La France n’avait pas connu cela depuis 1685. La religion d’une fraction non négligeable de la nation vouée aux gémonies dans l’opinion, ses fidèles menacés d’un choix crucial entre l’abjuration ou l’expatriation…
La révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV trouvait quelques justifications dans le comportement de certaines factions Protestantes durant les décennies qui avaient précédé cette révocation par l’édit de Fontainebleau, dans la mesure où elles s’étaient ménagé la mainmise de villes et de territoires flanqués de forteresses qui pouvaient menacer l’unité du royaume.
Environ 400 000 adeptes de la « religion prétendue réformée » abjurèrent sans faire d’histoires cependant que des centaines de milliers d’autres prenaient le chemin de l’exil, notamment vers l’Allemagne où leur expérience dans les métiers où ils excellaient leur valut un accueil souvent chaleureux…
L’élection présidentielle qui se profile à l’horizon des prochains mois nous confronte à l’éventualité d’une conjoncture assez comparable dans son essence, avec l’appui d’une opinion vampirisée par une actualité sécuritaire traumatisante.
Agitant le risque possible d’une submersion du peuple de France dans son mode de vie traditionnel par des conquérants musulmans, émules de ceux qui s’étaient aventurés jusqu’à Poitiers en 732, un sympathique et talentueux écrivain s’est porté candidat à la présidence de la République avec pour objectif l’élimination de l’Islam et de ses adeptes de notre beau pays…
Il agite essentiellement la menace d’un « Grand Remplacement », terme forgé par Renaud Camus sur le modèle du « Grand Dérangement » utilisé depuis le XVIII° siècle par les Acadiens du Canada pour déplorer la substitution du peuplement britannique à leurs racines françaises. Alerte sexagénaire, il s’est assuré la compagnie d’une jeune et brillante égérie avec laquelle il parcourt la France en tous sens, tantôt accueilli par des auditoires enthousiastes, tantôt en butte à des rebuffades cinglantes…
Mais tous deux auraient de bonnes raisons de se ressouvenir de l’ethnie et de la religion pluri-millénaire qui furent martyrisées honteusement par le nazisme hitlérien au siècle dernier, avec une barbarie que Louis XIV n’aurait certainement pas envisagée lorsqu’il a autorisé son ministre Louvois à tracasser les protestants sous le poids des fameuses « dragonnades »… De cette honte inexpiable, la France de Vichy, hélas, s’était faite largement complice, même si la Résistance et le combat victorieux de ceux qui s’étaient ralliés au général de Gaulle en ont estompé l’opprobre.
Mais sachant cela, comment peut-on d’un cœur léger imaginer de chasser de la Communauté nationale des compatriotes dont le seul « péché » serait de professer une religion qui n’est pas celle du plus grand nombre ? Certes, personne ne peut nier que la forme la plus radicale de cette religion, le salafisme à l’origine du « Djihad » meurtrier, constitue une menace contre laquelle la société a le devoir impérieux de se prémunir. Mais la France a connu dans son Histoire des risques aussi redoutables qu’elle a su maîtriser !
A-t-on oublié les méfaits du Mouvement anarchiste à la fin du XIX° siècle qui, entre autres attentats, a conduit Vaillant à balancer une bombe au beau milieu de la Chambre des Députés le 9 décembre 1893 et Caserio à poignarder à mort le président Sadi Carnot à Lyon le 25 juin 1894 ?
Aujourd’hui, la religion musulmane dont certains voudraient faire le « bouc émissaire » de toutes les détresses qui angoissent les Français, ne peut être ravalée au niveau d’une secte de tribus nomades peuplées d’illuminés faméliques errant au hasard dans des zones désertiques à l’affut de proies succulentes. L’Islam compte dans le monde deux milliards de fidèles soit 26% de la population mondiale… En comparaison, le catholicisme avec 1,4 milliard de « paroissiens » fait un peu figure de parent pauvre…
Quoi qu’il en soit, la devise de la République, comme l’affirmation de la laïcité qui gouverne ses institutions, ne peuvent que proscrire toute tentative d’immiscer la puissance publique dans la liberté de penser de tout un chacun au sein de la communauté nationale.
Il est évident que la faillite de l’Etat dans ses responsabilités régaliennes ne peut être imputée aux familles françaises issues, dans un passé proche ou lointain, de civilisations étrangères ou d’anciennes colonies dont elles conservent pieusement les traditions mais dont les enfants brillent étonnamment dans la plupart des technologies majeures de la nouvelle Economie…
Au cours des deux guerres mondiales, leurs parents et grands-parents avaient combattu sous le drapeau tricolore : au moment de les incorporer on ne leur avait pas demandé d’abjurer la religion de leurs ancêtres. Lorsqu’ils tombaient au champ d’honneur on prenait soin au contraire d’honorer leur sépulture d’un signe rappelant celle-ci…
Est-ce leur faute si l’Europe de Bruxelles et particulièrement les gouvernements français successifs ont ouvert nos frontières sans contrôle à des populations farouchement inassimilables ? Ce n’est pas non plus leur faute si beaucoup de nos tribunaux, par faiblesse ou idéologie, renoncent à sévir efficacement contre les délinquants et criminels venus de tous horizons qui pourrissent la vie des honnêtes gens.
Pour quelles raisons l’Etat tolère-t-il le juteux trafic de drogues (dont celles qui ne sont pas mortelles transforment en zombies leurs utilisateurs) ? On se borne à déplacer les sites de cette abjection immonde comme Marcel Pagnol, dans « Topaze », baladait les pissotières !
Mesure t-on combien ce laxisme offre aussi un exemple détestable à de jeunes esprits vulnérables fascinés par le mirage de cette activité souterraine grassement rémunératrice ? Non ! Ce n’est pas la généralité des Français venus de l’autre côté de la Méditerranée qui est responsable du bourbier idéologique où sombre notre France !
Le moment n’est-il donc pas venu d’amoindrir dans les controverses politiques et médiatiques la fantasmagorie simpliste du « terrorisme islamique », comme dans l’entre-deux-guerres celle du « bolchevique au couteau entre les dents », pour ouvrir plutôt les yeux sur les tares qui grèvent notre système politique, administratif, économique et social et tenter de restaurer un peu de morale civique dans une société déboussolée par la généralisation d’un consumérisme mondial dévastateur de toutes les valeurs humanistes ?
Robert-Noël Castellani
Préfet honoraire-Ecrivain
Ancien président de l’Office des migrations internationales
Officier de la Légion d’honneur
Commandeur du Mérite de l’Ordre de Malte