A l’occasion du 65e anniversaire de la Constitution, le Président de la République a ouvert la voie à un élargissement du champ du référendum et à une facilitation du référendum d’initiative partagée.
» Mieux vaut tard que jamais » serions-nous tentés de rajouter, quand bien même pour ce qui relève du second ce n’est pas la première fois que le Chef de l’Etat envisage cette réforme. Déjà au plus fort de la crise des Gilets jaunes il en avait évoqué l’éventualité, sans pour autant donner une suite concrète à cette hypothèse. Pour autant, nonobstant des annonces qui vont dans le bon sens, le plus difficile reste à faire et la communication en soi ne saurait suffire. Il faut passer à l’action, dépasser le stade de la promesse, sortir du seul constat, et aller à l’essentiel de la politique : faire. Faire, certes, mais comment ? Le moment est pour le moins complexe car il est doublement contraint tout à la fois par la psychologie collective d’une partie de la classe dirigeante et par la structuration même des rapports de forces parlementaires.
Le référendum ne va pas de soi pour la culture du pouvoir, surtout du techno-pouvoir qui en France, peut-être plus qu’ailleurs, règne dans les échelons supérieurs de l’Etat.
Tout se passe comme si la démocratie française, pourtant fille de la souveraineté populaire, était depuis plusieurs années entrée en défiance avec la source qui historiquement procède à sa légitimation. Depuis le référendum de 2005 et du sort qu’il réserva au Traité constitutionnel européen, le peuple est devenu non seulement l’angle mort des politiques gouvernementales mais une sorte d’objet fantasmatiquement » diabolisé « . Néanmoins la dépossession de celui-ci, dont le Traité de Lisbonne a été la plus trouble des expressions, est telle désormais que le parti de l’ordre européen auquel se rattache, parmi d’autres, le macronisme, est contraint, sous peine d’exacerber la crise démocratique, de réinstaller cette préoccupation de souveraineté populaire dans son agenda programmatique. D’où la proposition présidentielle dont la force devra être mesurée à l’aune de l’élargissement du champ référendaire qu’elle préconisera. Jusqu’où ira cette dernière dans l’acceptation de la lecture la moins restrictive possible des objets habilités à être soumis à référendum ? Exemple des plus significatifs, l’enjeu migratoire pourra-t-il donné lieu à interrogation des Français ? En d’autres termes, jusqu’où la culture élitaire consentira-t-elle à la remise en question de nombre de ses pré-requis? Il en ira de même pour le référendum d’initiative partagée, instrument né de la réforme constitutionnelle de 2008, pour lequel Emmanuel Macron imagine un assouplissement de l’usage. A partir de quel étiage parlementaire et électoral le RIP deviendra plus aisément activable ?
Champ référendaire et RIP constituent conjointement des chantiers auxquels gauches et droites d’opposition accordent une place d’importance dans leurs logiciels respectifs. En apparence tout au moins l’initiative de l’Elysée est suffisamment habile pour créer les conditions d’une agrégation propice à son adoption par le Congrès. Pourtant rien n’est moins sûr.
Les contingences partisanes pourraient venir brouiller l’initiative constitutionnelle du Président, ne serait-ce que parce que les oppositions n’ont pas forcément intérêt à offrir à Emmanuel Macron une réforme qui pourrait être transformée en trophée politique.
Ce d’autant plus que d’autres modifications comme l’évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie, des outre-mers également ou de la Corse pourraient se greffer à cette évolution de notre loi fondamentale. Pour autant la réaffirmation du primat de la souveraineté populaire ne vaut-elle pas pour une fois un consensus, sous réserve bien évidemment que tout cela ne se paye pas du prix des faux-semblants. À voir…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne