Ce remaniement estival a quelque chose d’étrangement révélateur. Il ne constitue pas un infléchissement de ligne politique, il n’intéresse que peu ou pas du tout, il prolonge une histoire qui ne parvient plus à se renouveler.
Drame du second mandat, trop long, trop fermé sur ses habitudes, trop révélateur de la personnalité du Prince. Il pourrait se résumer en un mot : tenir.
Tenir contre l’érosion du temps, tenir contre la fragilité de l’assise parlementaire, tenir contre l’opposition de l’opinion.
Si Emmanuel Macron dispose d’un atout, il n’est pas à rechercher dans des qualités intrinsèques propres à sa politique, mais dans un mélange tout à la fois de mécontentement cyclique de la société sans débouchés à court terme et de « je-m’en-foutisme » individualiste et consumériste. Les Français en vacances ou non ont d’autres préoccupations que celle consistant à prêter attention à un rafistolage gouvernemental dont on serait bien en peine de comprendre le sens. Si sens il y a, il est surtout dans le creux ou dans le hors-champ : des ministres maladroits sur le plan communicant donc jugés inadaptés politiquement sont remerciés comme Pap Ndaye et François Braun, d’autres écartés comme Marlène Schiappa en raison de sa gestion désinvolte du fonds Marianne et de sa communication inappropriée, etc.
Par-delà ces infimes ajustements, l’opération coche toutes les cases du « non événement » : aucune possibilité d’élargir la base parlementaire, aucun élan susceptible de remonter la pente d’une opinion en défiance et, pire peut-être au regard du logiciel macroniste, aucun effet de communication. Tout au plus peut-on y voir un compromis entre l’Elysée et Matignon pour dessiner un attelage qui puise exclusivement dans le vivier de la macronie profonde, mais sans cette dynamique qui jusqu’à maintenant lui a permis d’annexer à la marge certaines de ses oppositions originelles.
Sans marge à conquérir, la marche est interrompue.
Corseté sur son noyau dur, enfermé dans son pré carré, le macronisme ne peut plus compter que sur ses propres forces, comme s’il était seul contre tous.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne