice d’un tel veto qui a relancé le débat sur le recours au référendum, selon une autre procédure celle de l’article 11 qui ne vise pas la révision constitutionnelle mais qui présente l’avantage d’éviter les votes parlementaires.
En 1962, le général de Gaulle, après avoir réglé le problème algérien, souhaitait rehausser le statut et l’autorité du président de la République en le faisant élire au suffrage universel direct, alors que la Constitution prévoyait seulement la désignation par un collège électoral restreint. Pour cela, il décidait de passer par la voie d’un référendum de l’article 11. En effet la majorité des partis politiques étaient hostiles à cette réforme qui leur faisait perdre la main sur le choix du chef de l’État. Cette réforme et la procédure choisie devaient susciter une très vive controverse, ponctuée par une motion de censure renversant le Gouvernement Pompidou, la dissolution de l’Assemblée nationale par le général de Gaulle en réponse à la rébellion des députés et un large succès au référendum de révision (62,29 % de oui) et des élections triomphales, pour les partis qui avaient fait campagne pour le oui, lors du renouvellement de l’Assemblée dissoute. C’est une éclatante victoire politique dont l’arme a été celle du référendum.
En 1969, le général de Gaulle décide de recourir à la même procédure pour une révision visant à amoindrir le rôle du Sénat et à inscrire les régions dans la Constitution. Ici encore, il n’y avait aucune chance que le Sénat acceptât de se saborder. De Gaulle veut ressourcer son autorité et sa légitimité dans un succès populaire au référendum. Or celui-ci est un échec et Charles de Gaulle, qui comme en 1962 avait engagé sa responsabilité, démissionne.
Cette utilisation du référendum législatif pour réviser la Constitution a fait l’objet de nombreuses controverses tant juridiques que politiques. Si la décision du président de la République de recourir au référendum dans cette hypothèse peut en effet être considérée comme inconstitutionnelle, il n’en reste pas moins que le vote du peuple couvre, au cas par cas, l’irrégularité ainsi commise. En effet, le recours au référendum manifeste l’idée selon laquelle le peuple, quelle que soit la valeur juridique de la procédure suivie pour l’interroger, manifeste une puissance suprême qui n’est autre que celle du souverain. En 1962 (décision 62-20 DC), comme en 1992 (92-313 DC), le Conseil constitutionnel considère qu’il est incompétent pour apprécier la constitutionnalité des lois adoptées par référendum, qu’il s’agisse d’une loi ordinaire ou d’une loi constitutionnelle. Son argumentation est, pour l’essentiel, appuyée sur une raison de fond, dont la substance est identique dans les deux décisions : « au regard de l’équilibre des pouvoirs établis par la Constitution (…) les lois adoptées par le Peuple français à la suite d’un référendum (…) constituent l’expression directe de la souveraineté nationale ».
La question est cependant loin d’être tranchée. Bien sûr l’interprétation la plus conforme au texte est que le président de la République ne peut pas recourir à l’article 11 pour réviser la Constitution. Mais d’une part, il convient de relever que si le Constituant l’avait voulu il lui était facile de prévoir un tel contrôle de la constitutionnalité du projet de réforme constitutionnelle avant sa soumission au référendum, ce qui empêcherait la révision de la Constitution par cette procédure, sans mettre en cause la volonté souverainement exprimée du peuple, à l’occasion de l’une des révisions de l’article 11. Ce qui n’a pas été fait, alors que des amendements ont été déposés en ce sens. Par ailleurs un contrôle du Conseil constitutionnel est prévu pour les référendums d’initiative partagée, alors que tel n’est pas le cas pour les autres procédures.
On doit, me semble-t-il, considérer qu’en toute hypothèse, ni le Conseil d’État ni le Conseil constitutionnel n’ont reçu de la Constitution compétence pour contrôler la décision du président de la République. En réalité la responsabilité du président de la République pour en avoir appelé directement au peuple, si l’on estime qu’une telle décision viole la Constitution, ne pourrait être engagée que devant la Cour de justice. C’est une responsabilité exclusivement politique. Pourtant le Conseil constitutionnel pourrait annuler le décret de convocation des électeurs en vue de réviser la Constitution à l’enseigne de l’article 11. Le Conseil a en effet admis la contestation devant lui par tout électeur de ce décret (décisions du 24 mars 2005 et du 25 mai 2005). En principe cet examen devrait porter sur la régularité formelle de la convocation des électeurs mais le pas ne serait pas insurmontable consistant à examiner au fond le grief tiré de l’inconstitutionnalité du projet de loi annexé à ce décret.
Par ailleurs, le Conseil d’État a distingué le référendum législatif de l’article 11 et le référendum constitutionnel de l’article 89 (CE 30 octobre 1998, Sarran), laissant ainsi entendre qu’il considérait que l’on ne pouvait réviser la Constitution selon la première de ces procédures.
Quelle que serait la jurisprudence du Conseil sur ce point, deux observations peuvent être faites : d’une part la possibilité de recourir ou non à cette procédure est à la discrétion du Conseil constitutionnel qui peut, sans contrôle d’aucune sorte, faire évoluer sa jurisprudence et s’arroger ainsi une compétence que la Constitution ne lui reconnaît pas ; d’autre part, et de manière plus générale, le juge retrouverait ainsi une forme de contrôle sur l’expression du peuple ce qui renvoie aux observations que nous faisions en introduction.
Certains membres de la doctrine vont encore plus loin en considérant que le recours au référendum de l’article 11 serait aussi fermé s’agissant de l’adoption des lois organiques, sous prétexte qu’un contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel est prévu par la Constitution s’agissant de ces textes. L’article 11 de la Constitution serait alors vidé d’une large partie de son objet par le juge constitutionnel et afin de préserver la compétence du juge constitutionnel. Mais la probabilité d’un tel contrôle est plus faible que celui qui porterait sur une loi constitutionnelle présentée selon la procédure de l’article 11.
Revivifier la démocratie par le recours au référendum ?
Face à une incontestable crise de la démocratie représentative dont les facteurs sont multiples1, il convient incontestablement de prendre des mesures propres à combattre le sentiment d’impuissance, de découragement, qui saisit nombre de citoyens. Il y a deux catégories de citoyens. Ceux qui participent au pouvoir, ou à l’apparence du pouvoir, qu’il soit médiatique, juridictionnel, institutionnel, économique, financier, intellectuel, culturel, voire quasiment mafieux comme celui qui alimente les trafics dans ce que l’on appelle curieusement les « cités », alors que l’idée de citoyenneté leur est étrangère. Il s’agit d’une élite qui est « branchée » sur les réseaux de communication, s’inscrit dans des échanges mondialisés. Il y a aussi les citoyens de la périphérie2. Ils ne participent directement à aucune de ces formes de pouvoir, ils sont, peu à peu, marginalisés. Or ce sont ces citoyens qui constituent aussi les forces vives de la nation, la partie immergée de l’iceberg. C’est pour eux que l’effort de démocratisation est le plus nécessaire. La question se pose de savoir si le recours au référendum peut être l’un des instruments de ce renouveau de la démocratie.
Le développement du recours au référendum peut être conçu comme un instrument de démocratie participative. Deux outils ont été mis en place à cette fin, le référendum, improprement appelé d’initiative populaire, et le référendum local.
Le référendum d’initiative populaire a été inscrit dans la Constitution par la révision constitutionnelle de 2008. En réalité l’initiative de ce référendum appartient à un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (soit environ 4,5 millions). Il a fallu attendre plus de cinq ans pour que soit adoptée une loi organique permettant la mise en œuvre de ces dispositions (loi organique du 6 décembre 2013). C’est en fait un référendum d’initiative mixte. Le référendum ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. La conformité de la proposition à la Constitution est obligatoirement appréciée par le Conseil constitutionnel. En revanche, si dans un délai de six mois la proposition n’a pas été examinée par les deux assemblées parlementaires, le président de la République doit soumettre la proposition à référendum. L’initiative est en réalité parlementaire, l’intervention du peuple est particulièrement encadrée et la portée de la demande est particulièrement limitée. Cette procédure qui traduit encore la méfiance des élites vis-à-vis du peuple explique par elle-même ce qui peut être considéré aujourd’hui comme un échec.
La démocratie participative est probablement un instrument peu adapté, de manière générale, à la prise de décision au niveau national. En revanche le référendum peut contribuer à développer une démocratie participative locale.
Ainsi, l’article 72-1 de la Constitution prévoit, notamment, la possibilité de recourir à un référendum décisionnel local. L’exécutif de la collectivité, une partie des membres de l’Assemblée délibérante, mais aussi un cinquième (dans les communes), ou le dixième (dans les autres collectivités) des électeurs, disposent de l’initiative de la décision de recourir au référendum. La décision est prise par l’Assemblée délibérante. Pour acquérir valeur décisionnelle, le référendum doit obtenir une participation de la moitié au moins des électeurs inscrits. Il existe aussi la possibilité de recourir à un référendum consultatif, mais cette modalité de consultation de la population est ambiguë car, si le résultat du vote n’emporte pas de conséquences juridiques, il ne peut être politiquement écarté, sauf à créer le sentiment d’un déni de démocratie. De ce point de vue, la décision du gouvernement, de renoncer à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, alors que les électeurs s’étaient prononcés, à l’occasion d’un référendum local sur ce projet qui avait obtenu plus de 55 % des voix en sa faveur, traduit, quelle que soit son opportunité, un détournement de démocratie. Le référendum local devrait en réalité répondre essentiellement à une logique ascendante, c’est-à-dire à une initiative populaire.
La question se pose également du renforcement du recours au référendum décisionnel comme instrument de démocratie directe au niveau national.
Le référendum a fait un retour notable dans la pratique politique des États européens, référendum grec sur la politique d’austérité, référendum hollandais sur le projet d’accord entre l’Union européenne et l’Ukraine, référendum britannique sur l’appartenance à l’Union européenne, référendum hongrois sur l’immigration, référendum italien sur la réforme de la Constitution… Incontestablement, les résultats de ces référendums démontrent le fossé qui s’est creusé entre le peuple et ses dirigeants, mais aussi entre le peuple et l’Europe.
Faut-il alors considérer le référendum comme un danger ou comme une solution3 ? Il peut être l’un et l’autre. Le référendum est un outil qui, par son caractère binaire, sa force et la brutalité de son résultat peut être dangereux, s’il est utilisé, par exemple dans un contexte émotionnel. Face au déni de démocratie et de souveraineté qui se manifeste partout en Europe, utilisé comme instrument politique, il permet aux gouvernements de canaliser la colère latente des citoyens vers un repli nationaliste qui constitue une impasse. Mais continuer à faire l’impasse sur cette révolte sourde, en privant le peuple de la possibilité de s’exprimer, c’est courir le danger d’une explosion dont personne ne peut prédire les péripéties et les conséquences.
Revivifier la démocratie c’est revenir à son sens premier, rendre la parole au peuple. Le référendum est un outil de démocratie directe, dans un système qui par nature éloigne les citoyens des mécanismes de décision. C’est un moment de respiration démocratique dans un monde technicisé. C’est l’occasion d’un débat autour de la détermination des valeurs qui constituent l’identité nationale. On dénonce le risque de dérive plébiscitaire, pourtant quoi de plus démocratique pour un responsable politique que de choisir d’engager sa responsabilité devant le peuple qui l’a élu en cours de mandat ? On invoque le risque de dérive populiste, mais priver le peuple de la faculté de s’exprimer ne peut que favoriser les partis populistes.
La question se pose alors de trouver un mécanisme qui permette de redonner la parole au peuple tout en évitant que ne soit remise en cause cette démocratie tempérée qui est le modèle de nos sociétés occidentales.
La première exigence porte sur la sincérité du processus référendaire. Le principe de clarté et d’intelligibilité doit s’imposer à la formulation de la question. Si le peuple peut répondre comme il l’entend, encore faut-il qu’il soit en mesure de le faire. Il convient ainsi d’éviter des questions trop complexes, ou des questions multiples auxquelles une seule réponse peut être apportée, comme ce fut le cas en 1969 où l’on a demandé aux citoyens d’accepter à la fois la création des régions et la diminutio capitis du Sénat. On peut, de ce point de vue, s’interroger sur le fait de savoir s’il faut maintenir le principe selon lequel le référendum ne peut porter que sur un texte. D’un certain côté, autoriser la ratification d’un traité, aussi complexe que ceux portant sur l’Union européenne, n’a guère de sens. D’un autre côté, il est facile de déguiser une question portant sur un « problème de société » en article unique de loi. Le mécanisme même de la démocratie directe implique que la question soit simple, les enjeux clairement identifiés et qu’elle ne se prête pas à un nuancier de réponses. Le référendum doit également être précédé d’un véritable débat.
Il serait probablement nécessaire de prévoir que, outre le contrôle que le juge constitutionnel exerce sur la sincérité du débat, il puisse également exercer un contrôle sur la clarté et l’intelligibilité de la question. Néanmoins, toute autre est la question de savoir si le juge constitutionnel doit pouvoir contrôler la substance de la question, c’est-à-dire sa conformité à la Constitution. Comme il a été relevé la question est de savoir jusqu’où le juge peut s’immiscer dans le dialogue démocratique entre le chef de l’État et le peuple ?
S’agissant de l’objet du référendum, il conviendrait probablement d’en élargir le champ. Plusieurs pistes peuvent être explorées. D’abord redonner la parole au peuple sur des questions importantes, parmi lesquelles ces « questions de société », dont justement le Conseil constitutionnel estime qu’elles sont tellement politiques qu’il n’en contrôle pas la constitutionnalité. La question du mariage entre personnes de même sexe, qui a tant divisé l’opinion, aurait pu être tranchée par le peuple. Le référendum peut aussi conduire à faire valider les grandes lignes d’un projet économique et social… Mais sont aussi concernées les questions qui engagent l’avenir d’une nation. La construction européenne est de celles-là. Redessiner une Europe politique et des droits et libertés, ambitieuse mais respectueuse des identités nationales, économiquement puissante, unie autour de positions géostratégiques communes, d’une monnaie commune soutenue par une politique sociale et fiscale commune, constitue une ambition qui pourrait réunir les peuples européens qui en auraient accepté le principe, après un véritable débat.
S’agissant de la révision de la Constitution, il conviendrait également d’associer le peuple à toutes les révisions importantes. On pourrait imaginer que soient distinguées, comme c’est le cas par exemple en Espagne, les révisions ne nécessitant que l’intervention des Assemblées, de celles faisant obligatoirement intervenir le peuple. De ces dernières devraient relever les deux principes qui fondent notre ordre juridictionnel : la souveraineté nationale et les droits de l’homme. Il conviendrait, peut-être, d’y ajouter les principes essentiels relatifs aux compétences et aux nominations des organes essentiels de l’État, notamment le président de la République.
L’un des moyens d’éviter que le référendum ne conduise à des dérives et à des manipulations serait d’exiger un taux minimum de participation pour que sa validité soit reconnue. Cette exigence s’inscrit parfaitement dans la logique démocratique. Mais comment traiter une réponse à un référendum à l’occasion duquel 49 % des électeurs se sont prononcés à 99 % en faveur de la question posée ? La réponse juridique est simple, la réponse politique l’est moins.
La question du référendum n’est pas si archaïque que veulent bien le penser ceux qui sont, de fait, attachés à un système oligarchique et qui exercent, à ce titre, le pouvoir intellectuel juridictionnel ou politique. Faute de pouvoir se prononcer, le peuple risque de reprendre une parcelle du pouvoir qui lui est dénié dans des conditions qui peuvent conduire à tous les débordements.
Bertrand MATHIEU
Professeur agrégé des facultés de droit
Président émérite de l’Association française de droit constitutionnel
Vice-président de l’Association internationale de droit constitutionnel
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