Toute rentrée post-estivale depuis plusieurs décennies a le caractère d’un marronnier anxiogène dont l’issue n’est pas forcément, loin s’en faut, celle que les commentateurs envisagent dans leurs prédictions les plus pessimistes.
C’est dire si la prudence s’impose tant l’histoire n’est pas toujours là où les observateurs et acteurs l’envisagent. Pour autant si cette rentrée 2022 parait porteuse d’un âcre fumet d’inquiétudes, sans doute faut-il en chercher les causes dans l’interférence géopolitique qui en Ukraine suscite une onde de choc non seulement en Europe mais sur l’ensemble de la scène planétaire mais aussi dans l’expression du chef de l’Etat qui en France a adopté depuis plusieurs semaines un tour volontairement sombre.
On ne glosera pas à l’infini sur les intentions qui motivent cette communication. D’aucuns y verront la fascination présidentielle mi-ludique, mi-morbide pour le tragique mais il convient d’y déceler, par-delà une explication psychologique incertaine, voire fragile, les linéaments d’un nudge à peine dissimulé. Tout se passe comme si l’on préparait les Français à ce que par le passé les économistes comme les politiques appelaient par son nom, un plan d’austérité, ceci au moment où le phénomène inflationniste créé mécaniquement une tension sur les taux au risque de rendre définitivement insoutenable une dette publique volcanique. La guerre en Ukraine s’apprêterait dès lors, sous couvert de « prix à payer » pour nos libertés, à être le véhicule fort opportun visant à solder par une purge amère des décennies de conduite erratique des affaires publiques, oscillant entre des logiques semi comptables et une dépense publique non assumée mais persistante.
Résultat : la double peine avec le déclassement fonctionnel de l’Etat et dans le même temps des déficits qui minent tant notre souveraineté que l’avenir de nos enfants.
Encore serait-ce là au moins le témoignage d’une prise de conscience quand bien même se ferait-elle sur un mode bien hypocrite. Mais tout laisse à penser que ce n’est même pas cette hypothèse qu’il convient nécessairement de retenir. Il est à craindre que le pouvoir, qui n’est autre que le fils de tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis plusieurs décennies, n’exprime là qu’une forme d’impuissance par des mots virtuels à l’épreuve des maux, eux bien réels, dont il ne sait pas comment maîtriser la course imprévisible.
La communication économique du gouvernement ces dernières semaines, sans que cela soit suffisamment souligné par la plupart des commentateurs qui confondent trop souvent leur propre agenda médiatique avec la réalité des éléments, ne fut que confrontation à son inexorable infirmation.
Que restera-t-il à l’automne des propos exagérément optimistes d’un exécutif se félicitant imprudemment au printemps d’une reprise historique et fanfaronnant à l’été sur une inflation dont nous serions en passe de contourner le cap ? Rien… Et c’est bien là le problème, mais certainement pas une raison pour entretenir un climat étrangement belliciste dont personne ne peut prévoir les développements futurs, encore moins l’issue. On ne joue pas avec la guerre, pas plus que la guerre ne saurait constituer un jeu…
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne