Dans 48 heures la France sera confrontée à sa photographie politique. Après une campagne oscillant entre confusion et invisibilité, les derniers jours précédant le premier tour ont réactivé l’intensité du scrutin. Non pas forcément en raison d’une opinion plus mobilisée, mais parce que les dynamiques sondagières laissent entrevoir une élection plus incertaine que celle imaginée voici encore quelques semaines. Le resserrement des courbes pour les premier et second tours atteste manifestement d’un changement d’atmosphère.
La réalité c’est qu’en cette fin de mandat le pays paraît comme exfolié des mauvaises peaux d’un quinquennat né de la fragmentation de la société, le fameux « archipel » théorisé par Jérôme Fourquet, et qui vise, mutadis mutandis, à se perpétuer à partir de cette balkanisation. Le corps social ne se résignerait peut-être pas aussi facilement à l’hypothèse d’une inexorable reconduction quand bien même le sortant demeurerait le favori. Mais favori pour qui et de qui ? Telle est la question qui se pose alors que les bureaux de vote s’apprêtent sous peu à ouvrir. Emmanuel Macron est d’abord le favori de cette « France d’en haut » marketée en son temps par un ancien Premier ministre ou de ce « bloc élitaire » scintigraphié par Jérôme Sainte-Marie.
Le pari, un peu cynique, du Président est d’indexer sa réélection sur l’anomie républicaine. Cette dernière se nourrit d’abord de l’abstention d’une part, de la parcellisation des électorats d’opposition d’autre part. Tout l’enjeu électoral est de savoir si cette tenaille de la désaffection électorale et de la division populaire continuera ou non à nourrir la dominance macroniste. De la persistance ou non de cette double propriété dépend l’issue du scrutin de dimanche et de son prolongement dans quinze jours.
On ne peut se satisfaire d’une démocratie dévitalisée, résignée, fataliste. L’auto-éviction par dépit des classes populaires et d’une partie des classes moyennes est un phénomène qui travaille en profondeur le corps politique depuis de nombreuses années. Le retour de tout ou partie de ces dernières dans les bureaux de vote ce dimanche serait déjà un succès… Il faut dans tous les cas le souhaiter. La légitimité de cette élection en dépend. Et ce quel qu’en soit le vainqueur.
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne