Un Conseil national de la refondation ? Vraiment ? Le Président de la République a plaidé dans une interview accordée à plusieurs titres de la presse quotidienne régionale pour ce qui, à ses yeux, constituerait sans doute un moyen de résoudre la profonde crise républicaine que nous traversons depuis plusieurs années.
Le motif justifiant la mise en place de ce dispositif trouverait sa source dans la similarité de notre époque avec celle qui dans le feu, l’acier et le sang de la Seconde Guerre mondiale vit le Général de Gaulle édifiait le Conseil national de la résistance. Soit… et encore que la comparaison est d’autant moins raison qu’elle ne se paye pas du prix de la vie des sacrifiés ! L’usage des références historiques nécessiterait parfois d’être modulé. C’est ce que rappelait cette semaine dans nos colonnes l’un de nos contributeurs, Hugues Clepkens, suite à l’annonce présidentielle y voyant également à raison aussi une forme de détournement de nos grands principes constitutionnels. Sans doute encore marqué par l’épreuve des Gilets jaunes, peut-être conscient des ambiguïtés nées de sa réélection, Emmanuel Macron entend-II anticiper les effets continus et sans cesse amplifiés de cette crise de la représentation qui taraude la relation des Français à leurs institutions.
Pour autant, on peut s’interroger et on le doit même sur une proposition qui au demeurant n’a suscité en fin de compte qu’une relative désapprobation nonobstant son « insoutenable légèreté ».
Par sa fonction, le Chef de l’Etat, comme le notifie l’article 5 de notre texte constitutionnel, « veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ».
Au prisme de cette mission d’airain, les déclarations d’Emmanuel Macron interpellent quant à leur opportunité, ceci au moment même où les élections législatives enverront à l’Assemblée nationale 577 députés. Ce nouveau » CNR », objet hybride de politique et de marketing, viendrait doubler toutes nos institutions représentatives, oubliant que lorsqu’il institue fin mai 1943 le Conseil national de la résistance, le Général de Gaulle procède ainsi parce que justement Vichy a aboli la République et le Parlement.
La mésinterprétation historique est telle qu’elle en vient à effacer le cadre institutionnel dans lequel s’exerce la vie de la cité.
A moins que le Président, motivé par une sorte d’acte manqué, en vienne à confirmer Jean-Luc Mélenchon dans son projet de VIe République, comme si l’hôte de l’Elysée se préparait déjà à une cohabitation aussi improbable que périlleuse. Quoiqu’il en soit, ce sont là des propos présidentiels qui posent plus de problèmes qu’ils n’apportent de solutions. On ne badine pas avec les institutions…
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne