Le référendum ne va pas de soi pour la culture du pouvoir, surtout du techno-pouvoir qui en France, peut-être plus qu’ailleurs, règne dans les échelons supérieurs de l’Etat.
Tout se passe comme si la démocratie française, pourtant fille de la souveraineté populaire, était depuis plusieurs années entrée en défiance avec la source qui historiquement procède à sa légitimation. Depuis le référendum de 2005 et du sort qu’il réserva au Traité constitutionnel européen, le peuple est devenu non seulement l’angle mort des politiques gouvernementales mais une sorte d’objet fantasmatiquement » diabolisé « . Néanmoins la dépossession de celui-ci, dont le Traité de Lisbonne a été la plus trouble des expressions, est telle désormais que le parti de l’ordre européen auquel se rattache, parmi d’autres, le macronisme, est contraint, sous peine d’exacerber la crise démocratique, de réinstaller cette préoccupation de souveraineté populaire dans son agenda programmatique. D’où la proposition présidentielle dont la force devra être mesurée à l’aune de l’élargissement du champ référendaire qu’elle préconisera. Jusqu’où ira cette dernière dans l’acceptation de la lecture la moins restrictive possible des objets habilités à être soumis à référendum ? Exemple des plus significatifs, l’enjeu migratoire pourra-t-il donné lieu à interrogation des Français ? En d’autres termes, jusqu’où la culture élitaire consentira-t-elle à la remise en question de nombre de ses pré-requis? Il en ira de même pour le référendum d’initiative partagée, instrument né de la réforme constitutionnelle de 2008, pour lequel Emmanuel Macron imagine un assouplissement de l’usage. A partir de quel étiage parlementaire et électoral le RIP deviendra plus aisément activable ?
Les contingences partisanes pourraient venir brouiller l’initiative constitutionnelle du Président, ne serait-ce que parce que les oppositions n’ont pas forcément intérêt à offrir à Emmanuel Macron une réforme qui pourrait être transformée en trophée politique.
Ce d’autant plus que d’autres modifications comme l’évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie, des outre-mers également ou de la Corse pourraient se greffer à cette évolution de notre loi fondamentale. Pour autant la réaffirmation du primat de la souveraineté populaire ne vaut-elle pas pour une fois un consensus, sous réserve bien évidemment que tout cela ne se paye pas du prix des faux-semblants. À voir…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne