Première offensive de l’hiver avec la tempête Caetano pour notre « cher et vieux pays » qui s’est réveillé le 21 novembre 2024 sous un trait de neige immaculée : les flocons ont rehaussé d’un linceul blanc les paysages automnaux d’une bonne portion du nord et de l’ouest du Royaume hexagonal, accompagnés de rafales de vent glacial prémonitoires de multiples difficultés.
Tous les voyants semblent passer au rouge les uns après les autres, sur les scènes nationale et internationale, dans un climat général d’incertitude grandissante. Le temps chargé de menaces semble se mettre à l’unisson de l’actualité, comme pour mieux souligner le risque d’une bascule irrémédiable dans l’inconnu.
On pourra rétorquer que les deux conflits titanesques du 20e siècle ont éclaté le 28 juillet 1914 et le 1er septembre 1939 en gardant l’espoir que l’entrée dans l’hiver 2024-2025 ne concorde pas avec le début d’une troisième guerre mondiale. Mais de facto, l’escalade à laquelle on assiste aujourd’hui avec l’autorisation du tir de missiles à longue portée au départ du sol ukrainien annoncée par le président américain sortant et l’apparente riposte russe au moyen d’un vecteur intercontinental ayant touché la ville de Dnipro, n’augure rien de bon dans un contexte global pour la France où tout tend à déboucher sur une crise d’envergure d’ici la fin de l’année. En Suède et en Finlande, les opinions publiques sont d’ores et déjà préparées à l’éventualité d’une guerre, tandis que le peuple ukrainien a franchi le seuil de 1000 jours de combats dévastateurs et de lutte acharnée pour sauvegarder son intégrité…
La guerre d’attrition qui ravage l’Ukraine est en passe de prendre une tournure encore plus mortelle et de dégénérer en conflit généralisé à l’ensemble du continent européen, quand Moscou affiche considérer que les pays de l’Otan sont cobelligérants au vu des dernières évolutions sur le terrain des opérations militaires.
Les postures affichées de part et d’autre – menace russe de recours à l’arme nucléaire incluse, relèvent peut-être d’une volonté de se positionner au mieux de ses possibilités de peser à la table de futures négociations en vue de mettre un terme à cette guerre absurde, elles révèlent à l’heure actuelle une inquiétante absence de clarté et de maîtrise des objectifs poursuivis. L’Europe doit déterminer de manière précise jusqu’où elle est prête à aller dans la défense et la restauration de l’Ukraine pour être crédible face à la volonté expansionniste de la Russie, appuyée désormais par des troupes nord-coréennes à la porte du territoire ukrainien assiégé.
Si elle n’est pas en mesure de le faire de manière unanime et tangible, alors il est probable et raisonnablement souhaitable qu’il faudra s’en remettre aux démarches de Washington et du 47e président des États-Unis nouvellement élu pour enrayer le risque non négligeable, bien réel, de bascule dans l’inconnu et d’une escalade susceptible de plonger le monde dans un troisième conflit généralisé pour lequel aucun État membre de l’Union européenne n’est aujourd’hui réellement préparé.
Qui plus est, à un moment où l’OTAN peut faire l’objet à l’avenir d’une reconfiguration d’envergure, de nature budgétaire et politique, où la Turquie émet des signaux d’alerte divergents, peut-on présager d’un front européen sans failles face à une situation aussi volatile et avec des intérêts nationaux souvent contradictoires dans la relation avec la Russie pour des raisons économiques la plupart du temps ?
La France de cette fin de 2024 en est au stade du temps des parodies : parodie de justice, parodie de démocratie, parodie de majorité de gouvernement, parodie du rôle de puissance encore audible et crédible sur la scène internationale et européenne, on peut s’amuser à égrener la longue liste de domaines où rien ne correspond à la réalité objective et où tout prête aux doutes et aux ambiguïtés d’une situation qui n’est plus maîtrisée. Dans l’affaire des assistants parlementaires du RN, l’opinion publique partage de plus en plus le sentiment, si ce n’est la conviction, que le droit n’est pas nécessairement synonyme de justice et que les réquisitions du parquet sont disproportionnées dans leur sévérité par rapport aux infractions poursuivies et qu’elles vont beaucoup trop loin, en particulier avec celle de l’exécution provisoire d’une éventuelle peine d’inéligibilité à l’encontre de Marine Le Pen. La déclaration malaisante d’une procureure au sujet d’un des prévenus dans cette affaire a jeté une ombre de partialité qui aurait été susceptible d’autoriser une demande de récusation du tribunal sous d’autres cieux. Tout ceci alimente un climat délétère de défiance vis-à-vis des juges et de leur pouvoir dans notre démocratie fragilisée par une dérive préoccupante du jeu des institutions et par l’absence de majorité solide au sein de l’Assemblée nationale.
Ce n’est qu’un exemple pour souligner notre extrême fragilité. Un gouvernement en sursis jusqu’à l’épreuve de vérité du vote du budget… Un risque de motion de censure à l’issue de cette échéance… Dans la crise agricole française sur fond de plan social à l’échelle européenne de l’ensemble de cette profession qui a été de temps immémoriaux une des fondations de notre pays, le combat bien trop tardif mené contre le MERCOSUR, un traité d’accord négocié depuis l’an 2000 ! – risque de générer des frustrations et une colère encore plus fortes tant son issue repose sur des facteurs que l’on ne maîtrise plus depuis longtemps, personne n’est plus dupe…
Tout semble réuni pour déboucher sur une crise sans précédent dans notre « cher et vieux pays », le tout avec à l’arrière-fond l’amplification d’un bruit de bottes qui vient de l’est et peu de raisons de rester confiant dans l’avenir en ce monde obscurci de menaces et de conflits en croissance exponentielle…
Dans le combat mené contre l’islamisme en France et dans le monde, la triste, terrible nouvelle de l’arrestation de Boualem Sansal à son arrivée à l’aéroport d’Alger le 16 novembre 2024, cette grande voix algérienne du continent africain et représentant de la conscience universelle, un écrivain de langue française digne du prix Nobel, qui dans sa jeunesse a côtoyé Albert Camus, illustre un peu plus la gravité de l’heure et la montée des périls. Elle appelle à une mobilisation de toutes les bonnes volontés pour demander qu’il soit libéré et souligne l’importance vitale de rester vigilant sur tous les fronts pour éviter de basculer dans un univers où l’arbitraire prend le chemin de régner en maître et d’entraver pour longtemps nos libertés…
Eric Cerf-Mayer