À moins de deux ans de l’élection présidentielle, entre ceux qui annoncent la chute de la maison Le Pen suite à son potentiel empêchement judiciaire, ceux qui prophétisent l’ascension irréversible ou presque de Bruno Retailleau, ceux qui objectivent la consécration au statut de favori d’Edouard Philippe, et d’autres encore qui prédisent une résurrection d’une gauche sociale-démocrate émancipée des radicalités insoumises, il convient d’opposer le doute et de donner rendez-vous au printemps 2027, sous réserve de la tenue de l’agenda sans turbulences et autres aléas – ce qui reste à démontrer. Tout se passe comme si les professionnels de la conjecture n’avaient rien appris, n’apprenaient rien, ne voulaient rien apprendre.
Les seules certitudes que nous pouvons au mieux retenir comme inaltérables sont de celles qui configurent aujourd’hui nombre de nos maux : d’ici deux ans la question de la dette ne sera pas réglée, la question de l’immigration incontrôlée pas plus, la question des fractures sociales et territoriales tout autant prégnante, la question de l’autorité et des enjeux de sécurité loin d’être soldée, etc.
Ce constat tient en une observation : ne peut être réglé sur le fond et sur la durée ce que l’instabilité politique et institutionnelle ne permet en aucun cas de régler. À partir de cette réalité, dense, drue, déterminante on ne peut qu’en déduire une aggravation structurelle de tous les problèmes à contexte politico-institutionnel constant. La science politique nous apprend que le jeu en démocratie est certes libre, mais qu’il n’en demeure pas moins déterminé par les conditions dans lesquelles il s’exerce. Selon le niveau de contraintes qui pèse sur ce jeu, les acteurs politiques disposent de plus ou moins grandes marges de manœuvres pour se mouvoir. A proportion que la société doute, exprime son scepticisme ou son mécontentement quant aux réponses apportées à ses attentes, l’offre partisane est soumise à une pression telle que ce n’est pas en reproduisant les mêmes pratiques et des usages routinisés mais érodés qu’elle est en mesure d’opérer dans la stabilité. La prévisibilité en politique a toujours été un exercice impossible, elle est encore plus impossible dès lors que le système qui est censé la normer est entré en phase d’instabilité chronique. Nous sommes toute proportion gardée en… 1957 ou 1958. Il suffirait d’un événement un tant soit peu chaotique pour clore un cycle et nous faire entrer dans l’un de ces moments exclusifs dont l’histoire de France est féconde. Ce qui rend encore plus improbable les probabilités que l’on voudrait dessiner… comme si de rien n’était !
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université